Klas Rosengren and Others v Riksåklagaren.

JurisdictionEuropean Union
Date05 June 2007
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-170/04

Rosengren e.a.

contre

Riksåklagaren

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Högsta domstolen)

«Libre circulation des marchandises — Articles 28 CE, 30 CE et 31 CE — Réglementation nationale portant interdiction pour les particuliers d’importer des boissons alcoolisées — Règle relative à l’existence et au fonctionnement du monopole suédois de commercialisation des boissons alcoolisées — Appréciation — Mesure contraire à l’article 28 CE — Justification par la protection de la santé et de la vie des personnes — Contrôle de proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

1. Monopoles nationaux à caractère commercial — Dispositions du traité — Champ d'application

(Art. 28 CE et 31 CE)

2. Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Notion

(Art. 28 CE)

3. Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives

(Art. 28 CE et 30 CE)

1. Les règles relatives à l'existence et au fonctionnement d'un monopole national, auquel a été conféré un droit d'exclusivité pour la vente au détail des boissons alcoolisées sur le territoire d'un État membre doivent être examinées, au regard des dispositions de l'article 31 CE, spécifiquement applicables à l'exercice, par un monopole national de nature commerciale, de ses droits d'exclusivité. En revanche, l'incidence, sur les échanges intracommunautaires, des autres dispositions de la législation nationale instaurant ce monopole, qui sont détachables du fonctionnement du monopole bien qu'elles aient une incidence sur ce dernier, doit être examinée au regard de l'article 28 CE.

Une disposition nationale interdisant aux particuliers d'importer des boissons alcoolisées, figurant dans une loi qui a également instauré un monopole dont la fonction spécifique consiste à lui réserver, dans l'État membre, l'exclusivité de la vente au détail de boissons alcoolisées aux consommateurs, à l'exception du secteur de la restauration, alors que cette exclusivité ne s'étend pas aux importations desdites boissons, ne concerne pas l'exercice par ce monople de sa fonction spécifique et ne saurait, dès lors, être considérée comme relative à l'existence même de ce dernier. Une telle mesure d'interdiction ne règle pas non plus véritablement le fonctionnement du monopole dès lors qu'elle ne se rapporte pas aux modalités de vente au détail des boissons alocoolisées sur le territoire de l'État membre concerné. Il s'ensuit qu'une telle interdiction doit être appréciée à la lumière de l'article 28 CE et non à celle de l'article 31 CE.

(cf. points 16-18, 20, 22, 24, 27, disp. 1)

2. Une disposition figurant dans une loi nationale ayant instauré un monopole à caractère commercial interdisant aux particuliers d'importer des boissons alcoolisées directement, sans en assurer personnellement le transport, constitue une restriction quantitative aux importations au sens de l'article 28 CE, même si ladite loi charge le titulaire du monopole de vente au détail de fournir, et donc le cas échéant d'importer, sur demande, les boissons concernées, dans la mesure où les consommateurs, lorsqu'ils sollicitent les services du titulaire du monopole pour se procurer des boissons alcoolisées à importer, se trouvent confrontés à divers inconvénients qu'ils ne rencontreraient pas s'ils procédaient eux-mêmes à cette importation.

(cf. points 33-34, 36, disp. 2)

3. Une mesure nationale interdisant aux particuliers d'importer des boissons alcoolisées, ne peut pas être considérée comme étant justifiée, en vertu de l'article 30 CE, par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, dès lors qu'elle est inapte à réaliser l'objectif visant à limiter de manière générale la consommation d'alcool, dans la mesure où, selon la réglementation nationale, le consommateur peut toujours demander au titulaire du monopole de lui fournir ces produits, et qu'elle n'est pas proportionnée en vue de réaliser l'objectif visant à protéger les plus jeunes contre les méfaits de ladite consommation.

À cet égard, dès lors qu'une telle interdiction constitue une dérogation au principe de la libre circulation des marchandises, il appartient aux autorités nationales de démontrer qu'elle satisfait au principe de proportionnalité, c'est-à-dire qu'elle est nécessaire pour réaliser l'objectif invoqué, et que celui-ci ne pourrait pas être atteint par des interdictions ou des limitations de moins grande ampleur ou affectant de manière moindre le commerce intracommunautaire. Or, une interdiction d'importation qui s'applique à tous, indifféremment de l'âge, va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire au regard du but recherché visant à protéger les plus jeunes des méfaits de la consommation d'alcool.

(cf. point 45, 50-51, 58, disp. 3)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 juin 2007 (*)

«Libre circulation des marchandises – Articles 28 CE, 30 CE et 31 CE – Réglementation nationale portant interdiction pour les particuliers d’importer des boissons alcoolisées – Règle relative à l’existence et au fonctionnement du monopole suédois de commercialisation des boissons alcoolisées – Appréciation – Mesure contraire à l’article 28 CE – Justification par la protection de la santé et de la vie des personnes – Contrôle de proportionnalité»

Dans l’affaire C-170/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Högsta domstolen (Suède), par décision du 26 mars 2004, parvenue à la Cour le 6 avril 2004, dans la procédure

Klas Rosengren,

Bengt Morelli,

Hans Särman,

Mats Åkerström,

Åke Kempe,

Anders Kempe,

Mats Kempe,

Björn Rosengren,

Martin Lindberg,

Jon Pierre,

Tony Staf

contre

Riksåklagaren,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. P. Jann, président de la première chambre, faisant fonction de président, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, R. Schintgen, J. Klučka, présidents de chambre, M. J. N. Cunha Rodrigues, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, J. Malenovský (rapporteur), U. Lõhmus, E. Levits, A. Ó Caoimh et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. A. Tizzano, puis M. P. Mengozzi,

greffier: Mme C. Strömholm, puis M. J. Swedenborg, administrateurs,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2005,

considérant les observations présentées:

– pour MM. K. Rosengren, B. Morelli, H. Särman, M. Åkerström, Å. Kempe, A. Kempe, M. Kempe, B. Rosengren, M. Lindberg, J. Pierre et T. Staf, par M. C. von Quitzow, juris doktor, et Me U. Stigare, advokat,

– pour le gouvernement suédois, par M. A. Kruse et Mme K. Wistrand, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement finlandais, par Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement norvégien, par M. T. Nordby et Mme I. Djupvik, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par Mme L. Ström van Lier et M. A. Caeiros, en qualité d’agents,

– pour l’Autorité de surveillance AELE, par MM. N. Fenger et A. T. Andersen, en qualité d’agents,

ayant entendu M. l’avocat général Tizzano en ses conclusions à l’audience du 30 mars 2006,

vu l’ordonnance de réouverture de la procédure orale du 14 juin 2006 et à la suite de l’audience du 19 septembre 2006,

considérant les observations présentées:

– pour MM. K. Rosengren , B. Morelli, H. Särman, M. Åkerström, Å. Kempe, A. Kempe, M. Kempe, B. Rosengren, M. Lindberg, J. Pierre et T. Staf, par M. C. von Quitzow, juris doktor, et Me U. Stigare, advokat,

– pour le gouvernement suédois, par M. A. Kruse et Mme K. Wistrand, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement finlandais, par Mmes A. Guimaraes-Purokoski et E. Bygglin, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement norvégien, par M. T. Nordby ainsi que Mmes I. Djupvik et K. Fløistad, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par Mme L. Ström van Lier et M. A. Caeiros, en qualité d’agents,

– pour l’Autorité de surveillance AELE, par MM. N. Fenger et A. T. Andersen, en qualité d’agents,

ayant entendu M. l’avocat général Mengozzi en ses conclusions à l’audience du 30 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 28 CE, 30 CE et 31 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MM. K. Rosengren, B. Morelli, H. Särman, M. Åkerström, Å. Kempe, A. Kempe, M. Kempe, B. Rosengren, M. Lindberg, J. Pierre et T. Staf au Riksåklagaren (procureur du Royaume) au sujet de la saisie de caisses de vin qui auraient été importées en méconnaissance de la loi relative aux boissons alcoolisées (alkohollagen), du 16 décembre 1994 (SFS 1994, n° 1738, ci-après la «loi sur l’alcool»).

Le cadre juridique national

3 Dans son chapitre 1er, intitulé «Dispositions préliminaires», la loi sur l’alcool dispose qu’elle s’applique à la fabrication, à la commercialisation et à l’importation de boissons alcoolisées ainsi qu’au commerce de ces produits.

4 Aux termes de l’article 8 de ce chapitre 1er:

«[…] On entend par vente toute forme de mise à disposition de boisson contre paiement.

La vente au consommateur est appelée vente au détail ou, si elle vise la consommation sur place, un service dans le cadre de la restauration. Toute autre vente est désignée par l’expression de commerce de gros.»

5 Le chapitre 4 de la loi sur l’alcool, intitulé «Commerce de gros», dispose, à ses articles 1er et 2:

«Article 1er – Le commerce de gros de boissons spiritueuses, de vin ou de bière forte ne peut être pratiqué que par les personnes ayant reçu l’agrément d’entrepositaire ou enregistrées en tant que destinataire de marchandises de cette nature conformément aux articles 9 ou 12 de la loi relative à la taxe sur l’alcool [du 15 décembre 1994 (SFS 1994, n° 1564)]. Il s’ensuit que le droit de pratiquer le commerce de gros ne s’applique qu’à la boisson sur laquelle porte l’agrément d’entrepositaire ou l’enregistrement comme destinataire conformément aux dispositions de la loi relative à la taxe sur...

To continue reading

Request your trial
6 practice notes
  • Commission of the European Communities v Italian Republic.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 May 2009
    ...les mesures qui réduisent, autant que possible, un risque pour la santé publique (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2007, Rosengren e.a., C-170/04, Rec. p. I-4071, point 49), y compris, plus précisément, un risque pour l’approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité. 5......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 5 May 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 May 2022
    ...Rn. 90). 64 In diesem Sinne Urteile vom 20. Mai 1976, de Peijper (104/75, EU:C:1976:67, Rn. 15), vom 5. Juni 2007, Rosengren u. a. (C‑170/04, EU:C:2007:313, Rn. 39), vom 1. Juni 2010, Blanco Pérez und Chao Gómez (C‑570/07 und C‑571/07, EU:C:2010:300, Rn. 44), und vom 25. November 2021, Delf......
  • Commission of the European Communities v Italian Republic.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 December 2008
    ...Rec. p. I‑0000), apartado 32 y la jurisprudencia citada. 20 – Véanse en especial las sentencias de 5 de junio de 2007, Rosengren y otros (C‑170/04, Rec. p. I‑4071), apartado 43, así como Corporación Dermoestética, antes citada (apartado 35 y la jurisprudencia citada). 21 – Sentencia Corpora......
  • Apothekerkammer des Saarlandes and Others (C-171/07) and Helga Neumann-Seiwert (C-172/07) v Saarland and Ministerium für Justiz, Gesundheit und Soziales.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 December 2008
    ...Rec. p. I‑0000), apartado 32 y la jurisprudencia citada. 20 – Véanse en especial las sentencias de 5 de junio de 2007, Rosengren y otros (C‑170/04, Rec. p. I‑4071), apartado 43, así como Corporación Dermoestética, antes citada (apartado 35 y la jurisprudencia citada). 21 – Sentencia Corpora......
  • Request a trial to view additional results
5 cases
  • Commission of the European Communities v Italian Republic.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 May 2009
    ...les mesures qui réduisent, autant que possible, un risque pour la santé publique (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2007, Rosengren e.a., C-170/04, Rec. p. I-4071, point 49), y compris, plus précisément, un risque pour l’approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité. 5......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 5 May 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 May 2022
    ...Rn. 90). 64 In diesem Sinne Urteile vom 20. Mai 1976, de Peijper (104/75, EU:C:1976:67, Rn. 15), vom 5. Juni 2007, Rosengren u. a. (C‑170/04, EU:C:2007:313, Rn. 39), vom 1. Juni 2010, Blanco Pérez und Chao Gómez (C‑570/07 und C‑571/07, EU:C:2010:300, Rn. 44), und vom 25. November 2021, Delf......
  • Commission of the European Communities v Italian Republic.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 December 2008
    ...Rec. p. I‑0000), apartado 32 y la jurisprudencia citada. 20 – Véanse en especial las sentencias de 5 de junio de 2007, Rosengren y otros (C‑170/04, Rec. p. I‑4071), apartado 43, así como Corporación Dermoestética, antes citada (apartado 35 y la jurisprudencia citada). 21 – Sentencia Corpora......
  • Apothekerkammer des Saarlandes and Others (C-171/07) and Helga Neumann-Seiwert (C-172/07) v Saarland and Ministerium für Justiz, Gesundheit und Soziales.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 December 2008
    ...Rec. p. I‑0000), apartado 32 y la jurisprudencia citada. 20 – Véanse en especial las sentencias de 5 de junio de 2007, Rosengren y otros (C‑170/04, Rec. p. I‑4071), apartado 43, así como Corporación Dermoestética, antes citada (apartado 35 y la jurisprudencia citada). 21 – Sentencia Corpora......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT