D. M. M. A. Arens-Sikken v Staatssecretaris van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date11 September 2008

Affaire C-43/07

D. M. M. A. Arens-Sikken

contre

Staatssecretaris van Financiën

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Libre circulation des capitaux — Articles 73 B et 73 D du traité CE (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) — Réglementation nationale relative aux droits de succession et de mutation ne prévoyant pas, lors du calcul desdits droits, la déduction des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire lorsque la personne dont la succession est ouverte ne résidait pas, au moment de son décès, dans l’État membre où est situé le bien immeuble faisant l’objet de la succession — Restriction — Justification — Absence — Absence de convention bilatérale destinée à prévenir la double imposition — Conséquences sur la restriction à la libre circulation des capitaux d’une compensation préventive de la double imposition moins élevée dans l’État membre de résidence de ladite personne»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des capitaux — Restrictions — Impôt sur les successions

(Traité CE, art. 73 B et 73 D (devenus art. 56 CE et 58 CE))

Les articles 73 B et 73 D du traité (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale relative au calcul des droits de succession et de mutation dus sur un bien immeuble sis dans un État membre qui, lors du calcul desdits droits, ne prévoit pas la déductibilité des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire, lorsque la personne dont la succession est ouverte était, au moment de son décès, résidente non pas de cet État mais d’un autre État membre, alors que cette déductibilité est prévue lorsque cette personne était, à ce même moment, résidente de l’État dans lequel est situé le bien immeuble faisant l’objet de la succession, dans la mesure où une telle réglementation applique un taux progressif d’imposition et dès lors que la non-prise en compte desdites dettes combinée avec ce taux progressif pourrait entraîner une charge fiscale supérieure pour les héritiers ne pouvant se prévaloir d’une telle déductibilité.

En effet, la restriction à la libre circulation des capitaux résulte du fait qu’une telle réglementation, combinée avec l’application d’un taux progressif d’imposition, aboutit à un traitement différent, lors de la répartition de la charge fiscale, entre les différents héritiers d’une personne qui, au moment de son décès, était résidente et ceux d’une personne qui, à ce même moment, était non-résidente de l’État membre concerné.

Cette différence de traitement ne saurait être justifiée au motif qu'elle se rapporte à des situations qui ne sont pas objectivement comparables. Dès lors qu'une réglementation nationale met sur le même plan, aux fins de l'imposition d’un bien immeuble acquis par succession et sis dans l’État membre concerné, les héritiers d’une personne ayant, au moment de son décès, la qualité de résident et ceux d’une personne ayant, à ce même moment, la qualité de non-résident, elle ne peut, sans créer une discrimination, traiter ces héritiers différemment, dans le cadre de cette même imposition, en ce qui concerne la déductibilité des charges grevant ce bien immeuble. En traitant de manière identique, sauf pour la déduction des dettes, les successions de ces deux catégories de personnes aux fins des impôts sur les successions, le législateur national a, en effet, admis qu’il n’existe entre ces dernières, au regard des modalités et des conditions de cette imposition, aucune différence de situation objective pouvant justifier une différence de traitement.

Ladite appréciation n’est pas affectée par la circonstance que la réglementation de l’État membre dans lequel la personne dont la succession est ouverte résidait au moment de son décès prévoit unilatéralement une possibilité d’octroi d’un crédit d’impôt au titre des droits de succession dus dans un autre État membre pour des biens immeubles situés dans cet autre État. L’État membre dans lequel est situé le bien immeuble ne saurait, pour justifier une restriction à la libre circulation des capitaux résultant de sa réglementation, se prévaloir de l’existence d’une possibilité, indépendante de sa volonté, d’octroi d’un crédit d’impôt par un autre État membre, tel que l’État membre dans lequel la personne dont la succession est ouverte résidait au moment de son décès, qui pourrait compenser, en tout ou en partie, le préjudice subi par les héritiers de cette dernière en raison de la non-prise en compte par l’État membre dans lequel est situé ledit bien immeuble, lors du calcul des droits de mutation, des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire.

(cf. points 46, 54, 57, 60, 65, 67, disp. 1-2)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 septembre 2008 (*)

«Libre circulation des capitaux − Articles 73 B et 73 D du traité CE (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) – Réglementation nationale relative aux droits de succession et de mutation ne prévoyant pas, lors du calcul desdits droits, la déduction des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire lorsque la personne dont la succession est ouverte ne résidait pas, au moment de son décès, dans l’État membre où est situé le bien immeuble faisant l’objet de la succession – Restriction − Justification − Absence − Absence de convention bilatérale destinée à prévenir la double imposition − Conséquences sur la restriction à la libre circulation des capitaux d’une compensation préventive de la double imposition moins élevée dans l’État membre de résidence de ladite personne»

Dans l’affaire C‑43/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 12 janvier 2007, parvenue à la Cour le 2 février 2007, dans la procédure

D. M. M. A. Arens-Sikken

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, A. Ó Caoimh (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 décembre 2007,

considérant les observations présentées:

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. de Mol, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agent, assistée de Me A. Haelterman, advocaat,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal, A. Weimar et R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 mars 2008,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 73 B et 73 D du traité CE (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) relatifs à la libre circulation des capitaux.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Arens-Sikken, épouse d’un ressortissant néerlandais décédé en Italie, au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) au sujet du calcul des droits de mutation dus sur un bien immeuble que le de cujus détenait aux Pays‑Bas.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Aux termes de l’article 1er de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [devenu article 67 du traité CE (abrogé par le traité d’Amsterdam)] (JO L 178, p. 5):

«1. Les États membres suppriment les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres, sans préjudice des dispositions figurant ci‑après. Pour faciliter l’application de la présente directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I.

2. Les transferts afférents aux mouvements de capitaux s’effectuent aux mêmes conditions de change que celles pratiquées pour les paiements relatifs aux transactions courantes.»

4 Parmi les mouvements de capitaux énumérés à l’annexe I de la directive 88/361 figurent, à la rubrique XI, les «Mouvements de capitaux à caractère personnel», qui comprennent les successions et les legs.

La réglementation nationale

5 En droit néerlandais, toute succession fait l’objet d’un impôt. L’article 1er, paragraphe 1, de la loi sur les successions (Successiewet), du 28 juin 1956 (Stb. 1956, n° 362, ci‑après la «SW 1956»), faisait une distinction selon que la personne dont la succession est ouverte résidait, au moment de son décès, aux Pays‑Bas ou à l’étranger.

6 Cette disposition était, pour la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2001, rédigée comme suit:

«En application de cette loi, les impôts suivants sont perçus:

1. Des droits de succession sur la valeur de l’ensemble des biens transmis en vertu du droit successoral à la suite du décès d’une personne qui résidait aux Pays‑Bas à l’époque dudit décès. [...]

2. Des droits de mutation sur la valeur des biens précisés à l’article 5, paragraphe 2, obtenus par libéralité ou par succession à la suite du décès d’une personne qui ne résidait pas aux Pays‑Bas à l’époque de ladite libéralité ou dudit décès;

3. Des droits de donation […]»

7 Dans sa version applicable du 8 décembre 1995 au 31 décembre 2000, l’article 5, paragraphe 2, de la SW 1956 disposait:

«Le droit de mutation est perçu sur la valeur:

1. des possessions intérieures citées à l’article 13 de la loi relative à l’impôt sur le patrimoine [Wet op de vermogensbelasting], du 16 décembre 1964 [(Stb. 1964, n° 520, ci‑après la ‘WB 1964’)], éventuellement après déduction des dettes visées à cet article;

[…]»

8 Dans sa version applicable du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2000, l’article 13, paragraphe 1...

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