Laval un Partneri Ltd v Svenska Byggnadsarbetareförbundet, Svenska Byggnadsarbetareförbundets avdelning 1, Byggettan and Svenska Elektrikerförbundet.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date18 December 2007

Affaire C-341/05

Laval un Partneri Ltd

contre

Svenska Byggnadsarbetareförbundet e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Arbetsdomstolen)

«Libre prestation des services — Directive 96/71/CE — Détachement de travailleurs dans le domaine de la construction — Législation nationale fixant les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à g), à l’exception des taux de salaire minimal — Convention collective du bâtiment dont les clauses fixent des conditions plus favorables ou portent sur d’autres matières — Possibilité pour les organisations syndicales de tenter de contraindre au moyen d’actions collectives les entreprises établies dans d’autres États membres à négocier au cas par cas afin de déterminer les taux de salaire devant être versés aux travailleurs et à adhérer à la convention collective du bâtiment»

Conclusions de l'avocat général M. P. Mengozzi, présentées le 23 mai 2007

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 18 décembre 2007

Sommaire de l'arrêt

1. Libre prestation des services — Détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services — Directive 96/71

(Directive du Parlement européen et du Conseil 96/71, art. 3, § 1 et 8)

2. Libre prestation des services — Détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services — Directive 96/71

(Directive du Parlement européen et du Conseil 96/71, art. 3)

3. Droit communautaire — Principes — Droits fondamentaux — Droit de mener une action collective

(Art. 49 CE)

4. Libre prestation des services — Restrictions

(Art. 49 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 96/71, art. 3, § 1)

5. Libre prestation des services — Restrictions

(Art. 49 CE et 50 CE)

1. Un État membre dans lequel les taux de salaire minimal ne sont pas déterminés par l'une des voies prévues à l'article 3, paragraphes 1 et 8, de la directive 96/71, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, n'est pas en droit d'imposer, en vertu de cette directive, aux entreprises établies dans d'autres États membres, dans le cadre d'une prestation de services transnationale, une négociation au cas par cas, sur le lieu de travail, tenant compte de la qualification et des fonctions des salariés, afin qu'elles aient connaissance du salaire qu'elles devront verser à leurs travailleurs détachés.

(cf. point 71)

2. L’article 3, paragraphe 7, de la directive 96/71, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, ne saurait être interprété en ce sens qu'il permet à l'État membre d'accueil de subordonner la réalisation d'une prestation de services sur son territoire à l'observation de conditions de travail et d'emploi allant au-delà des règles impératives de protection minimale.

En effet, pour ce qui est des matières visées à son article 3, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à g), la directive 96/71 prévoit expressément le degré de protection dont l'État membre d'accueil est en droit d'imposer le respect aux entreprises établies dans d'autres États membres en faveur de leurs travailleurs détachés sur le territoire dudit État membre d'accueil. Partant, et sous réserve de la faculté pour les entreprises établies dans d'autres États membres d'adhérer volontairement dans l'État membre d'accueil, notamment dans le cadre d'un engagement pris envers leur propre personnel détaché, à une convention collective de travail éventuellement plus favorable, le niveau de protection qui doit être garanti aux travailleurs détachés sur le territoire de l'État membre d'accueil est limité, en principe, à celui prévu à l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à g), de la directive 96/71, à moins que lesdits travailleurs ne jouissent déjà, par application de la loi ou de conventions collectives dans l'État membre d'origine, de conditions de travail et d'emploi plus favorables en ce qui concerne des matières visées par ladite disposition.

(cf. points 80-81)

3. Si le droit de mener une action collective doit être reconnu en tant que droit fondamental faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect, il n’en demeure pas moins que son exercice peut être soumis à certaines restrictions. En effet, ainsi que le réaffirme l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il est protégé conformément au droit communautaire ainsi qu’aux législations et pratiques nationales.

Bien que la protection des droits fondamentaux constitue un intérêt légitime de nature à justifier, en principe, une restriction aux obligations imposées par le droit communautaire, même en vertu d’une liberté fondamentale garantie par le traité, l’exercice de tels droits n’échappe pas au champ d’application des dispositions du traité et doit être concilié avec les exigences relatives aux droits protégés par ledit traité et conforme au principe de proportionnalité.

Il s'ensuit que le caractère fondamental s’attachant au droit de mener une action collective n’est pas de nature à faire échapper une telle action, menée à l’encontre d’une entreprise établie dans un autre État membre, qui détache des travailleurs dans le cadre d’une prestation de services transnationale, au champ d’application du droit communautaire.

(cf. points 91, 93-95)

4. Les articles 49 CE et 3 de la directive 96/71, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que, dans un État membre dans lequel les conditions de travail et d'emploi concernant les matières visées à l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à g), de cette directive figurent dans des dispositions législatives, à l'exception des taux de salaire minimal, une organisation syndicale puisse tenter de contraindre, par une action collective prenant la forme d'un blocus de chantiers, un prestataire de services établi dans un autre État membre à entamer avec elle une négociation sur les taux de salaire devant être versés aux travailleurs détachés ainsi qu'à adhérer à une convention collective dont des clauses établissent, pour certaines desdites matières, des conditions plus favorables que celles découlant des dispositions législatives pertinentes, tandis que d'autres clauses portent sur des matières non visées à l'article 3 de ladite directive.

En effet, le droit des organisations syndicales d'un État membre de mener de telles actions collectives est susceptible de rendre moins attrayant, voire plus difficile, pour des entreprises la prestation de services sur le territoire de l'État membre d'accueil et constitue, de ce fait, une restriction à la libre prestation des services au sens de l'article 49 CE. Une telle entrave ne saurait être justifiée au regard de l'objectif de protection des travailleurs, dont relève, en principe, un blocus engagé par une organisation syndicale de l'État membre d'accueil visant à garantir aux travailleurs détachés dans le cadre d'une prestation de services transnationale, des conditions de travail et d'emploi fixées à un certain niveau, dès lors que l'employeur de tels travailleurs est, par l'effet de la coordination réalisée par la directive 96/71, tenu d'observer un noyau de règles impératives de protection minimale dans l'État membre d'accueil. De même, un tel objectif ne saurait justifier la négociation salariale que les organisations syndicales prétendent imposer aux entreprises établies dans un autre État membre et détachant temporairement des travailleurs sur le territoire de l'État membre d'accueil, dès lors qu'une telle négociation s'inscrit dans un contexte national marqué par l'absence de dispositions suffisamment précises et accessibles pour ne pas rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile la détermination, par une telle entreprise, des obligations qu'elle devrait respecter en termes de salaire minimal.

(cf. points 99, 107-111 et disp. 1)

5. Les articles 49 CE et 50 CE s'opposent à ce que, dans un État membre, l'interdiction faite aux organisations syndicales d'entreprendre une action collective dans le but d'abroger ou de modifier une convention collective conclue par des tiers soit subordonnée à ce que l'action porte sur des conditions de travail et d'emploi auxquelles la loi nationale s'applique directement. En effet, une telle interdiction crée une discrimination à l'encontre des entreprises qui détachent des travailleurs dans l'État membre d'accueil, en ce qu'elle ne tient pas compte, quel qu'en soit le contenu, des conventions collectives auxquelles ces entreprises sont déjà liées dans l'État membre dans lequel elles sont établies, et leur applique le même traitement que celui réservé aux entreprises nationales qui n'ont pas conclu de convention collective. Une telle discrimination ne peut être justifiée ni par l'objectif de permettre aux organisations syndicales d'agir pour que tous les employeurs présents sur le marché du travail national appliquent des rémunérations et d'autres conditions d'emploi correspondant à celles habituellement pratiquées dans cet État membre, ni par celui de créer les conditions d'une concurrence loyale, à conditions égales, entre employeurs nationaux et entrepreneurs venant d'autres États membres. Ces considérations ne relèvent en effet pas des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, au sens de l'article 46 CE, appliqué en combinaison avec l'article 55 CE.

(cf. points 116, 118-120 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

18 décembre 2007 (*)

«Libre prestation des services – Directive 96/71/CE – Détachement de travailleurs dans le domaine de la construction – Législation nationale fixant les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à g), à l’exception des...

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