Arrêts nº T-302/16 of Tribunal General de la Unión Europea, June 15, 2017

Resolution DateJune 15, 2017
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-302/16

Dans l’affaire T-302/16,

Nicolas Bay, demeurant à La Celle-Saint-Cloud (France), représenté par Me A. Cuignache, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Görlitz, S. Alonso de León et Mme S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du président du Parlement du 9 mars 2016 et de la décision du bureau du Parlement du 11 avril 2016 infligeant au requérant la sanction de perte du droit à l’indemnité de séjour pour une durée de cinq jours,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur) et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le requérant, M. Nicolas Bay, est député au Parlement européen depuis le 1er juillet 2014.

2 Le 28 octobre 2015, lors de la séance plénière du Parlement (ci-après la « séance du 28 octobre 2015 »), une députée, Mme Anna Maria Corazza Bildt, a demandé au président de séance de vérifier l’utilisation de la carte de vote d’une autre députée, Mme Marine Le Pen.

3 Les services du Parlement ont déterminé que, pendant la séance du 28 octobre 2015, la carte de vote de Mme Le Pen était restée insérée dans le terminal de vote pendant l’intégralité de la séance de votes.

4 Lors de la séance du 28 octobre 2015, après que Mme Le Pen s’est levée de son siège pour quitter l’hémicycle, sa carte de vote a été utilisée huit fois, en l’occurrence pour trois votes par appel nominal sur le rapport sur l’initiative citoyenne européenne et pour cinq votes par appel nominal sur le rapport sur la stratégie de l’Union pour la Région Adriatique et de la mer Ionienne.

5 Le requérant et M. Marcel de Graaf, également député, étaient assis, respectivement, à gauche et à droite de Mme Le Pen.

6 Le 19 novembre 2015, le requérant a été entendu par le président du Parlement. Au cours de cette audition, il a nié avoir utilisé la carte de vote de Mme Le Pen.

7 Le 24 novembre 2015, M. de Graaf a été entendu par le président du Parlement. Lors de cette audition, il a reconnu avoir utilisé la carte de vote de Mme Le Pen à trois reprises, en l’occurrence pour trois votes par appel nominal sur le rapport sur l’initiative citoyenne européenne.

8 Le 2 décembre 2015, quatre députés ont été entendus, à leur demande, par le président du Parlement. À cette occasion, deux députés ont déclaré avoir été témoins de l’utilisation, par le requérant, de la carte de vote de Mme Le Pen. Deux députés, dont un des précédents, ont en outre déclaré que le requérant leur avait indiqué, alors qu’ils se trouvaient ensemble dans un véhicule officiel, qu’il avait utilisé la carte de vote de Mme Le Pen. Ces témoignages ont été confirmés par écrit, par la signature du procès-verbal d’audition. Deux autres députés ont ultérieurement confirmé par écrit, en signant ledit procès-verbal, qu’ils avaient vu le requérant utiliser la carte de vote de Mme Le Pen.

9 Le 16 décembre 2015, Mme Le Pen a été entendue par le président du Parlement. Dans ce cadre, elle a indiqué ignorer que sa carte de vote avait été utilisée par un autre député pendant la séance du 28 octobre 2015.

10 Le 19 janvier 2016, le requérant a été entendu par le président du Parlement. Il a de nouveau nié avoir utilisé la carte de vote de Mme Le Pen.

11 Par décision du 9 mars 2016 (ci-après la « décision du 9 mars 2016 »), le président du Parlement a, sur le fondement de l’article 166 du règlement intérieur du Parlement, infligé au requérant la sanction de perte de son droit à l’indemnité de séjour pour une durée de cinq jours. Il a en effet considéré que l’ensemble des éléments démontrait que le requérant avait utilisé la carte de vote de Mme Le Pen pour cinq votes par appel nominal sur le rapport sur la stratégie de l’Union pour la région de l’Adriatique et de la mer Ionienne.

12 Le 22 mars 2016, le requérant a formé, sur le fondement de l’article 167 du règlement intérieur du Parlement, un recours interne contre la décision du 9 mars 2016 auprès du bureau du Parlement.

13 Le 29 mars 2016, le requérant a consulté le dossier.

14 Le 30 mars 2016, le requérant a présenté un mémoire complémentaire à son recours interne.

15 Par décision du 11 avril 2016 (ci-après la « décision du 11 avril 2016 »), le bureau du Parlement a confirmé, à l’unanimité, la décision du 9 mars 2016.

Procédure et conclusions des parties

16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2016, le requérant a introduit le présent recours.

17 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à déposer certains documents et à répondre à des questions écrites. Les parties ont déféré à cette invitation dans le délai imparti.

18 Dans la requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- annuler la décision du 9 mars 2016 ;

- annuler la décision du 11 avril 2016 ;

- retirer la sanction infligée par la décision du 11 avril 2016.

19 Dans la réplique, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- à titre principal, annuler la décision du 11 avril 2016 ;

- à titre subsidiaire, annuler, par voie d’exception, la décision du 9 mars 2016 et annuler, par conséquent, la décision du 11 avril 2016 ;

- en conséquence, retirer la sanction infligée par la décision du 11 avril 2016.

20 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme irrecevable dans son ensemble ;

- à titre subsidiaire, rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

- à titre encore plus subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

- condamner le requérant aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité

21 Sans soulever formellement d’exception d’irrecevabilité, le Parlement soutient que le recours est irrecevable en tout ou partie, en soulevant, à cet égard, en substance, trois fins de non-recevoir. Celles-ci sont relatives, la première, à la recevabilité du recours dans son intégralité, la deuxième, à la recevabilité de la demande d’annulation de la décision du 9 mars 2016 et, la troisième, à la demande de retrait de la sanction infligée par la décision du 11 avril 2016.

22 Le Parlement invoque également l’irrecevabilité des conclusions présentées par le requérant dans la réplique.

Sur la recevabilité du recours dans son intégralité

23 Le Parlement considère que le recours est irrecevable dans son intégralité en raison de son manque de clarté et de l’absence d’indication suffisamment précise des moyens invoqués et des dispositions prétendument violées.

24 Le requérant conteste les arguments du Parlement.

25 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. En outre, en vertu d’une jurisprudence constante, indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Il faut, en effet, que, pour qu’un recours soit recevable, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice [voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T-384/14, EU:T:2016:298, point 38 (non publié) et jurisprudence citée].

26 En l’espèce, il y a lieu de relever tout d’abord qu’il ressort des conclusions figurant dans la requête que le requérant demande l’annulation de la décision du 9 mars 2016 ainsi que de la décision du 11 avril 2016 et sollicite le retrait, par le Tribunal, de la sanction qui lui a été infligée.

27 Il doit être constaté ensuite que, dans une première partie de la requête, le requérant présente les faits ayant conduit à l’introduction du recours (point I), et, dans une seconde partie, il se consacre à la discussion (point II). Dans cette dernière partie, il expose, premièrement, des arguments relatifs à la recevabilité (point II.A), deuxièmement, des arguments relatifs à l’irrégularité de la procédure interne et à la nullité de la décision (point II.B), et, troisièmement, des arguments dits de fond (point II.C).

28 Dans le cadre du point II.B de la requête, le requérant indique, tout d’abord, les textes applicables (point II.B.1), ensuite la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (point II.B.2) et, enfin, les arguments du requérant relatifs à la nullité de la décision du 9 mars 2016 et de la décision du 11 avril 2016 (point II.B.3). Force est de constater que, malgré son caractère abscons, il ressort du point II.B.3 de la requête que le requérant soutient, en substance, que les décisions attaquées violent les droits protégés par les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il en ressort plus particulièrement qu’il invoque, à cet égard, une violation du droit à une bonne administration, en ce qu’il comporte un droit d’accès au dossier et le droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement, ainsi qu’une violation du droit à un procès équitable, et plus particulièrement du principe d’égalité des armes. Il expose de manière cohérente et compréhensible les raisons pour lesquelles les décisions attaquées violeraient les droits évoqués. Celles-ci résident, en substance, dans le fait que, selon le requérant, celui-ci n’aurait pas pu accéder aux éléments à charge retenus contre lui, et notamment les procès-verbaux, en particulier de témoignages, établis à son égard. Partant, l’argumentation développée à cet égard par le requérant est suffisamment claire et précise pour permettre au Parlement de préparer sa défense et au...

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