Kiss and CIB Bank

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date15 May 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD WILLIAM HOGAN

présentées le 15 mai 2019 (1)

Affaire C‑621/17

Gyula Kiss,

CIB Bank Zrt.

contre

Emil Kiss,

Gyuláné Kiss

[demande de décision préjudicielle de la Kúria (Cour suprême, Hongrie)]

« Demande de décision préjudicielle – Protection des consommateurs – Clauses abusives – Directive 93/13/CEE – Article 4, paragraphe 2 – Exigence d’une rédaction claire et compréhensible des clauses portant sur la définition de l’objet principal du contrat – Article 5 – Exigence d’une rédaction claire et compréhensible du contrat »






1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la « directive de 1993 »). Cette demande oblige une nouvelle fois la Cour à se pencher sur la portée de la directive de 1993 dans le contexte de contrats de prêt consentis par des établissements de crédit.

2. Ladite demande est intervenue dans le cadre d’un litige opposant M. Gyula Kiss, M. Emil Kiss, Mme Gyuláné Kiss et CIB Bank Zrt. (ci‑après la « banque »), à propos d’une demande aux fins de la constatation du caractère abusif de certaines clauses incluses dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère. C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi demande, en particulier, s’il convient d’interpréter les exigences de rédaction claire et compréhensible de certaines clauses du contrat qu’imposent l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive de 1993 en ce sens que celles-ci impliquent que chaque clause relative au prix doit mentionner les services précis dont ce prix représente la contrepartie. Toutefois, avant d’examiner ces questions, il convient tout d’abord de présenter les règles de droit pertinentes.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive de 1993

3. Les douzième, treizième, seizième, dix-neuvième et vingtième considérants de la directive de 1993 sont libellés comme suit :

« considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable ; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive ; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive ;

considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont partis ; que, à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er, paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ;

[...]

considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l’exigence de bonne foi ; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ;

[...]

considérant que, pour les besoins de la présente directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation ; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses ; qu’il en découle, entre autres, que, dans le cas de contrats d’assurance, les clauses qui définissent ou délimitent clairement le risque assuré et l’engagement de l’assureur ne font pas l’objet d’une telle appréciation dès lors que ces limitations sont prises en compte dans le calcul de la prime payée par le consommateur ;

considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et que, en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur. »

4. L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive de 1993 dispose :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe. »

5. L’article 4, paragraphe 2, de la directive de 1993 dispose :

« L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

6. L’article 5 de la directive de 1993 énonce :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »

7. Aux termes de l’article 8 de la directive de 1993 :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

2. La directive 2003/55

8. L’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE (JO 2003, L 176, p. 57) prévoit :

« [...] Les États membres [...] garantissent un niveau de protection élevé des consommateurs, notamment en ce qui concerne la transparence des conditions contractuelles, l’information générale et les mécanismes de règlement des litiges. »

3. La directive 2005/29

9. L’article 6, paragraphe 1, sous d), de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) nº 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005 L 149, p. 22) indique :

« 1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement :

[...]

(d) le prix ou le mode de calcul du prix, ou l’existence d’un avantage spécifique quant au prix ;

[...] »

4. La directive 2014/17

10. Les considérants 4 et 30 de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) nº 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34), sont libellés comme suit :

« (4) Une série de problèmes ont été identifiés sur les marchés du crédit hypothécaire au sein de l’Union, liés au comportement irresponsable de prêteurs et d’emprunteurs et à la possibilité de comportements irresponsables de la part des acteurs du marché, notamment les...

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