LM.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date25 July 2018
62018CJ0216

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

25 juillet 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 1er, paragraphe 3 – Procédures de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit d’accès à un tribunal indépendant et impartial »

Dans l’affaire C‑216/18 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Haute Cour, Irlande), par décision du 23 mars 2018, parvenue à la Cour le 27 mars 2018, dans la procédure relative à l’exécution de mandats d’arrêt européens émis à l’encontre de

LM,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. M. Ilešič, J. L. da Cruz Vilaça, J. Malenovský, E. Levits et C. G. Fernlund, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, S. Rodin, F. Biltgen, C. Lycourgos et E. Regan, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la demande de la juridiction de renvoi du 23 mars 2018, parvenue à la Cour le 27 mars 2018, de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence, conformément à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour,

vu la décision du 12 avril 2018 de la première chambre de faire droit à ladite demande,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juin 2018,

considérant les observations présentées :

pour le Minister for Justice and Equality, par Mme M. Browne, en qualité d’agent, assistée de Mme S. Ní Chúlacháin, BL, de M. R. Farrell, SC, et de M. K. Colmcille, BL,

pour LM, par M. C. Ó Maolchallann, solicitor, M. M. Lynam, BL, et M. S. Guerin, SC, ainsi que par Mme D. Stuart, BL,

pour le gouvernement espagnol, par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par MM. Ł. Piebiak et B. Majczyna ainsi que par Mme J. Sawicka, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. J. Tomkin, H. Krämer, B. Martenczuk et R. Troosters ainsi que par Mme K. Banks, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, en Irlande, de mandats d’arrêt européens émis par les juridictions polonaises à l’encontre de LM (ci-après l’« intéressé »).

Le cadre juridique

Le traité UE

3

L’article 7 TUE prévoit :

« 1. Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables.

2. Le Conseil européen, statuant à l’unanimité sur proposition d’un tiers des États membres ou de la Commission européenne et après approbation du Parlement européen, peut constater l’existence d’une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l’article 2, après avoir invité cet État membre à présenter toute observation en la matière.

3. Lorsque la constatation visée au paragraphe 2 a été faite, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider de suspendre certains des droits découlant de l’application des traités à l’État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil. Ce faisant, le Conseil tient compte des conséquences éventuelles d’une telle suspension sur les droits et obligations des personnes physiques et morales.

Les obligations qui incombent à l’État membre en question au titre des traités restent en tout état de cause contraignantes pour cet État.

[...] »

La Charte

4

Le titre VI de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), dénommé « Justice », comprend l’article 47, intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », qui dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

[...] »

5

Les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17) précisent, concernant l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, que cette disposition correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

6

L’article 48 de la Charte, intitulé « Présomption d’innocence et droits de la défense », dispose :

« 1. Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé. »

La décision-cadre 2002/584

7

Les considérants 5 à 8, 10 et 12 de la décision-cadre 2002/584 sont libellés comme suit :

« (5)

[...] l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. [...]

(6)

Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire.

(7)

Comme l’objectif de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant unilatéralement et peut donc, en raison de sa dimension et de ses effets, être mieux réalisé au niveau de l’Union, le Conseil peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité tel que visé à l’article 2 [UE] et à l’article 5 [CE]. Conformément au principe de proportionnalité, tel que prévu par ce dernier article, la présente décision-cadre n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

(8)

Les décisions relatives à l’exécution du mandat d’arrêt européen doivent faire l’objet de contrôles suffisants, ce qui implique qu’une autorité judiciaire de l’État membre où la personne recherchée a été arrêtée devra prendre la décision de remise de cette dernière.

[...]

(10)

Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, [UE devenu, après modification, article 2 TUE], constatée par le Conseil [européen] en application de l’article 7, paragraphe 1, [UE devenu, après modification, article 7, paragraphe 2, TUE] avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article [devenu, après modification, article 7, paragraphe 3, TUE].

[...]

(12)

La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 [UE] et reflétés dans la [Charte], notamment son chapitre VI. Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d’une personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen s’il y a des raisons de croire, sur la base d’éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu’il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l’une de ces raisons.

[...] »

8

L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », prévoit :

« 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une...

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