Ordonnances nº T-297/19 of Tribunal General de la Unión Europea, December 20, 2019

Resolution DateDecember 20, 2019
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-297/19

Responsabilité non contractuelle - État de droit - Indépendance de la justice - Droit à un procès équitable - Protection des données à caractère personnel - Défaut d’adoption par la Commission de mesures visant à s’assurer que la Roumanie respecte ses obligations - Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers - Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit

Dans l’affaire T-297/19,

Daniel Dragomir, demeurant à Bucarest (Roumanie), représenté par Me R. Chiriţă, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito et H. Stancu, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi du fait, d’une part, de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes au respect, par la Roumanie, de l’État de droit, de l’indépendance de la justice et du droit à un procès équitable et, d’autre part, de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes à la protection des données à caractère personnel,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos (rapporteur), président, V. Valančius et Mme I. Reine, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige

1 Le requérant, M. Daniel Dragomir, est un citoyen roumain.

2 Le requérant explique que, à partir de 2001, il a été officier opérationnel dans le cadre du Serviciul Român de Informații (service roumain de renseignement, Roumanie, ci-après le « SRI ») et qu’il a démissionné en 2013.

3 Selon le requérant, la Direcția Națională Anticorupție (direction nationale de la lutte contre la corruption, Roumanie, ci-après la « DNA ») a, en 2015, engagé des poursuites pénales contre lui pour des faits de corruption. Il indique que, en 2018, il a été acquitté par le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie). Cette affaire serait à présent pendante devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie). Le requérant explique que, en substance, il lui est reproché d’être intervenu en faveur d’une entreprise.

4 Le requérant indique également que, en 2016, la Direcția de Investigare a Infracțiunilor de Criminalitate Organizată și Terorism (direction des enquêtes sur la criminalité organisée et le terrorisme, Roumanie) l’a poursuivi pénalement pour des faits de cybercriminalité. Il explique que, en substance, il est accusé d’avoir participé, avec d’autres personnes, à une tentative de compromettre la procureure en chef de la DNA. Malgré ses nombreuses demandes à cet égard, et bien que plus de trois ans se soient écoulés depuis le début des poursuites pénales, le dossier n’aurait pas encore été renvoyé devant un tribunal.

5 Le requérant ajoute que, dans les deux affaires pénales dans lesquelles il est impliqué, beaucoup de données personnelles qui le concernent ou qui concernent ses proches ont été utilisées. Celles-ci auraient été mises à la disposition des services d’enquête criminelle par le SRI, qui utiliserait une application informatique pour effectuer une surveillance massive des personnes en Roumanie. La participation du SRI à l’administration des preuves dans les procédures judiciaires serait fondée sur un protocole conclu en 2009 entre le SRI et le ministère public. Ce protocole aurait été déclassifié en 2018. Toutes ces preuves, auxquelles la défense ne pourrait pas accéder, seraient à la disposition du procureur et, parfois, du juge.

Procédure et conclusions des parties

6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2019, le requérant a introduit le présent recours.

7 Le 13 juin 2019, le requérant a déposé une version régularisée de la requête.

8 Le 6 septembre 2019, la Commission européenne a déposé le mémoire en défense.

9 Le requérant conclut, formellement, à ce qu’il plaise au Tribunal :

- constater le manquement de la Commission à son obligation d’assurer le respect, par la Roumanie, de l’exigence établie dans la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31) ;

- constater le manquement de la Commission à son obligation d’assurer le respect, par la Roumanie, de l’exigence établie dans la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil (JO 2016, L 119, p. 89) ;

- constater le manquement de la Commission à son obligation d’assurer le respect, par la Roumanie, de l’exigence établie dans le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1) ;

- constater le manquement de la Commission à son obligation d’assurer le respect, par la Roumanie, des règles de l’État de droit, de l’indépendance des juridictions et des droits fondamentaux des personnes relevant de sa compétence ;

- condamner la Commission à la réparation du préjudice moral subi à hauteur de 2 euros ;

- enjoindre à la Commission de remédier, à l’avenir, aux omissions existantes.

10 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit ;

- condamner le requérant aux dépens.

En droit

11 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

12 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

13 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que pourraient suggérer la formulation des quatre premiers chefs de conclusions du requérant, ce dernier ne demande pas au Tribunal de constater des carences de la Commission sur le fondement de l’article 265 TFUE. En effet, il ressort de la requête, et en particulier de la structure de celle-ci, que les cinq premiers chefs de conclusions du requérant ont pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation pécuniaire du préjudice moral qu’il aurait subi, premièrement, en raison de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes au respect, par la Roumanie, de l’État de droit, de l’indépendance de la justice et du droit à un procès équitable et, deuxièmement, en raison de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes à la protection des données à caractère personnel. C’est d’ailleurs en ce sens que le recours a été compris par la Commission dans le mémoire en défense.

14 Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de...

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