Arrêts nº T-241/01 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, July 18, 2005

Resolution DateJuly 18, 2005
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-241/01

Concurrence – Entente – Transport aérien – Règlement (CEE) nº 3975/87 – Accords notifiés – Entente dépassant le cadre de la notification – Répartition de marchés – Amende – Lignes directrices pour le calcul des amendes – Gravité de l’infraction – Communication sur la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant – Circonstances atténuantes – Compétence de pleine juridiction

Dans l’affaire T-241/01,

Scandinavian Airlines System AB, établie à Stockholm (Suède), représentée par Me M. Kofmann, avocat ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Oliver et W. Wils, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 2 de la décision 2001/716/CE de la Commission, du 18 juillet 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP.D.2 37.444 – SAS/Maersk Air et affaire COMP.D.2 37.386 – Sun-Air contre SAS et Maersk Air) (JO L 265, p. 15), en tant qu’il fixe à 39 375 000 euros le montant de l’amende infligée à la requérante, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de ladite amende,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,

greffier : M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 juin 2004,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1 Selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO L 374, p. 1), en vigueur au moment des faits (ci-après le « règlement »), lorsque la Commission constate une infraction à l’article 81, paragraphe 1, du traité, elle peut, par voie de décision, exiger des entreprises concernées qu’elles mettent fin à cette infraction.

2 L’article 12, paragraphe 2, du règlement dispose que la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises ou associations d’entreprises des amendes allant de 1 000 à 1 million d’euros, ce dernier montant pouvant être majoré sans pour autant dépasser 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice précédent par les entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles contreviennent à l’article 81, paragraphe 1, du traité. Pour la détermination du montant de l’amende, il est tenu compte de la gravité et de la durée de l’infraction.

3 Dans une communication publiée au Journal officiel (JO 1998, C 9, p. 3), la Commission a exposé les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204) et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (ci‑après les « lignes directrices »).

4 Dans sa communication du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207, p. 4) (ci-après la « communication sur la coopération »), la Commission a précisé les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête pourront être exemptées d’amende ou bénéficier d’une réduction d’amende.

Faits à l’origine du litige

5 Scandinavian Airlines System AB (ci-après « SAS » ou la « requérante »), principale compagnie aérienne de Scandinavie, est un consortium contrôlé par Scandinavian Airlines System Sverige AB, Scandinavian Airlines System Danmark A/S et Scandinavian Airlines System Norge ASA, chacune de ces trois entreprises étant contrôlée à 50 % par l’État et à 50 % par le secteur privé. Elle est membre de l’Alliance Star et assure des vols réguliers vers 105 destinations (40 en Scandinavie, 56 dans le reste de l’Europe et 9 hors d’Europe). D’après son rapport annuel pour l’année 2000, SAS a réalisé un chiffre d’affaires de 4,917 milliards d’euros.

6 Maersk Air A/S est une compagnie aérienne danoise contrôlée par le groupe A. P. Møller, qui exerce également des activités dans d’autres secteurs, comme le transport maritime, le pétrole et le gaz. Le groupe A. P. Møller contrôle en outre la compagnie anglaise Maersk Air Ltd. Maersk Air A/S et Maersk Air Ltd forment à elles deux le groupe Maersk Air, dont le chiffre d’affaires, en 2000, était de 458,6 millions d’euros. Maersk Air A/S (ci-après « Maersk Air ») exploite quatre lignes intérieures au Danemark et quinze lignes internationales régulières au départ et à destination de Copenhague et de Billund.

7 Par lettre du 8 mars 1999, SAS et Maersk Air ont notifié à la Commission un accord de coopération, daté du 8 octobre 1998, et cinq accords accessoires en vue d’obtenir une attestation négative et/ou une exemption en vertu, respectivement, de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 5 du règlement.

8 L’accord de coopération, entré en vigueur le 28 mars 1999, comprend deux grands volets, à savoir :

a) un partage des codes de vol sur un certain nombre de lignes exploitées par Maersk Air (quatre lignes intérieures et neuf lignes internationales), permettant à SAS de commercialiser des sièges sur les vols à codes partagés ;

b) la participation à un programme de fidélisation de la clientèle, grâce à laquelle les passagers des vols Maersk Air peuvent gagner des points dans le cadre du programme de fidélisation de SAS (programme « EuroBonus »), et, inversement, les membres d’EuroBonus peuvent échanger les points qu’ils ont obtenus contre des billets d’avion sur les vols Maersk Air. La coopération concernant le programme de fidélisation couvre toutes les lignes de Maersk Air.

9 Les cinq accords accessoires fournissent les précisions techniques et financières nécessaires à la mise en oeuvre des deux volets de l’accord principal.

10 Le 23 novembre 1998, une petite compagnie aérienne danoise, Sun-Air of Scandinavia, a saisi la Commission d’une plainte, enregistrée le 7 janvier 1999, au sujet de la coopération entre SAS et Maersk Air.

11 Au cours de son enquête préliminaire, la Commission a constaté que la notification ne reflétait que partiellement les accords passés entre les deux compagnies. Selon elle, la prise d’effet de l’accord de coopération a coïncidé avec le retrait de Maersk Air de la liaison Copenhague-Stockholm, sur laquelle elle était jusqu’alors en concurrence avec SAS. Par ailleurs, il s’est également avéré qu’au même moment SAS a cessé d’assurer la desserte entre Copenhague et Venise, tandis que Maersk Air commençait à exploiter cette liaison. Enfin, SAS s’étant retirée de la liaison Billund-Francfort, Maersk Air restait seule à exploiter cette ligne. Ces entrées et ces retraits n’avaient pas été notifiés à la Commission.

12 Par décision du 9 juin 2000, la Commission a ordonné que SAS, Maersk Air et le groupe A. P. Møller se soumettent à des vérifications en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 et de l’article 11, paragraphe 3, du règlement.

13 Les documents découverts à l’occasion de l’inspection, qui a eu lieu les 15 et 16 juin 2000, ont confirmé que l’accord conclu entre les compagnies SAS et Maersk Air couvrait un champ plus large que celui que les parties avaient notifié à la Commission. En effet, les documents ont révélé que, en vertu d’un accord non notifié à la Commission, d’une part, SAS s’était engagée à ne pas assurer les liaisons exploitées par Maersk Air à partir du Jutland, tandis que Maersk Air promettait de ne pas lancer de services sur les liaisons au départ de Copenhague que SAS exploitait ou souhaitait exploiter, et, d’autre part, Maersk Air se retirait de la liaison Copenhague-Stockholm, SAS faisant de même quant aux liaisons Copenhague-Venise et Billund-Francfort, chacune des compagnies laissant ainsi l’autre assurer exclusivement la liaison.

14 Le 22 juin 2000, Maersk Air a spontanément communiqué à la Commission des renseignements complémentaires qui avaient été jusque-là conservés au domicile de l’un de ses anciens salariés.

15 Par lettre du 24 août 2000, en réponse à une demande de renseignements de la Commission du 1er août 2000, SAS lui a remis un dossier portant la mention « dossiers privés ». Par lettre du 13 septembre 2000, SAS lui a transmis deux autres dossiers apparus après le retour de congé d’été de certains employés.

16 Par courrier du 12 octobre 2000, les compagnies SAS et Maersk Air ont effectué une notification complémentaire afin que la Commission puisse tenir compte des changements intervenus dans leur coopération, relatifs notamment aux programmations de trafic des deux compagnies.

17 Le 31 janvier 2001, la Commission a engagé la procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et a adressé une communication des griefs à SAS et à Maersk Air, conformément à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 16, paragraphe 1, du règlement. La communication des griefs visait les aspects non notifiés de la coopération que la Commission avait découverts à l’occasion de l’inspection, ainsi que les aspects notifiés qui n’étaient pas compréhensibles séparément des aspects non notifiés, comme la coopération sur les liaisons Billund-Francfort et Copenhague-Venise. Dans ladite communication, les premières conclusions de la Commission étaient que SAS et Maersk Air avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord EEE, et que cette infraction au droit communautaire pouvait être considérée comme une violation très grave. La Commission informait également les parties de son intention de leur infliger des amendes.

18 Dans leurs réponses séparées à la communication des griefs, toutes deux datées du 4 avril 2001, les parties à l’entente ont reconnu les faits ainsi que l’existence des infractions décrites dans la communication des...

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