Commission of the European Communities v United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.

JurisdictionEuropean Union
Date09 March 2006
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 9 mars 2006 (1)

Affaire C-484/04

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

«Manquement d’État – Temps de travail – Périodes minimales de repos journalier et de repos hebdomadaire – Lignes directrices d’une autorité nationale selon lesquelles les employeurs ne sont pas obligés de veiller au respect effectif des périodes de repos – Durées maximales du travail de nuit et du travail hebdomadaire – Inapplicabilité des possibilités de dérogation de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 93/104/CE à uniquement une partie du temps de travail»





I – Introduction

1. Par le présent recours en manquement, la Commission des Communautés européennes reproche au Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord que certaines de ses dispositions de droit interne relatives au temps de travail des travailleurs et/ou les lignes directrices y afférentes violent le droit communautaire.

2. Le litige porte notamment sur la question de savoir si le Royaume-Uni a adopté l’ensemble des mesures nécessaires à la mise en œuvre du droit au repos journalier et hebdomadaire des travailleurs. Ce sont les lignes directrices adoptées par le ministère du Commerce et de l’Industrie selon lesquelles les employeurs ne sont pas obligés de veiller au respect effectif de ces périodes de repos qui sont en cause.

3. Par ailleurs, se pose la question de savoir si le droit communautaire permet de prévoir des exceptions aux durées maximales du travail hebdomadaire et du travail de nuit en ce qui concerne les travailleurs dont seulement une partie du temps de travail est mesurée ou prédéterminée ou ne peut être déterminée qu’en partie par les travailleurs eux-mêmes.

II – Cadre juridique

A – La réglementation communautaire

4. Le droit communautaire applicable en la matière est la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (2) (ci-après la «directive» ou la «directive sur le temps de travail»). Selon l’article 1er, paragraphe 1, de celle-ci, la directive sur le temps de travail fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

5. Les articles 3 et 5 de la directive réglementent les périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire. Il en résulte que les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’une période minimale de repos de onze heures consécutives au cours de chaque période de vingt-quatre heures (article 3) et d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures au cours de chaque période de sept jours, à laquelle s’ajoutent les onze heures de repos journalier (article 5, premier alinéa).

6. En raison des caractéristiques particulières de certaines activités, la directive permet aux États membres de déroger à certaines de ces dispositions, notamment aux règles relatives aux périodes minimales de repos et aux durées maximales du travail hebdomadaire et du travail de nuit. À cet égard, l’article 17, paragraphe 1, de la directive énonce:

«Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger aux articles 3, 4, 5, 6, 8 et 16 lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes […]

[…]

B – La réglementation nationale

7. Au Royaume-Uni, la directive sur le temps de travail a été transposée dans l’ordre juridique interne par le règlement de 1998 relatif au temps de travail (Working Time Regulations 1998) (3) (ci‑après, les «WTR»). Les WTR sont entrées en vigueur le 1er octobre 1998.

8. Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, des WTR, qui transpose l’article 3 de la directive sur le temps de travail en ce qui concerne le repos hebdomadaire:

«Chaque travailleur adulte a droit, au cours de chaque période de vingt-quatre heures qu’il travaille pour son employeur, à une période de repos de onze heures consécutives.»

9. L’article 11, paragraphe 1, des WTR, qui transpose les dispositions relatives au repos hebdomadaire de l’article 5 de la directive sur le temps de travail, prévoit:

«Sous réserve des dispositions du paragraphe 2, chaque travailleur adulte a droit, au cours de chaque période de sept jours qu’il travaille pour son employeur, à une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures.»

10. En outre, pour faciliter la compréhension des WTR par les employeurs et les travailleurs, le ministère du Commerce et de l’Industrie a publié des lignes directrices (4). En ce qui concerne les périodes de repos journalier et hebdomadaire, la section 5 desdites lignes directrices prévoit:

«Les employeurs veillent à ce que les travailleurs puissent bénéficier de leur temps de repos, mais ne sont pas tenus de veiller à ce qu’ils le prennent effectivement.» (5)

11. Par ailleurs, en 1999, l’article 20, paragraphe 2, des WTR a été adopté (6) en application de l’article 17, paragraphe 1, de la directive sur le temps de travail. Cette disposition énonce:

«Lorsqu’une partie du temps de travail d’un travailleur est mesurée ou prédéterminée ou ne peut être déterminée par le travailleur lui-même, mais que les caractéristiques particulières de l’activité sont telles que, sans que l’employeur ne l’exige, le travailleur peut également accomplir un travail dont la durée n’est pas mesurée ou prédéterminée ou peut être déterminée par lui-même, l’article 4, paragraphes 1 et 2 et l’article 6, paragraphes 1, 2 et 7, ne s’appliquent qu’à la partie de son travail qui est mesurée ou prédéterminée ou qui ne peut être déterminée par le travailleur lui-même.» (7)

III – La procédure précontentieuse et le recours

12. Par courrier du 21 mars 2002, la Commission a critiqué le fait que l’article 20, paragraphe 2, des WTR allait de manière illégale au-delà de la dérogation prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive et que les mesures d’application recommandées par les lignes directrices du ministère du Commerce et de l’Industrie étaient contraires aux objectifs de ladite directive.

13. Le gouvernement du Royaume-Uni a répondu par courrier du 31 mai 2002. Selon lui, les règles internes de transposition, en ce compris les lignes directrices, étaient conformes aux exigences de la directive.

14. Le 2 mai 2003, la Commission a émis un avis motivé reprenant ses griefs. Elle y invitait le Royaume-Uni à prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis.

15. Toutefois, par lettre du 30 juin 2003, le gouvernement du Royaume-Uni confirmait sa position exprimée antérieurement.

16. C’est dans ces conditions que la Commission a introduit, le 23 novembre 2004, un recours fondé sur l’article 226, paragraphe 2, CE. Elle concluait initialement à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que:

1) en appliquant la dérogation aux travailleurs dont une partie du temps de travail n’est pas mesurée ou prédéterminée ou peut être déterminée par le travailleur lui‑même, et

2) en n’adoptant pas les mesures nécessaires à la mise en œuvre des droits aux repos journalier et hebdomadaire,

le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 17, paragraphe 1, de la directive 93/104 et 249 CE;

– condamner le Royaume-Uni aux dépens.

17. Le 26 janvier 2006, la Commission a reformulé partiellement sa demande lors de la procédure orale devant la Cour. Elle conclut désormais à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que le Royaume-Uni

1) a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 17, paragraphe 1, de la directive 93/104 et 249 CE en appliquant la dérogation aux travailleurs dont une partie du temps de travail n’est pas mesurée ou prédéterminée ou peut être déterminée par le travailleur lui‑même, et

2) a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 249 CE relatif à la mise en œuvre des droits aux repos journalier et hebdomadaire en maintenant ses lignes directrices officielles dans leur version actuelle;

– condamner le Royaume-Uni aux dépens.

18. Le Royaume-Uni conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– rejeter le recours;

– condamner la Commission aux dépens.

19. Dans la procédure précontentieuse, la Commission avait également critiqué la situation juridique du Royaume-Uni en ce qui concerne le calcul de la durée du travail de nuit, telle qu’elle résultait de l’article 6, paragraphe 6, des WTR et des lignes directrices du ministère du Commerce et de l’Industrie. Elle violerait l’article 8 de la directive lu conjointement avec les considérants 11 et 12 de celle‑ci. Le Royaume‑Uni a alors modifié les dispositions en cause dans le délai prescrit (8). Par conséquent, la Commission renonce à ce dernier grief.

IV – Analyse

A – Sur le premier grief, tiré de l’incompatibilité de la dérogation prévue à l’article 20, paragraphe 2, des WTR avec l’article 17, paragraphe 1, de la directive

20. Le premier grief de la Commission a pour objet l’article 20, paragraphe 2, des WTR dans sa version de 1999, selon lequel les durées maximales du travail hebdomadaire et du travail de nuit ne sont reconnues au travailleur que pour la partie du temps de travail «qui est mesurée, prédéterminée ou qui ne peut être déterminée par le travailleur lui-même».

21. La Commission soutient que cette disposition ne relève pas de la possibilité de dérogation prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive. En effet, cette dérogation ne s’appliquerait qu’au travailleur dont le temps de travail dans son ensemble n’est pas mesuré ou prédéterminé ou peut être déterminé par le travailleur lui‑même. En revanche, elle ne permettrait pas une application limitée de la disposition à la partie du temps...

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