Angelo Alberto Torresi and Pierfrancesco Torresi v Consiglio dell’Ordine degli Avvocati di Macerata.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2088
Date17 July 2014
Celex Number62013CJ0058
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑58/13,C‑59/13
62013CJ0058

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

17 juillet 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Libre circulation des personnes — Accès à la profession d’avocat — Possibilité de refuser l’inscription au tableau de l’ordre des avocats aux ressortissants d’un État membre ayant obtenu la qualification professionnelle d’avocat dans un autre État membre — Abus de droit»

Dans les affaires jointes C‑58/13 et C‑59/13,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Consiglio Nazionale Forense (Italie), par décisions du 29 septembre 2012, parvenues à la Cour le 4 février 2013, dans les procédures

Angelo Alberto Torresi (C‑58/13),

Pierfrancesco Torresi (C‑59/13)

contre

Consiglio dell’Ordine degli Avvocati di Macerata,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen (rapporteur), E. Juhász et M. Safjan, présidents de chambre, MM. A. Rosas, D. Šváby, Mme M. Berger, MM. S. Rodin, F. Biltgen et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 février 2014,

considérant les observations présentées:

pour MM. Torresi, par Me C. Torresi, avvocato,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González et Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour le gouvernement roumain, par M. R.‑H. Radu ainsi que par Mmes R.‑I. Hatieganu et A.‑L. Crişan, en qualité d’agents,

pour le Parlement européen, par Mme M. Gómez-Leal et M. L. Visaggio, en qualité d’agents,

pour le Conseil de l’Union européenne, par M. A. Vitro et Mme P. Mahnič Bruni, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme E. Montaguti et M. H. Støvlbæk, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation et la validité de l’article 3 de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO L 77, p. 36).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, respectivement, MM. Torresi au Consiglio dell’Ordine degli Avvocati di Macerata (conseil de l’ordre des avocats de Macerata, ci-après le «conseil de l’ordre de Macerata») au sujet du refus de ce dernier de faire droit à leurs demandes d’inscription à la section spéciale du tableau des avocats.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le considérant 6 de la directive 98/5 est libellé comme suit:

«considérant qu’une action se justifie également au niveau communautaire en raison du fait que seuls quelques États membres permettent déjà, sur leur territoire, l’exercice d’activités d’avocat, autrement que sous forme de prestations de services, par des avocats venant d’autres États membres et exerçant sous leur titre professionnel d’origine; que, toutefois, dans les États membres où cette possibilité existe, elle revêt des modalités très différentes, en ce qui concerne, par exemple, le champ d’activité et l’obligation d’inscription auprès des autorités compétentes; qu’une telle diversité de situations se traduit par des inégalités et des distorsions de concurrence entre les avocats des États membres et constitue un obstacle à la libre circulation; que, seule une directive fixant les conditions d’exercice de la profession, autrement que sous forme de prestations de services, par des avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine est à même de résoudre ces problèmes et d’offrir dans tous les États membres les mêmes possibilités aux avocats et aux usagers du droit».

4

En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de ladite directive, celle-ci a pour objet de faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat à titre indépendant ou salarié dans un État membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle.

5

L’article 2 de la directive 98/5, intitulé «Droit d’exercer sous son titre professionnel d’origine», dispose à son premier alinéa:

«Tout avocat a le droit d’exercer à titre permanent, dans tout État membre, sous son titre professionnel d’origine, les activités d’avocat telles que précisées à l’article 5.»

6

L’article 3 de cette même directive, intitulé «Inscription auprès de l’autorité compétente», prévoit à ses paragraphes 1 et 2:

«1. L’avocat voulant exercer dans un État membre autre que celui où il a acquis sa qualification professionnelle est tenu de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de cet État membre.

2. L’autorité compétente de l’État membre d’accueil procède à l’inscription de l’avocat au vu de l’attestation de son inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine. Elle peut exiger que cette attestation délivrée par l’autorité compétente de l’État membre d’origine n’ait pas, lors de sa production, plus de trois mois de date. Elle informe l’autorité compétente de l’État membre d’origine de cette inscription.»

Le droit italien

7

La République italienne a transposé la directive 98/5 dans son droit interne par le décret législatif no 96, du 2 février 2001 (supplément ordinaire à la GURI no 79, du 4 avril 2001, ci-après le «décret législatif no 96/2001»). L’article 6 de celui-ci, intitulé «Inscription», énonce:

«1. Aux fins de l’exercice permanent en Italie de la profession d’avocat, les ressortissants des États membres titulaires de l’un des titres visés à l’article 2 sont tenus de s’inscrire à une section spéciale du tableau constitué dans la circonscription du tribunal dans laquelle ils ont établi, de façon stable, leur résidence ou leur domicile professionnel, dans le respect de la réglementation relative aux obligations en matière de sécurité sociale.

2. L’inscription à la section spéciale du tableau est subordonnée à l’inscription du demandeur auprès de l’organisation professionnelle compétente de l’État membre d’origine.

3. La demande d’inscription doit être accompagnée des documents suivants:

a)

certificat de nationalité d’un État membre de l’Union européenne ou déclaration tenant lieu de certificat;

b)

certificat de résidence ou déclaration tenant lieu de certificat, ou déclaration du demandeur comportant l’indication du domicile professionnel;

c)

attestation d’inscription à l’organisation professionnelle de l’État membre d’origine, délivrée au plus tard trois mois avant la date de présentation, ou déclaration tenant lieu d’attestation.

[…]

6. Dans les 30 jours qui suivent la date de présentation de la demande ou de son complément, le conseil de l’ordre, après avoir vérifié que les conditions requises sont remplies et pour autant qu’aucun motif d’incompatibilité ne s’y oppose, ordonne l’inscription à la section spéciale du tableau et en donne notification à l’autorité correspondante de l’État membre d’origine.

7. Le rejet de la demande ne peut être prononcé sans que l’intéressé ait été préalablement entendu. La décision doit être motivée et, dans un délai de quinze jours, être notifiée dans sa version intégrale à l’intéressé et au procureur de la République […]

8. Si le conseil de l’ordre n’a pas rendu sa décision sur la demande dans le délai fixé au paragraphe 6, l’intéressé a la faculté, dans les dix jours suivant l’expiration dudit délai, de former un recours devant le Consiglio Nazionale Forense [conseil national de l’ordre des avocats] lequel statue au fond sur la demande.

9. Par l’inscription à la section spéciale du tableau, l’avocat établi se voit conférer le droit de vote, à l’exclusion du droit d’éligibilité.

[…]»

8

En vertu du décret-loi royal no 1578, du 27 novembre 1933, converti, après modifications, par la loi no 36 de 1934, telle que modifiée ultérieurement (Gazzetta Ufficiale no 24, du 30 janvier 1934), toute décision du Consiglio Nazionale Forense peut faire l’objet d’un recours fondé sur des moyens de légalité devant les chambres réunies de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation).

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Après avoir obtenu leur diplôme universitaire en droit en Italie, MM. Torresi ont chacun obtenu un diplôme universitaire en droit en Espagne et, le 1er décembre 2011, ils ont été inscrits en tant qu’avocats au tableau de l’Ilustre Colegio de Abogados de Santa Cruz de Tenerife (barreau de Santa Cruz de Tenerife, Espagne).

10

Le 17 mars 2012, MM. Torresi ont, en vertu de l’article 6 du décret législatif no 96/2001, déposé auprès du conseil de l’ordre de Macerata une demande d’inscription à la section spéciale du tableau des avocats relative aux avocats titulaires d’un titre professionnel délivré dans un État membre autre que la République italienne et établis dans cette dernière (ci-après les «avocats établis»).

11

Le conseil de l’ordre de Macerata ne s’est pas prononcé sur les demandes d’inscription dans le délai de 30 jours prévu à l’article 6, paragraphe 6, du décret législatif no 96/2001.

12

MM. Torresi ont donc, par des recours déposés...

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