European Commission v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
Date05 May 2011
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-267/09

Commission européenne

contre

République portugaise

«Manquement d’État — Libre circulation des capitaux — Articles 56 CE et 40 de l’accord EEE — Restrictions — Fiscalité directe — Contribuables non-résidents — Obligation de désigner un représentant fiscal»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur le revenu — Réglementation nationale imposant aux contribuables non-résidents la désignation d'un représentant fiscal

(Art. 56 CE; directive du Conseil 77/799)

2. Accords internationaux — Accord créant l'Espace économique européen — Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur le revenu — Réglementation nationale imposant aux contribuables non-résidents la désignation d'un représentant fiscal

(Accord EEE, art. 40; directives du Conseil 77/799 et 2008/55)

1. Si la garantie d'efficacité des contrôles fiscaux et la lutte contre l’évasion fiscale peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, une telle justification ne saurait être admise que si elle vise des montages purement artificiels dont le but est de contourner la loi fiscale, ce qui exclut toute présomption générale de fraude. Une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale ne saurait suffire à justifier une mesure fiscale qui porte atteinte aux objectifs du traité. Or, une obligation de désigner un représentant fiscal visant tous les contribuables non-résidents qui perçoivent des revenus pour lesquels est exigé la présentation d’une déclaration fiscale fait peser sur toute une catégorie de contribuables, en raison du seul fait qu’ils ne sont pas résidents, une présomption d’évasion ou de fraude fiscale qui ne peut à elle seule justifier l’atteinte portée aux objectifs du traité.

Une telle obligation constitue une restriction à la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 56 CE qui ne peut être regardée comme justifiée dès lors qu'elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un tel objectif et qu'il n'est pas établi que les mécanismes d'assistance mutuelle, dont dispose chaque État membre en vertu de la directive 77/799 concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, seraient insuffisants pour atteindre ce même objectif.

Par conséquent, manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56 CE un État membre qui maintient en vigueur une réglementation fiscale qui impose aux contribuables non-résidents de désigner un représentant fiscal dans cet État membre lorsqu'ils perçoivent des revenus pour lesquels est exigée la présentation d'une déclaration fiscale.

(cf. points 38, 42-43, 53, 61, disp. 1)

2. Si des restrictions à la libre circulation des capitaux entre ressortissants d’États parties à l’accord sur l'espace économique européen (EEE) doivent être appréciées au regard de l’article 40 et de l’annexe XII dudit accord, ces stipulations revêtent la même portée juridique que celle des dispositions, identiques en substance, de l’article 56 CE. Néanmoins, la jurisprudence relative aux restrictions à l’exercice des libertés de circulation au sein de l’Union ne saurait être intégralement transposée aux mouvements de capitaux entre les États membres et les États tiers, de tels mouvements s’inscrivant dans un contexte juridique différent.

Ainsi, si l'obligation de désignation d’un représentant fiscal à laquelle la législation d'un État membre soumet les non-résidents constitue une restriction non justifiée au regard de l'article 56 CE, cela ne signifie pas qu'une telle restriction ne puisse pas être justifiée au regard de l’article 40 de l’accord EEE.

En effet, dès lors que, d'une part, le cadre de coopération entre les autorités compétentes des États membres, établi par la directive 77/799, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, ainsi que par la directive 2008/55, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures, n'existe pas entre lesdites autorités des États membres et les autorités compétentes d'un État tiers, lorsque ce dernier n'a pris aucun engagement d'assistance mutuelle, et que, d'autre part, des conventions liant l'État membre en cause aux États appartenant à l'EEE et non membres de l'Union ne comportent effectivement pas des mécanismes d'échange d'informations suffisants pour vérifier et contrôler les déclarations présentées par les assujettis résidant dans ces derniers États, l'obligation de désignation d’un représentant fiscal, en ce qu’elle vise les contribuables résidant dans les États parties à l’accord EEE et non membres de l’Union, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visant à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et de la lutte contre l’évasion fiscale.

(cf. points 51-52, 54-57)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

5 mai 2011 (*)

«Manquement d’État – Libre circulation des capitaux – Articles 56 CE et 40 de l’accord EEE – Restrictions – Fiscalité directe – Contribuables non-résidents – Obligation de désigner un représentant fiscal»

Dans l’affaire C‑267/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 15 juillet 2009,

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et G. Braga da Cruz, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par:

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen, Mmes C. Toader et A. Prechal, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ayant adopté et maintenu en vigueur l’article 130 du code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Código do Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Singulares, ci‑après le «CIRS») qui impose aux contribuables non-résidents de désigner un représentant fiscal au Portugal, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE et 56 CE, ainsi que des articles correspondants de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).

Le cadre juridique

L’accord EEE

2 L’article 40 de l’accord EEE dispose:

«Dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres de [l’Union européenne] ou dans les États de l’[Association européenne de libre-échange (AELE)], ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites. Les dispositions nécessaires à l’application du présent article figurent à l’annexe XII.»

3 L’annexe XII de l’accord EEE, intitulée «Libre circulation des capitaux», fait référence à la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5). En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I de ladite directive.

La réglementation nationale

4 L’article 130 du CIRS est ainsi rédigé:

«Représentants

1. Les non-résidents percevant des revenus soumis à l’[impôt sur le revenu], de même que les résidents quittant le territoire national pour plus de six mois, sont tenus de désigner à des fins fiscales une personne physique ou morale, domiciliée ou établie au Portugal, chargée de les représenter auprès de la direction générale des impôts et de veiller à l’accomplissement de leurs obligations fiscales.

2. La désignation visée au paragraphe 1, qui s’effectue dans le cadre de la déclaration de début d’activité, de modifications ou d’immatriculation fiscale, doit mentionner expressément l’acceptation du représentant.

3. En cas de non-respect des dispositions du paragraphe 1, et indépendamment des sanctions applicables à l’espèce, il n’y a pas lieu de procéder aux notifications prévues par le présent code, sans préjudice de la possibilité pour les assujettis de prendre connaissance des éléments qui les concerneraient en s’adressant au service compétent.»

5 Le décret-loi n° 463/79, du 30 novembre 1979, dans sa rédaction applicable en l’espèce, dispose à ses articles 2 et 3:

«Article 2

1. Aux fins d’attribution du numéro d’identification fiscale, toutes les personnes physiques percevant des revenus soumis à l’impôt, même exonérées du paiement de cet impôt, sont tenues de s’inscrire auprès d’un centre des impôts ou d’un service d’assistance aux contribuables. À cette fin, elles lui remettent un formulaire dûment rempli conforme au modèle n° 1, accompagné du modèle n° 3 en cas de désignation d’un représentant fiscal par un contribuable non-résident […]

[…]

Article 3

[…]

5. En ce qui concerne les assujettis non-résidents ne percevant sur le territoire portugais que des revenus soumis à un prélèvement libératoire, l’inscription visée à l’article 2, paragraphe 1, est effectuée par les mandataires fiscaux moyennant présentation du formulaire type qui doit être adopté par arrêté du ministre des finances.»

6 Ce formulaire type a été adopté par...

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