Commission of the European Communities v Italian Republic.

JurisdictionEuropean Union
Date16 December 2008
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 16 décembre 2008 (1)

Affaire C‑531/06

Commission des Communautés européennes

contre

République italienne


«Manquement d’État – Articles 43 CE et 56 CE – Santé publique – Législation nationale en vertu de laquelle seuls des pharmaciens peuvent détenir et exploiter une pharmacie – Approvisionnement approprié de la population en médicaments – Distribution de produits pharmaceutiques – Pharmacies communales»





1. Par le présent recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en maintenant en vigueur:

– une législation qui réserve le droit d’exploiter une pharmacie de détail privée aux seules personnes physiques titulaires d’un diplôme de pharmacien et aux sociétés d’exploitation composées exclusivement d’actionnaires pharmaciens, et

– des dispositions législatives qui établissent l’impossibilité, pour les entreprises de distribution de produits pharmaceutiques, de prendre des participations dans les sociétés d’exploitation de pharmacies communales,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 56 CE.

2. Il convient, d’emblée, d’indiquer que le premier grief soulevé par la Commission est étroitement lié à la première question préjudicielle posée par le Verwaltungsgericht des Saarlandes (Allemagne) dans les affaires jointes Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07) et Neumann‑Seiwert (C‑172/07), pendantes devant la Cour, dans lesquelles nous présentons également des conclusions. Ce premier grief concerne, en substance, le problème de savoir si l’article 43 CE et/ou l’article 56 CE s’opposent à une disposition nationale qui prévoit que seuls des pharmaciens peuvent détenir et exploiter une pharmacie.

3. Pour les mêmes raisons que celles exposées dans le cadre de nos conclusions présentées dans les affaires précitées Apothekerkammer des Saarlandes e.a. et Neumann‑Seiwert, nous proposerons à la Cour de considérer que le premier grief soulevé par la Commission n’est pas fondé. Nous considérons, en effet, que les articles 43 CE et 48 CE ne s’opposent pas à une législation nationale en vertu de laquelle seuls des pharmaciens peuvent détenir et exploiter une pharmacie, dans la mesure où une telle législation est justifiée par l’objectif visant à garantir un approvisionnement approprié de la population en médicaments.

4. Nous suggérerons également à la Cour de déclarer le second grief non fondé.

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

5. L’article 43, premier alinéa, CE prohibe les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre. Selon l’article 43, second alinéa, CE, la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises.

6. En vertu de l’article 48, premier alinéa, CE, les droits instaurés par l’article 43 CE bénéficient également aux sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté européenne.

7. Selon l’article 46, paragraphe 1, CE, l’article 43 CE ne fait pas obstacle aux restrictions justifiées pour des raisons de santé publique.

8. Aux termes de l’article 47, paragraphe 3, CE, la libération progressive des restrictions à la liberté d’établissement, en ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, est subordonnée à la coordination de leurs conditions d’exercice dans les différents États membres. Toutefois, le Conseil de l’Union européenne et la Commission ont admis que l’effet direct des articles 43 CE et 49 CE, reconnu respectivement dans les arrêts Reyners (2) et van Binsbergen (3) à compter du 1er janvier 1970, date de la fin de la période de transition, valait également pour les professions de santé (4).

9. En outre, les activités médicales, paramédicales et pharmaceutiques ont fait l’objet de directives de coordination. Pour le domaine de la pharmacie, il s’agit, d’une part, de la directive 85/432/CEE du Conseil, du 16 septembre 1985, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certaines activités du domaine de la pharmacie (5), et, d’autre part, de la directive 85/433/CEE du Conseil, du 16 septembre 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres en pharmacie, et comportant des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement pour certaines activités du domaine de la pharmacie (6).

10. Ces deux directives ont été abrogées et remplacées par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (7). Aux termes du vingt‑sixième considérant de la directive 2005/36:

«La présente directive n’assure pas la coordination de toutes les conditions d’accès aux activités du domaine de la pharmacie et de leur exercice. La répartition géographique des officines, notamment, et le monopole de dispense de médicaments devraient continuer de relever de la compétence des États membres. La présente directive n’affecte pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui interdisent aux sociétés l’exercice de certaines activités de pharmacien ou soumettent cet exercice à certaines conditions.»

11. Par ailleurs, l’article 56, paragraphe 1, CE prévoit que, dans le cadre du chapitre 4 du traité CE consacré aux capitaux et aux paiements, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

12. Enfin, il convient de citer l’article 152, paragraphe 5, CE, aux termes duquel:

«L’action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des États membres en matière d’organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux. [...]»

B – Le droit national

13. En Italie, la loi n° 833, du 23 décembre 1978, a institué le Servizio Sanitario Nazionale (service national de santé). L’article 25, paragraphe 1, de cette loi dispose que les prestations de soins comprennent l’assistance des médecins généralistes, des médecins spécialistes, des infirmiers, des hôpitaux et des pharmacies.

14. Deux types de pharmacies coexistent en Italie, à savoir, d’une part, les pharmacies privées et, d’autre part, les pharmacies communales (8).

1. Le régime des pharmacies privées

15. L’article 4 de la loi n° 362, du 8 novembre 1991, portant sur une réorganisation du secteur pharmaceutique (ci‑après la «loi n° 362/1991»), prévoit, pour la détention d’une pharmacie, une procédure de concours organisée par les régions et les provinces, et réservée aux citoyens des États membres en possession de leurs droits civiques et politiques et inscrits à l’ordre professionnel des pharmaciens.

16. Aux termes de l’article 7 de la loi n° 362/1991:

«1. L’exploitation d’une pharmacie privée est réservée aux personnes physiques, conformément aux dispositions en vigueur, ainsi qu’aux sociétés de personnes et aux sociétés coopératives à responsabilité limitée.

2. Les sociétés visées au paragraphe 1 ont pour objet exclusif d’exploiter une pharmacie. Leurs actionnaires sont des pharmaciens inscrits à l’ordre [professionnel] des pharmaciens et possédant les qualifications prévues à l’article 12 de la loi n° 475, du 2 avril 1968, modifiée ultérieurement.

3. La direction de la pharmacie exploitée par la société est confiée à l’un des actionnaires qui en est responsable.

[…]

5. Chacune des sociétés mentionnées au paragraphe 1 peut exploiter une seule pharmacie et obtenir l’autorisation correspondante pour autant que la pharmacie soit située dans la province où la société a son siège légal.

6. Chaque pharmacien peut détenir une participation dans une seule société visée au paragraphe 1.

7. L’exploitation des pharmacies privées est réservée aux pharmaciens inscrits à l’ordre [professionnel] des pharmaciens de la province dans laquelle la pharmacie a son siège.»

17. Selon l’article 8 de la loi n° 362/1991:

1. La participation au capital des sociétés visées à l’article 7 […] est incompatible:

a) avec toute autre activité exercée dans le secteur de la production et de la distribution de médicaments ainsi que de la diffusion d’informations scientifiques sur les médicaments

[…]»

2. Le régime des pharmacies communales

18. L’article 12 de la loi n° 498, du 23 décembre 1992, remplacé par l’article 116 du décret législatif n° 267, du 18 août 2000, prévoit la possibilité pour les communes de constituer pour la gestion des pharmacies communales des sociétés par actions dont les actionnaires ne sont pas nécessairement des pharmaciens. Pour les pharmacies communales, la scission entre la détention de la pharmacie, qui reste dans le chef de l’entité locale, et la gestion, confiée à une société au capital majoritairement privé non composée exclusivement de pharmaciens, est donc autorisée.

19. Par un arrêt du 24 juillet 2003, la Corte costituzionale (Italie) a étendu aux sociétés d’exploitation de pharmacies communales l’interdiction d’exercer conjointement l’activité de distribution, prévue à l’article 8, paragraphe 1, sous a), de la loi n° 362/1991, qui s’appliquait jusqu’alors uniquement aux sociétés exploitant des pharmacies privées.

20. L’exercice conjoint des activités de distribution en gros de médicaments et de vente au public de médicaments en pharmacie a également été interdit par l’article 100, paragraphe 2, du décret n° 219, du 24 avril 2006.

21. Par ailleurs, le droit italien impose, tant pour les pharmacies privées que pour les pharmacies publiques, que la vente des médicaments ne soit confiée qu’aux pharmaciens. L’article 122 du...

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