P. Charles and T. S. Charles-Tijmens v Staatssecretaris van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
Date20 January 2005
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 20 janvier 2005 (1)

Affaire C-434/03

P. Charles et

T. S. Charles-Tijmens

contre

Staatssecretaris van Financiën






1. Le Hoge Raad des Pays-Bas, qui est la juridiction suprême de ce pays, demande à la Cour de préciser certains aspects des règles de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de régularisation des montants déduits de celle‑ci lorsque des biens d’investissement sont utilisés en partie pour des opérations taxées (2) et en partie à des fins privées.

2. Il souhaite s’entendre préciser en substance si une règle nationale qui ne permet pas d’inclure entièrement de tels biens dans le patrimoine de l’entreprise, leur utilisation à titre privé étant considérée comme une opération à titre onéreux, est compatible avec le droit communautaire.

Les règles communautaires de la TVA

Les dispositions de base

3. L’essence du système de la TVA est exposée à l’article 2 de la première directive TVA (3):

«Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.

Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée est appliqué jusqu’au stade du commerce de détail inclus.»

4. Ainsi, dans ce système d’applications et de déductions successives de la taxe, un opérateur économique ne supporte pas, en fin de compte, la charge de la TVA sur les biens et les services qu’il acquiert pour les besoins de son entreprise. Cependant, au-delà du stade de détail – et pour toutes les opérations effectuées en dehors de la sphère de l’entreprise –, aucune TVA n’est perçue ni déductible.

5. La sixième directive TVA (4) énonce des règles plus détaillées.

6. Le champ d’application de la TVA est défini à l’article 2, aux termes duquel sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée «les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel» ainsi que les importations de biens.

7. L’article 4, paragraphe 1, définit l’assujetti comme étant quiconque accomplit une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, les activités économiques sont «toutes les activités de producteur, de commerçant ou de fournisseur de services», et notamment «l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence».

8. L’essentiel du droit à déduction est exposé à l’article 17 de la sixième directive, aux termes du paragraphe 2 duquel: «Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable: a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti […]». Conformément à l’article 17, paragraphe 1, le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

9. Dès lors que le droit à déduction ne prend naissance que pour des biens ou des services utilisés pour les besoins d’opérations taxées, il n’existe pas lorsqu’ils sont utilisés aux fins d’opérations exonérées, c’est‑à‑dire aux fins d’opérations énumérées en particulier à l’article 13 de la directive, ou pour les besoins d’opérations qui échappent entièrement au champ d’application de la TVA, comme les opérations qui ne sont pas effectuées à titre onéreux ou qui ne le sont pas par un assujetti agissant en tant que tel, en particulier dans le cadre d’une activité économique au sens de l’article 4.

A – Les problèmes d’un usage «mixte»

10. Plusieurs dispositions traitent d’aspects des difficultés pouvant résulter du fait que, pour quelque raison que ce soit, un assujetti qui a acquis des biens ou des services en acquittant la TVA peut les utiliser en partie pour les besoins d’opérations taxées et en partie à d’autres fins. En pareille situation, il est évidemment important de maintenir la distinction entre les opérations taxées et les autres ainsi que la correspondance entre les déductions des taxes d’amont et la perception des taxes d’aval.

11. La directive envisage deux types d’usage «mixte». D’une part, elle vise des situations dans lesquelles un assujetti acquiert des biens ou des services dans le cadre de son entreprise et les utilise en partie pour les besoins de celle-ci et en partie à des fins qui lui sont étrangères. D’autre part, elle vise les situations dans lesquelles une entreprise effectue à la fois des opérations taxées et des opérations qui ne le sont pas.

12. En ce qui concerne tout d’abord l’utilisation privée de biens de l’entreprise et les situations comparables, l’article 5, paragraphe 6, de la sixième directive dispose que: «Est assimilé à une livraison effectuée à titre onéreux le prélèvement par un assujetti d’un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée».

13. De la même manière, l’article 6, paragraphe 2, dispose que: «Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux:

a) l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée;

b) les prestations de services à titre gratuit effectuées par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

Les États membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence.»

14. Ainsi donc, sous réserve de cette possibilité de dérogation prévue à l’article 6, paragraphe 2, ces deux dispositions signifient que, lorsqu’un assujetti se sert de biens ou de services provenant de son entreprise, mais à des fins étrangères à celle-ci, alors qu’il a déduit la taxe qu’il avait acquittée en amont sur les biens ou les services qu’il avait acquis à cet effet, il doit, en substance, se facturer à lui‑même la TVA sur cette opération.

15. En pareils cas, la base d’imposition est déterminée conformément à l’article 11, A, paragraphe 1, conformément auquel elle est constituée:

«[…]

b) pour les opérations visées à l’article 5 paragraphe […] 6 […], par le prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations;

c) pour les opérations visées à l’article 6 paragraphe 2, par le montant des dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de la prestation de services;

[…]»

16. En second lieu, l’article 17, paragraphe 5, de la sixième directive vise des situations dans lesquelles des biens ou des services sont utilisés par un assujetti à la fois pour des opérations ouvrant droit à la déduction de la TVA et pour des opérations n’y ouvrant pas droit . En pareils cas, il résulte du premier alinéa que «la déduction n’est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations».

17. Conformément au deuxième alinéa, ce prorata est déterminé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti conformément à l’article 19, lequel le définit en substance comme étant une fraction égale au chiffre d’affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction divisé par le montant total du chiffre d’affaires (5).

18. De surcroît, l’article 20 de la sixième directive prévoit la régularisation des déductions en tant que de besoin:

«1. La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment:

a) lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer;

b) lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration […]

2. En ce qui concerne les biens d’investissement, une régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué. Chaque année, cette régularisation ne porte que sur le cinquième de la taxe dont ces biens ont été grevés. Cette régularisation est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué.

[…]

En ce qui concerne les biens d’investissement immobiliers, la durée de la période servant de base au calcul des régularisations peut être portée jusqu’à vingt ans.

[…]»

Dispositions «transitoires» sur les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction

19. L’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive dispose que le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et précise qu’en tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas...

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