Conclusiones del Abogado General Sr. H. Saugmandsgaard Øe, presentadas el 20 de junio de 2019.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 June 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 20 juin 2019 (1)

Affaire C213/18

Adriano Guaitoli,

Concepción Casan Rodriguez,

Alessandro Celano Tomassoni,

Antonia Cirilli,

Lucia Cortini,

Mario Giuli,

Patrizia Padroni

contre

easyJet Airline Co. Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Règlement (CE) nº 261/2004 – Articles 5, 7, 9 et 12 – Action aux fins d’indemnisation forfaitaire et de réparation de préjudices individualisés subis par des passagers en cas d’annulation ou de retard important d’un vol – Compétence judiciaire internationale et territoriale interne – Dispositions applicables – Convention de Montréal – Article 33Règlement (UE) nº 1215/2012 – Article 7, point 1 – Articulation entre ces dispositions »






I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome, Italie) porte principalement sur l’interprétation de l’article 33 de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international (2) (ci‑après la « convention de Montréal »), disposition qui détermine la juridiction compétente en cas d’action en responsabilité exercée à l’encontre d’un transporteur aérien relevant du champ d’application de cet instrument.

2. En substance, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la façon dont ladite convention s’articule avec le règlement (UE) nº 1215/2012 (3), lequel régit notamment la compétence judiciaire dans le domaine couvert par ce dernier (4), lorsqu’une action visant à obtenir des indemnités de diverses natures est intentée par des passagers aériens.

3. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige transfrontalier opposant une compagnie aérienne à plusieurs passagers au sujet des sommes que ces derniers réclament à la fois au titre des indemnisations standardisées prévues par le règlement (CE) nº 261/2004 (5) et au titre de la réparation individualisée des préjudices leur ayant été causés par l’annulation d’un vol aller ainsi que par le retard d’un vol retour, vols tous deux opérés par ladite compagnie.

4. En premier lieu, la Cour sera amenée à dire si, dans de telles circonstances, la juridiction territorialement compétente doit être déterminée en faisant application de l’article 33 de la convention de Montréal et/ou de l’article 7, point 1, du règlement nº 1215/2012. Pour les motifs et dans les conditions qui seront ci‑dessous exposés, je suis favorable à une application distributive de ces deux instruments, en fonction de l’objet des chefs de demande qui sont en cause.

5. En deuxième lieu, dans l’hypothèse où l’article 33 de la convention de Montréal serait déclaré applicable en un tel cas de figure, comme j’entends le proposer, la Cour devra statuer sur le point de savoir si cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle dicte la répartition de la compétence judiciaire seulement au niveau international, entre les États concernés, ou bien également au niveau interne, entre les juridictions d’un État donné. J’opterai pour cette dernière interprétation.

6. En troisième lieu, au cas où il serait jugé que l’article 33 de la convention de Montréal ne désigne pas la juridiction territorialement compétente aussi au niveau interne, la Cour serait alors invitée à préciser s’il convient d’appliquer cette disposition de façon exclusive ou bien de façon conjointe avec l’article 7, point 1, du règlement nº 1215/2012 pour identifier cette juridiction. Compte tenu des réponses qu’il conviendrait selon moi d’apporter aux deux précédentes questions préjudicielles, j’estime qu’il n’y aura pas lieu de se prononcer sur la troisième question, qui est posée uniquement à titre subsidiaire.

II. Le cadre juridique

A. La convention de Montréal

7. La convention de Montréal est entrée en vigueur, en ce qui concerne l’Union européenne, le 28 juin 2004.

8. Le préambule de cette convention expose, à son troisième alinéa, que les États parties à cette convention « reconnaiss[e]nt l’importance d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et la nécessité d’une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation ». En outre, aux termes de son cinquième alinéa, « l’adoption de mesures collectives par les États en vue d’harmoniser davantage et de codifier certaines règles régissant le transport aérien international est le meilleur moyen de réaliser un équilibre équitable des intérêts ».

9. Figurant dans le chapitre III de ladite convention, intitulé « Responsabilité du transporteur et étendue de l’indemnisation du préjudice », son article 19, intitulé « Retard », prévoit que « [l]e transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre ».

10. Figurant dans le même chapitre III, l’article 33, intitulé « Juridiction compétente », dispose à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1. L’action en responsabilité devra être portée, au choix du demandeur, dans le territoire d’un des États parties, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination.

[...]

4. La procédure sera régie selon le droit du tribunal saisi de l’affaire. »

B. Le droit de l’Union

1. Le règlement nº 261/2004

11. L’article 1er du règlement nº 261/2004, intitulé « Objet », prévoit, à son paragraphe 1, sous b) et c), que ce règlement « reconnaît, dans les conditions qui y sont spécifiées, des droits minimum aux passagers [notamment] en cas d’annulation de leur vol [et] en cas de vol retardé ».

12. L’article 5 de ce règlement, intitulé « Annulations », énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

a) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 8 ;

b) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 9, paragraphe 1, [sous] a), et paragraphe 2, de même que, dans le cas d’un réacheminement lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue du nouveau vol est au moins le jour suivant le départ planifié pour le vol annulé, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, [sous] b) et c), et

c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7 [...].

2. Lorsque les passagers sont informés de l’annulation d’un vol, des renseignements leur sont fournis concernant d’autres transports possibles. »

13. L’article 7 du même règlement, intitulé « Droit à indemnisation », prévoit, à son paragraphe 1, sous a), que « les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à [...] 250 euros pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins », dans les conditions indiquées à cet article.

14. L’article 9 dudit règlement, intitulé « Droit à une prise en charge », énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers se voient offrir gratuitement :

a) des rafraîchissements et des possibilités de se restaurer en suffisance compte tenu du délai d’attente ;

b) un hébergement à l’hôtel aux cas où :

– un séjour d’attente d’une ou plusieurs nuits est nécessaire, ou

– lorsqu’un séjour s’ajoutant à celui prévu par le passager est nécessaire ;

c) le transport depuis l’aéroport jusqu’au lieu d’hébergement (hôtel ou autre).

2. En outre, le passager se voit proposer la possibilité d’effectuer gratuitement deux appels téléphoniques ou d’envoyer gratuitement deux télex, deux télécopies ou deux messages électroniques. »

15. L’article 12 du règlement nº 261/2004, intitulé « Indemnisation complémentaire », dispose, à son paragraphe 1, que ce règlement « s’applique sans préjudice du droit d’un passager à une indemnisation complémentaire. L’indemnisation accordée en vertu [dudit] règlement peut être déduite d’une telle indemnisation ».

2. Le règlement nº 1215/2012

16. Le règlement nº 1215/2012 est applicable ratione temporis au litige au principal, conformément à son article 66, paragraphe 1, étant donné que l’action dont est saisie la juridiction de renvoi a été intentée après le 10 janvier 2015 (6).

17. Figurant dans le chapitre II du règlement nº 1215/2012, intitulé « Compétence », à la section 2, intitulée « Compétences spéciales », son article 7, point 1, sous a) et b), prévoit qu’« [u]ne personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;

b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est [...] pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ».

18. À la section 4 du même chapitre, intitulée « Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs », l’article 17 de ce règlement prévoit, à son paragraphe 3, que ladite section « ne s’applique pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement ».

19. Figurant dans le chapitre VII dudit règlement, intitulé « Relations avec les autres instruments », l’article 67 énonce que cet instrument « ne préjuge pas de l’application des dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution...

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