Arrêts nº T-231/17 of Tribunal General de la Unión Europea, January 16, 2018

Resolution DateJanuary 16, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-231/17

Fonction publique - Fonctionnaires - Rémunération - Allocations familiales - Article 2, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe VII du statut - Notion d’“enfant à charge” - Notion d’“enfant à l’égard duquel le fonctionnaire a une obligation alimentaire résultant d’une décision judiciaire fondée sur la législation d’un État membre concernant la protection des mineurs” - Refus d’accorder le statut d’enfant à charge à la petite-fille du fonctionnaire

Dans l’affaire T-231/17,

SE, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, représenté par Me N. de Montigny, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du Conseil, du 22 juin 2016, par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination de cette institution a refusé de reconnaître que la petite-fille du requérant était un « enfant à charge » de ce dernier au sens de l’article 2, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le requérant, SE, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne [confidentiel], a cinq enfants à charge au sens de l’article 2 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), lequel se lit comme suit :

1. Le fonctionnaire ayant un ou plusieurs enfants à charge bénéficie, dans les conditions énumérées aux paragraphes 2 et 3, d’une allocation d’un montant de [397,29 euros] par mois pour chaque enfant à sa charge.

2. Est considéré comme enfant à charge, l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, lorsqu’il est effectivement entretenu par le fonctionnaire.

Il en est de même de l’enfant ayant fait l’objet d’une demande d’adoption et pour lequel la procédure d’adoption a été engagée.

Tout enfant à l’égard duquel le fonctionnaire a une obligation alimentaire résultant d’une décision judiciaire fondée sur la législation d’un État membre concernant la protection des mineurs est considéré comme un enfant à charge.

3. L’allocation est accordée :

a) d’office, pour l’enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de 18 ans ;

b) sur demande motivée du fonctionnaire intéressé, pour l’enfant âgé de 18 ans à 26 ans qui reçoit une formation scolaire ou professionnelle.

4. Peut être exceptionnellement assimilée à l’enfant à charge par décision spéciale et motivée de l’autorité investie du pouvoir de nomination, prise sur la base de documents probants, toute personne à l’égard de laquelle le fonctionnaire a des obligations alimentaires légales et dont l’entretien lui impose de lourdes charges.

[…]

2 L’un des enfants à charge du requérant, en l’occurrence sa fille alors âgée de 19 ans et étudiant en Allemagne, a eu un enfant le 27 décembre 2015.

3 Par acte du 22 janvier 2016, la fille du requérant a, au nom de son enfant mineure, demandé à l’Amtsgericht Freiburg im Breisgau - Familien Gericht (tribunal de district de Fribourg-en-Brisgau, section des affaires familiales, Allemagne) (ci-après le « tribunal de district ») de condamner le requérant, en sa qualité de grand-père, au paiement d’une allocation d’entretien pour enfant (Kindesunterhalt) à hauteur de 361 euros mensuel sur le fondement de l’article 1606 du Bürgerliches Gesetzbuch (BGB, code civil allemand) aux termes duquel :

1. Les descendants supportent l’obligation d’entretien avant les parents de la ligne descendante.

2. Entre les descendants et entre les parents de la ligne ascendante, les plus proches sont tenus avant les plus éloignés.

3. Plusieurs parents de même proximité sont respectivement tenus selon leur situation professionnelle et leur situation de fortune. Le père ou la mère qui a en charge un enfant mineur remplit normalement son obligation de contribuer à l’entretien de l’enfant par les soins qu’il lui donne et l’éducation qu’il lui assure.

4 À l’appui de la demande faite au nom de la petite-fille du requérant, était invoqué le fait que le père de l’enfant ne l’avait pas reconnue et que la fille du requérant, dont cet enfant dépendait exclusivement, ne disposait pas, en tant qu’étudiante en Allemagne, de ressources financières propres. Ainsi, étant donné que, bien que bénéficiaire d’allocations familiales nationales, la mère de l’enfant ne pouvait pas subvenir aux besoins de son enfant, il aurait incombé au requérant, en sa qualité de grand-père, de supporter les coûts d’entretien de l’enfant au titre de l’article 1606 du BGB.

5 Il était également indiqué, dans la requête d’instance présentée devant le tribunal de district, d’une part, que le requérant s’était déclaré prêt à payer une pension alimentaire à sa petite-fille à la condition toutefois que cette juridiction estimât fondée la demande faite au nom de sa petite-fille et, d’autre part, que c’était finalement pour cette raison que la demande avait été présentée devant le tribunal de district.

6 Par jugement du 30 mai 2016, le tribunal de district a condamné le requérant à payer à sa petite-fille une pension alimentaire de 240 euros mensuels à compter du mois de janvier 2016 (ci-après le « jugement national litigieux »).

7 Par courriel du 13 juin 2016, le requérant a demandé à l’autorité investie du pouvoir de nomination du Conseil (ci-après l’« AIPN ») de considérer sa petite-fille comme étant un « enfant à [sa] charge » au sens de l’article 2, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe VII du statut, en ce qu’il aurait, à l’égard de cet enfant, une obligation alimentaire résultant d’une décision judiciaire fondée sur la législation d’un État membre concernant la protection des mineurs, obligation résultant en l’occurrence du jugement national litigieux.

8 Par décision du 22 juin 2016 (ci-après la « décision attaquée »), l’AIPN a rejeté cette demande en considérant que le jugement national litigieux ne constituait pas une décision judiciaire prise au titre d’une législation nationale d’un État membre relative à la protection des mineurs. Par ailleurs, sans préjuger sa position définitive sur ce point, l’AIPN a expliqué au requérant qu’elle avait examiné la possibilité d’assimiler sa petite-fille à un enfant à charge, en l’occurrence au titre de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut, mais que, au regard des critères posés par l’AIPN dans la décision du Conseil du 29 avril 2004 « portant adoption des dispositions générales d’exécution en matière de personne assimilée à l’enfant à charge (article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du [s]tatut) », il apparaissait, à première vue, que la condition selon laquelle « l’assimilation ne [pourrait] être accordée que si la charge financière découlant de l’obligation alimentaire légale [était] au moins égale au montant qui résulte[rait] de l’octroi de cette assimilation » n’était pas remplie.

9 Par lettre du 19 septembre 2016, le requérant a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision attaquée. À l’appui de cette réclamation, il invoquait, formellement, une erreur de droit de l’AIPN, une erreur d’appréciation et d’interprétation de l’article 2 de l’annexe VII du statut de même que la violation du principe de bonne administration. À cet égard, il a notamment expliqué que, en droit allemand, il existait une obligation alimentaire d’entretien entre les ascendants et les descendants en ligne directe et que le jugement national litigieux, déclarant le requérant débiteur d’un devoir d’assistance et de secours vis-à-vis de sa petite-fille, était fondé sur le principe de la protection des mineurs. En particulier, le requérant expliquait que, selon lui, les articles 1601 et suivants du BGB étaient des dispositions qui visaient non seulement la protection des mineurs, mais également la protection de tout enfant, même majeur, qui se trouverait dans le besoin et dont la formation professionnelle ne serait pas terminée. Ainsi, le jugement national litigieux aurait revêtu un « caractère protecteur du mineur » au sens statutaire.

10 Par décision du 24 janvier 2017 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »), le secrétaire général du Conseil a, en sa qualité d’AIPN, rejeté la réclamation en soulignant que, contrairement à ce qu’exigeait l’article 2, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe VII du statut, l’obligation alimentaire visée aux articles 1601 et suivants du BGB ne nécessitait pas nécessairement l’intervention d’une décision judiciaire aux fins de son application et que, en tout état de cause, le jugement national litigieux n’était pas fondé sur la « législation d’un État membre concernant la protection des mineurs ».

11 En effet, selon l’AIPN, s’appuyant à cet égard sur les travaux préparatoires au règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004, L 124, p. 1) ayant conduit à l’insertion d’un troisième alinéa dans l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, le législateur de l’Union européenne aurait entendu couvrir, sous la notion de « législation d’un État membre concernant la protection des mineurs », les seules législations nationales spécifiquement prévues en matière de protection de la jeunesse, telles que celles régissant le placement d’enfants en famille d’accueil ou la mise sous tutelle, législations sur le fondement desquelles un juge national peut être amené à prononcer, à l’égard d’un tiers, l’obligation d’entretenir un mineur qui doit être...

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