Arrêts nº T-747/15 of Tribunal General de la Unión Europea, January 16, 2018

Resolution DateJanuary 16, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-747/15

Aides d’État - Aides accordées par les autorités françaises à EDF - Requalification en dotation en capital de provisions comptables constituées en franchise d’impôt pour le renouvellement du réseau d’alimentation générale - Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur - Autorité de la chose jugée - Critère de l’investisseur privé

Dans l’affaire T-747/15,

Électricité de France (EDF), établie à Paris (France), représentée par Me M. Debroux, avocat,

partie requérante,

soutenue par

République française, représentée initialement par MM. G. de Bergues et D. Colas et Mme J. Bousin, puis par M. Colas et Mme Bousin, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier, B. Stromsky et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des articles 1er à 5 de la décision (UE) 2016/154 de la Commission, du 22 juillet 2015, concernant l’aide d’État SA.13869 (C 68/2002) (ex NN 80/2002) - Requalification en capital des provisions comptables en franchise d’impôt pour le renouvellement du réseau d’alimentation générale mise à exécution par la France en faveur de EDF (JO 2016, L 34, p. 152),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

  1. Antécédents du litige

    A. Introduction

    1 Par décision du 16 octobre 2002 (JO 2002, C 280, p. 8, ci-après la « décision d’ouverture »), la Commission des Communautés européennes a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, du TFUE relative à l’avantage qui aurait résulté du non-paiement de l’impôt sur les sociétés dû par la requérante, Électricité de France (EDF), lors de la restructuration de son bilan en 1997, sur une partie des provisions comptables créées en franchise d’impôt pour le renouvellement du réseau d’alimentation général (ci-après le « RAG ») et requalifiées en dotation en capital.

    2 Par décision du 16 décembre 2003 (JO 2005, L 49, p. 9, ci-après la « décision initiale »), la Commission a déclaré la mesure d’aide dont avait bénéficié EDF incompatible avec le marché intérieur et exigé la récupération de cette aide augmentée des intérêts. Le montant de l’aide a été remboursé à la République française en février 2004.

    3 Par arrêt du 15 décembre 2009, EDF/Commission (T-156/04, ci-après l’« arrêt dans l’affaire T-156/04 », EU:T:2009:505), le Tribunal a annulé les articles 3 et 4 de la décision initiale. À la suite de cet arrêt, la République française a reversé à EDF le montant que celle-ci lui avait remboursé.

    4 Par arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C-124/10 P, ci-après l’« arrêt dans l’affaire C-124/10 P », EU:C:2012:318), la Cour a rejeté le pourvoi introduit par la Commission contre l’arrêt dans l’affaire T-156/04.

    5 Par décision du 2 mai 2013 (JO 2013, C 187, p. 73), invitant à présenter des observations en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, (ci-après la « décision d’extension »), la Commission a étendu la procédure formelle d’examen.

    6 Par sa décision (UE) 2016/154, du 22 juillet 2015, concernant l’aide d’État SA.13869 (C 68/2002) (ex NN 80/2002) - Requalification en capital des provisions comptables en franchise d’impôt pour le renouvellement du RAG mise à exécution par la France en faveur de EDF (JO 2016, L 34, p. 152, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, une nouvelle fois, déclaré la mesure d’aide dont avait bénéficié EDF incompatible avec le marché intérieur et exigé la récupération de cette aide augmentée des intérêts. Le montant de l’aide a été remboursé à la République française le 13 octobre 2015.

    7 Par requête déposée au greffe le 22 décembre 2015, EDF a introduit le présent recours.

    B. Sur le bénéficiaire de l’aide

    8 EDF a été créée par la loi no 46-628, du 8 avril 1946, sur la nationalisation de l’électricité et du gaz (JORF du 9 avril 1946, p. 2651) qui, aux termes de son article 1er, a nationalisé la production, le transport, la distribution, l’importation et l’exportation d’électricité en France. Cette loi confiait la gestion des entreprises nationalisées d’électricité à un établissement public national à caractère industriel et commercial, dénommé « Électricité de France (EDF), Service national ».

    9 L’article 16 de la loi no 46-628 prévoyait que le solde net des biens, droits et obligations transférés à EDF constituait son capital, appartenait à la nation, était inaliénable et, en cas de pertes d’exploitation, devait être reconstitué sur les résultats des exercices ultérieurs. Aux termes de l’article 1er du décret no 56-493, du 14 mai 1956, relatif aux dotations en capital à EDF (JORF du 19 mai 1956, p. 4613), celles-ci étaient soumises aux règles fixées par l’article 16 de ladite loi. Suivant l’article 2 du même décret, ces dotations donnaient lieu à l’attribution à l’État d’un intérêt et d’un dividende.

    10 En vertu de la loi no 46-628, EDF était depuis sa création, et toujours en 1997, un établissement public national à caractère industriel et commercial, non régi par les dispositions applicables aux sociétés anonymes. La loi no 2004-803, du 9 août 2004, relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (JORF du 11 août 2004, p. 14256), a modifié ce statut, en prévoyant, par son article 24, qu’EDF, dont l’État devait détenir plus de 70 % du capital, serait régie par les lois applicables aux sociétés anonymes sauf dispositions législatives contraires. L’article 47 de cette dernière loi prévoit également la transformation ultérieure de l’établissement public EDF en société anonyme, sous réserve de publication d’un décret portant sur son nouveau statut. L’article 46 de la même loi précise que le bilan de la société EDF au 31 décembre 2004 serait établi à partir du bilan au 31 décembre 2003 et du compte de résultat pour l’exercice 2004 de l’établissement public EDF.

    11 La transformation d’EDF en société anonyme est devenue effective en application du décret no 2004-1224, du 17 novembre 2004, portant statuts de la société anonyme EDF (JORF du 19 novembre 2004, p. 19505). Les statuts annexés audit décret prévoient qu’EDF sera désormais une société anonyme régie par les lois et règlements applicables aux sociétés commerciales, notamment le code de commerce, dans la mesure où il n’y est pas dérogé par des dispositions plus spécifiques, y compris les statuts eux-mêmes.

    12 L’article 6 des statuts d’EDF prévoit que le capital social de la société, initialement détenu intégralement par l’État, est fixé à la somme de 8,129 milliards d’euros, divisé en 1 625 800 000 actions de 5 euros chacune. Le capital social de la nouvelle société anonyme EDF a été fixé en novembre 2004 au même montant que le capital et les dotations au capital de l’établissement public à caractère économique et commercial EDF cumulés jusque-là, à savoir 8,1 milliards d’euros. Ce montant de capital et de dotations en capital a été atteint en application de la loi no 97-1026, du 10 novembre 1997, portant diverses mesures d’ordre économique et commercial (JORF du 11 novembre 1997, p. 16387), et était resté inchangé depuis 1997 au moment de l’adoption de la décision attaquée.

    13 La loi no 2004-803 et les statuts d’EDF prévoient par ailleurs que, à tout moment, l’État doit détenir plus de 70 % du capital de la société. En novembre 2005, des actions nouvelles d’EDF admises à la cote sur Euronext ont été offertes à prix ouvert (ci-après « OPO »), ouvrant ainsi le capital d’EDF à d’autres actionnaires que l’État.

    C. Sur la constitution de provisions comptables pour le renouvellement du RAG

    14 Aux termes de l’article 36 de la loi no 46-628, l’ensemble des concessions d’électricité nationalisées a été transféré à EDF. Conformément à l’article 37 de la même loi, pour ces concessions, le concessionnaire est tenu de respecter un cahier des charges type. Les différentes concessions de transport d’électricité ainsi transférées par l’État à EDF ont été unifiées en 1958 en une concession unique appelée RAG.

    15 En l’absence de règles comptables propres aux concessions, EDF a considéré, dès 1946, qu’elle était propriétaire des biens faisant partie du RAG et elle a inscrit ces biens à l’actif de son bilan.

    16 En application de l’article 8 du cahier des charges approuvé par le décret no 56-1225, du 28 novembre 1956, EDF était tenue d’exécuter à ses frais tous les travaux d’entretien et de renouvellement nécessaires au maintien des ouvrages de la concession en bon état de fonctionnement.

    17 En 1987, à la suite d’une modification, intervenue en 1982, du plan comptable général prévoyant des règles spécifiques pour les biens devant revenir à l’État à la fin de la concession, EDF a modifié sa pratique comptable pour les actifs du RAG jusque-là considérés comme biens propres et classé ces actifs au poste du bilan « Biens mis en concession ». EDF a appliqué à ces actifs les règles comptables spéciales établies en France pour les biens mis en concession qui devaient être retournés à l’État à la fin de celle-ci et a créé, en franchise d’impôt, des provisions pour le renouvellement du RAG.

    18 Dans un rapport de 1994, la Cour des comptes française a considéré que, en présence d’un concessionnaire unique et permanent de l’État, désigné par la loi, tel qu’EDF, il était difficile de considérer les biens constituant le RAG comme devant revenir à l’État à la fin de la concession, par opposition aux biens propres du RAG appartenant à EDF. En d’autres termes, la modification comptable introduite par EDF en 1987 se traduisant par la constitution de provisions en franchise d’impôt n’apparaissait pas justifiée aux yeux de la Cour des comptes française. Des travaux de régularisation de la situation d’EDF ont dès lors été engagés par l’entreprise et les administrations de tutelle.

    19 En 1997, EDF avait dans ses...

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