Arrêts nº T-472/13 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, September 08, 2016

Resolution DateSeptember 08, 2016
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-472/13

Concurrence - Ententes - Marché des médicaments antidépresseurs contenant l’ingrédient pharmaceutique actif citalopram - Notion de restriction de la concurrence par objet - Concurrence potentielle - Médicaments génériques - Barrières à l’entrée sur le marché résultant de l’existence de brevets - Accords conclus entre le titulaire de brevets et des entreprises de médicaments génériques - Article 101, paragraphes 1 et 3, TFUE - Erreurs de droit et d’appréciation - Obligation de motivation - Droits de la défense - Sécurité juridique - Amendes

Dans l’affaire T-472/13,

H. Lundbeck A/S, établie à Valby (Danemark),

Lundbeck Ltd, établie à Milton Keynes (Royaume-Uni),

représentées par M. R. Subiotto, QC, et Me T. Kuhn, avocat,

parties requérantes,

soutenues par

European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA), établie à Genève (Suisse), représentée par Mmes F. Carlin, barrister, et M. Healy, solicitors,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. J. Bourke, Mme F. Castilla Contreras, M. B. Mongin, Mme T. Vecchi et M. C. Vollrath, puis par Mme Castilla Contreras, M. Mongin, Mme Vecchi, MM. Vollrath et T. Christoforou,, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision de la Commission C (2013) 3803 final, du 19 juin 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT/39226 - Lundbeck), et une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes par cette décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 novembre 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

I - Sociétés en cause dans la présente affaire

1 H. Lundbeck A/S (ci-après « Lundbeck ») est une société de droit danois qui contrôle un groupe de sociétés, dont Lundbeck Ltd, implantée au Royaume-Uni, spécialisé dans la recherche, le développement, la production, le marketing, la vente et la distribution de produits pharmaceutiques pour le traitement de pathologies affectant le système nerveux central, dont la dépression.

2 Lundbeck est un laboratoire de princeps, à savoir une entreprise qui concentre son activité dans la recherche de nouveaux médicaments et dans la commercialisation de ceux-ci.

3 Merck KGaA est une société de droit allemand spécialisée dans le domaine pharmaceutique qui, au moment de la conclusion des accords concernés, détenait indirectement à 100 %, à travers le groupe Merck Generics Holding GmbH, sa filiale Generics UK Ltd (ci-après « GUK »), responsable du développement et de la commercialisation de produits pharmaceutiques génériques au Royaume-Uni.

4 Merck et GUK ont été considérées par la Commission européenne comme constituant une seule entreprise au sens du droit de la concurrence au moment des faits pertinents (ci-après « Merck (GUK) »).

5 Arrow Group A/S, rebaptisée Arrow Group ApS au mois d’août 2003 (ci-après, sans distinction, « Arrow Group »), est une société de droit danois à la tête d’un groupe de sociétés, présent dans plusieurs États membres et actif depuis 2001 dans le développement et la vente de médicaments génériques.

6 Arrow Generics Ltd est une société de droit du Royaume-Uni, filiale d’abord à 100 %, puis, à partir de février 2002, à 76 %, d’Arrow Group.

7 Resolution Chemicals Ltd est une société de droit du Royaume-Uni spécialisée dans la production d’ingrédients pharmaceutiques actifs (ci-après les « IPA ») pour des médicaments génériques. Jusqu’au mois de septembre 2009, elle était contrôlée par Arrow Group.

8 Arrow Group, Arrow Generics et Resolution Chemicals ont été considérées par la Commission comme constituant une seule entreprise (ci-après « Arrow ») au moment des faits pertinents.

9 Alpharma Inc. était une société de droit américain active à l’échelle mondiale dans le secteur pharmaceutique, notamment en ce qui concerne les médicaments génériques. Jusqu’en décembre 2008, elle était contrôlée par la société de droit norvégien, A.L. Industrier AS. Par la suite, elle a été achetée par une entreprise pharmaceutique du Royaume-Uni, qui, à son tour, a été achetée par une entreprise pharmaceutique des États-Unis. Dans le cadre de ces restructurations, Alpharma Inc. est devenue, d’abord, en avril 2010, Alpharma, LLC, puis, le 15 avril 2013, Zoetis Products LLC.

10 Alpharma ApS était une société de droit danois indirectement contrôlée à 100 % par Alpharma Inc. Elle disposait de plusieurs filiales dans l’Espace économique européen (EEE). À la suite de plusieurs restructurations, le 31 mars 2008, Alpharma ApS est devenue Axellia Pharmaceuticals ApS, rebaptisée en 2010 Xellia Pharmaceuticals ApS (ci-après « Xellia »).

11 Alpharma Inc., A.L. Industrier AS et Alpharma ApS ont été considérées par la Commission comme constituant une seule entreprise (ci-après « Alpharma ») au moment des faits pertinents.

12 Ranbaxy Laboratories Ltd est une société de droit indien spécialisée dans le développement et la production d’IPA ainsi que de médicaments génériques.

13 Ranbaxy (UK) Ltd est une société de droit anglais, filiale de Ranbaxy Laboratories, chargée de la vente des produits de cette dernière au Royaume-Uni.

14 Ranbaxy Laboratories et Ranbaxy (UK) ont été considérées par la Commission comme constituant une seule entreprise (ci-après « Ranbaxy ») au moment des faits pertinents.

II - Produit concerné et brevets concernant celui-ci

15 Le produit concerné par la présente affaire est le médicament antidépresseur contenant l’IPA dénommé citalopram.

16 En 1977, Lundbeck a déposé au Danemark une demande de brevet sur l’IPA citalopram ainsi que sur les deux procédés d’alkylation et de cyanation utilisés pour produire ledit IPA. Des brevets couvrant cet IPA et ces deux procédés (ci-après les « brevets originaires ») ont été délivrés au Danemark et dans plusieurs pays de l’Europe occidentale entre 1977 et 1985.

17 En ce qui concerne l’EEE, la protection découlant des brevets originaires ainsi que, le cas échéant, des certificats complémentaires de protection (ci-après les « CCP »), prévus par le règlement (CEE) n° 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO L 182, p. 1), a expiré entre 1994 (pour l’Allemagne) et 2003 (pour l’Autriche). En particulier, s’agissant du Royaume-Uni, les brevets originaires ont expiré en janvier 2002.

18 Au fil du temps, Lundbeck a développé d’autres procédés plus efficaces pour produire du citalopram, pour lesquels elle a demandé, et souvent obtenu, des brevets dans plusieurs pays de l’EEE ainsi qu’auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de l’Office européen des brevets (OEB) (ci-après les « nouveaux brevets de Lundbeck »).

19 En particulier, premièrement, en 1998 et en 1999, Lundbeck a introduit auprès de l’OEB deux demandes de brevets concernant la production du citalopram par des procédés utilisant respectivement de l’iode et de l’amide. L’OEB a délivré à Lundbeck un brevet protégeant le procédé utilisant l’amide (ci-après le « brevet sur l’amide ») le 19 septembre 2001 et un brevet protégeant le procédé utilisant l’iode (ci-après le « brevet sur l’iode ») le 26 mars 2003.

20 Deuxièmement, le 13 mars 2000, Lundbeck a déposé une demande de brevet auprès des autorités danoises concernant un procédé de production du citalopram qui prévoyait une méthode de purification des sels utilisés par le biais d’une cristallisation. Des demandes analogues ont été introduites auprès d’autres pays de l’EEE ainsi qu’auprès de l’OMPI et de l’OEB. Lundbeck a obtenu des brevets protégeant le procédé utilisant la cristallisation dans plusieurs États membres au cours de la première moitié de l’année 2002, notamment le 30 janvier 2002 en ce qui concerne le Royaume-Uni (ci-après le « brevet sur la cristallisation »). L’OEB a délivré un brevet sur la cristallisation le 4 septembre 2002. Par ailleurs, aux Pays-Bas, Lundbeck avait déjà obtenu, le 6 novembre 2000, un modèle d’utilité concernant ce procédé (ci-après le « modèle d’utilité de Lundbeck »), soit un brevet valable six ans, concédé sans véritable examen préalable.

21 Troisièmement, le 12 mars 2001, Lundbeck a déposé une demande de brevet auprès des autorités du Royaume-Uni concernant un procédé de production du citalopram qui prévoyait une méthode de purification des sels utilisés par le biais d’une distillation en film. Les autorités du Royaume-Uni ont concédé à Lundbeck un brevet portant sur ladite méthode de distillation en film le 3 octobre 2001 (ci-après le « brevet sur la distillation en film »). Cependant, ce brevet a été révoqué pour défaut de nouveauté par rapport à un autre brevet de Lundbeck le 23 juin 2004. Lundbeck a obtenu un brevet analogue au Danemark le 29 juin 2002.

22 Enfin, Lundbeck envisageait de lancer un nouveau médicament antidépresseur, le Cipralex, fondé sur l’IPA dénommé escitalopram (ou S-citalopram), pour la fin de l’année 2002 ou le début de l’année 2003. Ce nouveau médicament visait les mêmes patients que ceux susceptibles d’être soignés par le médicament breveté Cipramil de Lundbeck, fondé sur l’IPA citalopram. L’IPA escitalopram était protégé par des brevets valables jusqu’en 2012, à tout le moins.

III - Accords litigieux

23 Au cours de l’année 2002, Lundbeck a conclu six accords concernant le citalopram (ci-après les « accords litigieux ») avec quatre entreprises actives dans la production ou dans la vente de médicaments génériques, à savoir Merck (GUK), Alpharma, Arrow et Ranbaxy (ci-après les « entreprises de génériques »).

A - Accords avec Merck (GUK)

24 Lundbeck a conclu deux accords avec Merck (GUK).

25 Le premier accord a pris effet le 24 janvier 2002, initialement pour une durée d’un an, et couvrait...

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