Arrêts nº T-619/15 of Tribunal General de la Unión Europea, July 20, 2017

Resolution DateJuly 20, 2017
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-619/15

Dans l’affaire T-619/15,

Bureau d’achat de diamant Centrafrique (Badica), établi à Bangui (République centrafricaine),

Kardiam, établie à Anvers (Belgique),

représentées par Mes D. Luff et L. Defalque, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen et Mme P. Mahnič Bruni, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 2015/1485 du Conseil, du 2 septembre 2015, mettant en œuvre l’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 224/2014 du Conseil concernant des mesures restrictives eu égard à la situation en République centrafricaine (JO 2015, L 229, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et Mme K. Kowalik-Bańczyk, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Les requérants, à savoir le Bureau d’achat de diamant Centrafrique (Badica), qui est une société de droit centrafricain, et Kardiam, sa société sœur, qui est une société de droit belge,exercent une activité d’achat et de vente de diamants.

2 La République centrafricaine est un pays en voie de développement dont une partie des ressources réside dans l’exportation de diamants et d’or. En particulier, les diamants représentent 40 % de la valeur des exportations de la République centrafricaine.

3 En mars 2013, M. Francis Bozizé, président de la République centrafricaine, a été renversé par une coalition à majorité musulmane, la Séléka. M. Michel Djotodia, son opposant politique, est devenu président de la République centrafricaine. Cet événement a déclenché des violences entre la Séléka et des groupes composés majoritairement de chrétiens et d’animistes, appelés « anti-balaka ».

4 Pour éviter que des « diamants de la guerre » n’alimentent les conflits armés en fournissant aux groupes rivaux une source de revenus, a été mis en place le processus de Kimberley, un régime international de certification des diamants bruts. En vertu, notamment, de la section 4, sous a), du processus de Kimberley, chaque participant doit « créer un système de contrôles internes visant à éliminer les [diamants de la guerre] des chargements de diamants bruts qui sont importés dans son territoire ou qui sont exportés ». Les « diamants de la guerre » sont définis par le processus de Kimberley comme étant les « diamants bruts utilisés par les mouvements rebelles ou leurs alliés pour financer un conflit destiné à affaiblir des gouvernements légitimes au sens des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies ». Un certificat est accordé aux diamants remplissant les conditions posées par le processus de Kimberley.

5 En mai 2013, la République centrafricaine a été suspendue temporairement du système de certification du processus de Kimberley. L’exportation de diamants centrafricains a, en raison de cette suspension, été interdite. En juillet 2014, le processus de Kimberley a publié une décision administrative tendant à exclure les diamants centrafricains du commerce licite.

Mesures introduites par l’ONU

6 Le 5 décembre 2013, en réponse à la situation de guerre civile en République centrafricaine, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 2127 (2013) dans laquelle il s’est déclaré « vivement préoccupé par l’état de la sécurité qui continue de se détériorer en République centrafricaine et se caractérise par l’effondrement total de l’ordre public, l’absence de l’État de droit et des tensions interconfessionnelles ». Il a, au paragraphe 16 de ladite résolution, « [c]ondamn[é] l’exploitation illégale des ressources naturelles en République centrafricaine, laquelle contribue à la perpétuation du conflit, et soulign[é] qu’il import[ait] de mettre fin à ces activités illégales, y compris en exerçant les pressions nécessaires sur les groupes armés, les trafiquants et tous les autres protagonistes ».

7 Le Conseil de sécurité a, dans ce contexte, au paragraphe 54 de la résolution 2127 (2013), imposé un embargo sur les armes. Il a, également, au paragraphe 56 de ladite résolution, exprimé « sa ferme intention d’envisager rapidement l’imposition de mesures ciblées, dont une interdiction de voyager et un gel des avoirs, aux personnes qui, par leurs agissements, compromettent la paix, la stabilité et la sécurité, notamment en […] soutenant des groupes armés illégaux ou des réseaux criminels par le biais de l’exploitation illicite des ressources naturelles de la République centrafricaine, y compris les diamants ».

8 Dans le cadre des mesures visées au point 7 ci-dessus, le Conseil de sécurité a, au paragraphe 57 de la résolution 2127 (2013), prévu un comité des sanctions concernant la République centrafricaine (ci-après le « comité des sanctions ») chargé de superviser leur mise en œuvre. Le Conseil de sécurité a, également, au paragraphe 59 de cette résolution, prié le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), agissant en consultation avec le comité des sanctions, de créer, pour une période initiale de treize mois, un groupe composé au maximum de cinq experts (ci-après le « groupe d’experts ») placé sous la direction du comité des sanctions et chargé, notamment, d’aider celui-ci à s’acquitter de son mandat en lui fournissant des informations. Le paragraphe 59, sous c), de la résolution 2127 (2013) a notamment prévu que le groupe d’experts « fa[sse] à l’intention du Conseil [de sécurité], après concertation avec le [c]omité [des sanctions], le point sur la situation le 5 mars 2014 au plus tard, et remett[e] au Conseil un rapport d’activité le 5 juillet 2014 au plus tard et un rapport final le 5 novembre 2014 au plus tard ».

9 Le 28 janvier 2014, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2134 (2014) selon laquelle « tous les États [m]embres doivent, pour une période initiale d’un an à compter de l’adoption de la présente résolution, geler immédiatement les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des individus ou entités désignés par le [c]omité [des sanctions] créé au paragraphe 57 de la résolution 2127 (2013) ». Il a précisé que les mesures prévues s’appliquaient également aux individus et entités désignés par le comité des sanctions comme « [a]pportant un appui aux groupes armés ou aux réseaux criminels, par l’exploitation illégale des ressources naturelles (diamants, faune et produits provenant des espèces sauvages) de la République centrafricaine ».

10 Le 26 juin 2014, le groupe d’experts a, conformément au paragraphe 59, sous c), de la résolution 2127 (2013), rendu son rapport d’activité sur la République centrafricaine. Il a résumé la situation comme suit s’agissant du commerce de ressources naturelles :

Des groupes armés participent au trafic et à l’exploitation illégale des ressources naturelles, notamment de l’or et des diamants […] Dans l’est, les forces de la Séléka continuent d’avoir la mainmise sur des mines d’or artisanales, comme à Ndassima (préfecture de la Ouaka). L’administration des mines reprend peu à peu le contrôle des zones de production de diamants autour de Bria et de Sam-Ouandja (préfecture de la Haute-Kotto), le commerce officiel avec Bangui recommençant en partie […] À cause de la suspension temporaire de la République centrafricaine du [s]ystème de certification du [p]rocessus de Kimberley, les exportations officielles de diamants ont été interdites en mai. L’acquisition de maisons à Bangui s’est néanmoins poursuivie dans le but d’acheter et de stocker officiellement des diamants en provenance de toutes les zones de production, tandis qu’on assiste à une augmentation du trafic des diamants transitant par Bangui ou par les États voisins […]

11 Le 28 octobre 2014, le groupe d’experts a, conformément au paragraphe 59, sous c), de la résolution 2127 (2013), rendu son rapport final sur la République centrafricaine (ci-après le « rapport final des Nations unies »). Il a résumé la situation comme suit s’agissant du commerce de ressources naturelles :

Depuis que la République centrafricaine a été suspendue du [p]rocessus de Kimberley en mai 2013, on estime que 140 000 carats de diamants d’une valeur de 24 millions de dollars des États-Unis ont été exportés clandestinement. En mai 2014, les autorités belges ont saisi 6 634 carats qui avaient été expédiés via Kinshasa puis Doubaï à Kardiam, société sise à Anvers (Belgique), qui est la succursale belge de la société centrafricaine de commercialisation de diamants, Badica.

Le [g]roupe d’experts pense que certains diamants saisis en Belgique provenaient de Sam-Ouandja et de Bria (préfecture de la Haute-Kotto) dans l’est du pays, où les forces de l’ex-Séléka prélèvent des taxes sur les aéronefs qui transportent des diamants et reçoivent des collecteurs de diamants des paiements en échange d’une protection […]

Le trafic d’or centrafricain, estimé à environ 2 tonnes par an, passe principalement par le Cameroun. Participent à ce trafic des collecteurs de Yaloké (préfecture de l’Ombella-Mpoko) et de Boda (préfecture de la Lobaye) qui se sont enfuis au Cameroun pour échapper aux attaques inspirées par des motifs religieux que des groupes anti-balaka mènent depuis janvier 2014 et qui ont abouti à leur prise de contrôle des mines d’or artisanales aux alentours de Yaloké […]

12 Le 22 janvier 2015, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2196 (2015) dans laquelle il a, notamment, prorogé les mesures de gel de fonds instituées par la résolution 2134 (2014). Il a indiqué, au paragraphe 7 de ladite résolution, que, « jusqu’au 29 janvier 2016, tous les États [m]embres doivent continuer de geler […] les fonds et autres avoirs financiers et ressources...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT