Hristo Byankov v Glaven sekretar na Ministerstvo na vatreshnite raboti.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date04 October 2012
62011CJ0249

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 octobre 2012 ( *1 )

«Droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres — Directive 2004/38/CE — Article 27 — Mesure administrative d’interdiction de quitter le territoire national en raison du non-paiement d’une dette contractée à l’égard d’une personne morale de droit privé — Principe de la sécurité juridique au regard des actes administratifs devenus définitifs — Principes d’équivalence et d’effectivité»

Dans l’affaire C‑249/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie), par décision du 9 mai 2011, parvenue à la Cour le 19 mai 2011, dans la procédure

Hristo Byankov

contre

Glaven sekretar na Ministerstvo na vatreshnite raboti,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Ó Caoimh (rapporteur), A. Arabadjiev et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour la Commission européenne, par Mme C. Tufvesson et M. V. Savov, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu en combinaison avec les articles 20 TFUE et 21 TFUE, de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), ainsi que des articles 27, paragraphe 1, et 31, paragraphes 1 et 3, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Byankov au glaven sekretar na Ministerstvo na vatreshnite raboti (secrétaire général du ministère des Affaires intérieures) au sujet du refus de réouverture d’une procédure administrative et d’abrogation d’une mesure administrative d’interdiction de quitter le territoire prise à son encontre en raison du non-paiement d’une dette privée.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3

Le considérant 31 de la directive 2004/38 énonce que celle-ci respecte les droits et libertés fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus par la Charte.

4

Aux termes de son article 3, paragraphe 1, la directive 2004/38 s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille qui l’accompagnent ou le rejoignent.

5

L’article 4, paragraphe 1, de cette directive se lit comme suit:

«Sans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, tout citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité [...] [a] le droit de quitter le territoire d’un État membre en vue de se rendre dans un autre État membre.»

6

Sous le chapitre VI de ladite directive, intitulé «Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique», l’article 27, paragraphes 1 et 2, dispose:

«1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.»

7

Sous le même chapitre, l’article 31 de la directive 2004/38, intitulé «Garanties procédurales», prévoit:

«1. Les personnes concernées ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil pour attaquer une décision prise à leur encontre pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

[...]

3. Les procédures de recours permettent un examen de la légalité de la décision ainsi que des faits et circonstances justifiant la mesure envisagée. Elles font également en sorte que la décision ne soit pas disproportionnée [...]

[...]»

8

L’article 32, paragraphe 1, de cette directive, faisant également partie dudit chapitre VI, se lit comme suit:

«Les personnes faisant l’objet d’une décision d’interdiction du territoire pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique peuvent introduire une demande de levée de l’interdiction d’accès au territoire après un délai raisonnable, en fonction des circonstances, et en tout cas après trois ans à compter de l’exécution de la décision définitive d’interdiction qui a été valablement prise au sens du droit communautaire, en invoquant des moyens tendant à établir un changement matériel des circonstances qui avaient justifié la décision d’interdiction du territoire à leur encontre.

L’État membre concerné se prononce sur cette demande dans un délai de six mois à compter de son introduction.»

La réglementation bulgare

9

L’article 23, paragraphe 2, de la loi sur les pièces d’identité bulgares (Zakon za balgarskite litschni dokumenti, DV no 93, du 11 août 1998), dans sa version applicable à l’affaire au principal (DV no 105, du 22 décembre 2006, ci-après la «ZBLD»), prévoit que «[t]out ressortissant bulgare a le droit de quitter le pays avec une carte d’identité et d’y retourner avec celle-ci par les frontières internes de la République de Bulgarie avec les États membres de l’Union européenne ainsi que dans les cas prévus par des traités internationaux».

10

Le paragraphe 3 de cet article 23 poursuit en précisant que «[l]e droit visé au paragraphe 2 n’est pas limité sauf si la loi prévoit le contraire dans un but de protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé des citoyens ou des droits et libertés des autres citoyens».

11

L’article 76, paragraphe 3, de la ZBLD prévoit:

«Il peut être interdit de quitter le pays et de délivrer des passeports, ainsi que des documents de substitution à:

[...]

3. [...] des personnes qui ont contracté des dettes d’argent, d’un montant conséquent, envers des personnes physiques et morales bulgares ou étrangères, constatées par une décision de justice, à moins que leur patrimoine personnel ne couvre la dette, ou qu’elles soient en mesure de fournir une sûreté appropriée.»

12

En vertu des dispositions complémentaires de la ZBLD, un montant de plus de 5000 BGN est considéré comme «conséquent» au sens de l’article 76, paragraphe 3, de la ZBLD.

13

Cette dernière disposition a été abrogée par le paragraphe 62, point 3, de la loi portant modification et adjonction à la loi sur les pièces d’identité bulgares (DV no 82, du 16 octobre 2009), entrée en vigueur le 20 octobre 2009. Toutefois, le législateur bulgare n’a pas prévu l’abrogation d’office des mesures administratives coercitives infligées sur le fondement de l’article 76, paragraphe 3, de la ZBLD.

14

Figurant au chapitre 7 du code de procédure administrative (Administrativnoprotsesualen kodeks, ci-après l’«APK»), intitulé «Réouverture des procédures d’édiction d’actes administratifs», l’article 99 de ce code se lit comme suit:

«Un acte administratif individuel ou réglementaire devenu définitif qui n’a pas fait l’objet d’un recours contentieux peut être abrogé ou réformé par l’autorité administrative qui exerce les fonctions de supérieur hiérarchique immédiat, et si l’acte était insusceptible de recours administratif, par l’autorité qui l’a édicté, lorsque:

1.

Une des conditions de sa légalité a été violée de manière substantielle;

[...]

7.

Une violation de la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950] a été constatée par un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.»

15

Selon la décision de renvoi, l’article 99, paragraphe 1, de l’APK donne le pouvoir à l’organe administratif d’abroger un acte administratif devenu définitif lorsque l’une des conditions de sa légalité a été violée de manière substantielle. Toutefois, en vertu des articles 100 et 102, paragraphe 1, de l’APK, ce pouvoir ne peut être exercé que dans un délai d’un mois à compter de la date où l’acte concerné a été pris et à l’initiative de l’organe administratif ayant pris cet acte, du procureur concerné ou du médiateur.

16

En revanche, conformément à l’article 102, paragraphe 2, de l’APK, dans le cas de figure prévu à l’article 99...

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