Arrêts nº T-267/08 et T-279/08 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, May 12, 2011

Resolution DateMay 12, 2011
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-267/08 et T-279/08

Aides d’État – Construction de matériel ferroviaire – Avances remboursables – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Adaptation des conclusions – Droits de la défense – Obligation de motivation – Ressources d’État – Imputabilité à l’État – Critère de l’investisseur privé – Entreprise en difficulté

Dans les affaires jointes T‑267/08 et T‑279/08,

Région Nord-Pas-de-Calais (France), représentée par Mes M. Cliquennois et F. Cavedon, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑267/08,

Communauté d’agglomération du Douaisis (France), représentée par Mes M.Y. Benjamin et D. Rombi, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑279/08,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, initialement, une demande d’annulation de la décision C (2008) 1 089 final de la Commission, du 2 avril 2008, concernant l’aide d’État C 38/2007 (ex NN 45/2007) mise à exécution par la France en faveur d’Arbel Fauvet Rail SA, puis une demande d’annulation de la décision C (2010) 4112 final de la Commission, du 23 juin 2010, concernant l’aide d’État C 38/2007 (ex NN 45/2007) mise à exécution par la France en faveur d’Arbel Fauvet Rail,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine des litiges

1 Arbel Fauvet Rail (ci-après « AFR ») est un constructeur de matériel ferroviaire roulant à usage industriel établi à Douai, en France.

2 Le 4 juillet 2005, cette société a obtenu de la Région Nord-Pas-de Calais (ci-après la « région NPDC ») et de la communauté d’agglomération du Douaisis (ci-après la « CAD ») deux avances, d’un montant de un million d’euros chacune, au taux d’intérêt annuel de 4,08 % et remboursables par versements semestriels sur une durée de trois ans à partir du 1er janvier 2006.

3 À la suite d’une plainte, la Commission des Communautés européennes a sollicité des autorités françaises la communication d’informations sur ces mesures. Les autorités françaises ont répondu à ces demandes par des communications en date respectivement des 27 avril et 24 octobre 2006, 30 janvier et 6 juin 2007.

4 Par lettre du 12 septembre 2007, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (ci-après la « décision d’ouverture »).

5 La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 24 octobre 2007 (JO C 249, p. 17). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures en cause.

6 La Commission a reçu les observations des autorités françaises par des lettres des 12 octobre, 18 et 19 décembre 2007. Elle n’a pas reçu d’observations des parties intéressées.

7 Par décision C (2008) 1 089 final, du 2 avril 2008, concernant l’aide d’État C 38/2007 (ex NN 45/2007) mise à exécution par la France en faveur d’AFR (JO L 238, p. 27, ci-après la « décision originelle »), la Commission a décidé que les avances accordées par la région NPDC et la CAD étaient constitutives d’une aide d’État. S’agissant d’un crédit octroyé à une entreprise en difficulté dont le remboursement n’a été garanti par aucune sûreté, la Commission a estimé que le montant de cette aide était égal à la différence entre l’intérêt qui a effectivement été appliqué et l’intérêt auquel l’entreprise bénéficiaire aurait pu obtenir le même crédit sur le marché privé.

8 La Commission a considéré que l’aide d’État mise à exécution par la République française en faveur d’AFR était incompatible avec le marché commun. Elle a donc ordonné sa récupération par la République française, avec intérêts, auprès du bénéficiaire.

Procédure et nouveaux développements en cours d’instance

9 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 11 et 17 juillet 2008, la région NPDC et la CAD ont introduit, respectivement, les recours T‑267/08 et T‑279/08, qui avaient pour objet initial une demande en annulation de la décision originelle.

10 La région NPDC a demandé, dans la réplique, la jonction des affaires T‑267/08 et T‑279/08. La Commission n’a formulé aucune objection à l’égard de cette demande et la CAD s’y est déclarée favorable.

11 Par ordonnance en date du 19 février 2009, le président de la sixième chambre du Tribunal a ordonné, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la jonction des affaires T‑267/08 et T‑279/08 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

12 Le 23 juin 2010, la Commission a retiré la décision originelle, au motif qu’elle n’était pas motivée à suffisance de droit en ce qui concerne le calcul du montant de l’aide, à la lumière de l’arrêt du Tribunal du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen e.a./Commission (T‑102/07 et T‑120/07, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt Biria »).

13 La décision originelle a été remplacée par la décision C (2010) 4112 final de la Commission, du 23 juin 2010, concernant l’aide d’État C 38/2007 (ex NN 45/2007) mise à exécution par la France en faveur d’AFR (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle la Commission a, d’une part, confirmé l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun et, d’autre part, ordonné la récupération de ladite aide par la République française, avec intérêts, auprès du bénéficiaire.

14 Le 23 août 2010, dans leurs observations présentées à la suite de l’adoption de la décision attaquée, la région NPDC et la CAD, d’une part, ont précisé que, nonobstant le retrait de la décision originelle, elles n’entendaient pas se désister des conclusions initiales des recours et, d’autre part, ont demandé à pouvoir adapter leurs conclusions de façon que les recours visent également la décision attaquée.

15 Le 27 septembre 2010, la Commission a répondu aux observations présentées par les requérantes du 23 août 2010. Elle a renoncé à son chef de conclusions visant à ce que les requérantes soient condamnées aux dépens et a demandé que chaque partie supporte ses propres dépens.

16 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux requérantes et à la Commission. Celles-ci y ont répondu dans le délai imparti.

18 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience du 11 novembre 2010.

Conclusions des parties

19 Dans l’affaire T‑267/08, la région NPDC conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

20 Dans l’affaire T‑279/08, la CAD conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

21 Dans les affaires T‑267/08 et T‑279/08, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter les recours comme étant non fondés ;

– condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

En droit

A – Sur les conséquences procédurales du retrait de la décision originelle et de son remplacement par la décision attaquée

22 Ainsi qu’il ressort des points 12 et 13 ci-dessus, la décision originelle a été retirée et remplacée, depuis le dépôt des requêtes, par la décision attaquée. Les requérantes ont demandé à pouvoir adapter leurs conclusions initiales de façon que leurs recours visent à l’annulation de la décision attaquée.

23 À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre une décision, adapter la décision attaquée ou lui en substituer une autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à la décision ultérieure ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celle-ci (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 28, et la jurisprudence citée).

24 Il convient donc, en l’espèce, d’une part, de considérer que les demandes initiales des requérantes tendant à l’annulation de la décision originelle sont devenues sans objet, du fait du retrait de cette décision par la décision attaquée, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur lesdites demandes, et, d’autre part, de faire droit aux demandes nouvelles des requérantes visées au point 14 ci-dessus, de considérer que leurs recours tendent à l’annulation de la décision attaquée et de permettre aux parties de reformuler leurs conclusions, moyens et arguments à la lumière de cet élément nouveau, ce qui implique, pour elles, le droit de présenter des conclusions, des moyens et des arguments supplémentaires.

B – Sur la demande en annulation de la décision attaquée

25 Le recours T‑267/08 comporte sept moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits de la défense et des principes du contradictoire...

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