Brahim Samba Diouf v Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration.

JurisdictionEuropean Union
Date28 July 2011
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-69/10

Brahim Samba Diouf

contre

Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le tribunal administratif (Luxembourg))

«Directive 2005/85/CE — Normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres — Notion de ‘décision concernant [la] demande d’asile’ au sens de l’article 39 de cette directive — Demande d’un ressortissant d’un pays tiers tendant à l’obtention du statut de réfugié — Absence de motifs justifiant l’octroi d’une protection internationale — Rejet de la demande dans le cadre d’une procédure accélérée — Absence de recours contre la décision de soumettre la demande à une procédure accélérée — Droit à un contrôle juridictionnel effectif»

Sommaire de l'arrêt

1. Contrôles aux frontières, asile et immigration — Politique d'asile — Procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres — Directive 2005/85 — Droit à un recours juridictionnel effectif

(Directive du Conseil 2005/85, art. 39, § 1)

2. Contrôles aux frontières, asile et immigration — Politique d'asile — Procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres — Directive 2005/85 — Droit à une protection juridictionnelle effective

(Directive du Conseil 2005/85, art. 23 et 39)

3. Contrôles aux frontières, asile et immigration — Politique d'asile — Procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres — Directive 2005/85 — Droit à une protection juridictionnelle effective

(Directive du Conseil 2005/85, art. 39)

4. Contrôles aux frontières, asile et immigration — Politique d'asile — Procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres — Directive 2005/85 — Droit à une protection juridictionnelle effective

(Directive du Conseil 2005/85, art. 39)

1. Il ressort du libellé de l’article 39, paragraphe 1, sous a), de la directive 2005/85, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, et, en particulier, des actes qui y sont énumérés de manière non exhaustive, que la notion de «décision concernant [la] demande» vise une série de décisions qui, parce qu’elles entraînent le rejet de la demande d’asile ou sont prises à la frontière, sont équivalentes à une décision définitive et négative au fond. Il en est de même des autres décisions que l’article 39, paragraphe 1, sous b) à e), de la directive 2005/85 soumet expressément au droit à un recours juridictionnel effectif. Partant, les décisions à l’encontre desquelles le demandeur d’asile doit disposer d’un recours en vertu de l’article 39, paragraphe 1, de la directive 2005/85 sont celles qui impliquent un rejet de la demande d’asile pour des raisons de fond ou, le cas échéant, pour des motifs de forme ou de procédure qui excluent une décision au fond. Il s’ensuit que les décisions préparatoires à la décision au fond ou les décisions d’organisation de la procédure ne sont pas visées par cette disposition.

Par ailleurs, interpréter le libellé de l’article 39 de la directive 2005/85 en ce sens qu’une «décision concernant [la] demande» désignerait toute décision en relation avec la demande d’asile et comme visant également les décisions préparatoires à la décision finale statuant sur la demande d’asile, ou les décisions d’organisation de la procédure, ne serait pas conforme à l’intérêt qui s’attache à la rapidité des procédures en matière de demandes d’asile. Cet intérêt à ce qu’une procédure en cette matière soit, conformément à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2005/85, menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif est, ainsi qu’il résulte du onzième considérant de cette directive, partagé tant par les États membres que par les demandeurs d’asile.

(cf. points 41-44)

2. L’article 39 de la directive 2005/85, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, et le principe de protection juridictionnelle effective doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle aucun recours autonome ne peut être introduit contre la décision de l’autorité nationale compétente d’examiner une demande d’asile dans le cadre d’une telle procédure accélérée, dès lors que les motifs qui ont conduit cette autorité à examiner le bien-fondé de ladite demande dans le cadre de cette procédure peuvent être effectivement soumis à un contrôle juridictionnel dans le cadre du recours dont la décision finale de rejet est susceptible de faire l’objet, ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier.

En effet, la décision concernant la procédure à appliquer pour l’examen de la demande d’asile, envisagée de manière autonome et indépendamment de la décision finale qui fait droit à cette demande ou la rejette, constitue un acte préparatoire à la décision finale statuant sur la demande. Dans ces conditions, l’absence de recours à ce stade de procédure ne constitue pas une violation du droit à un recours effectif, à condition, toutefois, que la légalité de la décision finale adoptée dans le cadre d’une procédure accélérée, et notamment les motifs qui ont conduit l’autorité compétente à rejeter la demande d’asile comme infondée, puissent faire l’objet d’un examen approfondi par le juge national, dans le cadre du recours contre la décision de rejet de ladite demande.

L’effectivité d'un tel recours ne serait pas assurée si, en raison de l’impossibilité d’exercer un recours contre la décision de l’autorité compétente d’examiner une demande d’asile dans le cadre d’une procédure accélérée, les motifs qui ont conduit cette autorité à examiner le bien-fondé de la demande dans le cadre d’une telle procédure ne pouvaient pas faire l’objet d’un tel contrôle, dès lors que ces motifs sont les mêmes que ceux qui ont conduit au rejet de la demande. Une telle situation rendrait impossible le contrôle de légalité de la décision, en fait et en droit. Il importe, par conséquent, que de tels motifs puissent être effectivement contestés ultérieurement devant le juge national et examinés par lui dans le cadre du recours dont la décision finale qui clôt la procédure relative à la demande d’asile est susceptible de faire l’objet. En effet, il ne serait pas compatible avec le droit de l’Union qu’une telle réglementation nationale puisse être interprétée en ce sens que les motifs qui ont conduit l’autorité administrative compétente à examiner la demande d’asile dans le cadre d’une procédure accélérée ne puissent faire l’objet d’aucun contrôle juridictionnel.

S'agissant de l'interprétation du droit national par le juge national, le principe d'interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence pour garantir la pleine effectivité de la directive 2005/85 et aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci. L’objectif de la directive 2005/85 consiste à établir un cadre commun des garanties permettant d’assurer le plein respect de la convention de Genève et des droits fondamentaux. Le droit à un recours effectif constitue un principe fondamental du droit de l’Union. Afin que l’exercice de ce droit soit effectif, il faut que le juge national puisse vérifier le bien-fondé des motifs qui ont conduit l’autorité administrative compétente à considérer la demande de protection internationale comme infondée ou abusive, sans que ceux-ci bénéficient d’une présomption irréfragable de légalité. C’est également dans le cadre de ce recours que le juge national saisi de l’affaire doit vérifier si la décision d’examiner une demande d’asile dans le cadre d’une procédure accélérée a été adoptée dans le respect des procédures et des garanties fondamentales prévues au chapitre II de la directive 2005/85, ainsi que le prévoit l’article 23, paragraphe 4, de celle-ci.

(cf. points 55-58, 60-61, 70 et disp.)

3. Lorsque, en vertu d'une réglementation nationale relative à la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié, le délai de recours contre la décision finale relative à une demande d'asile est de quinze jours dans l’hypothèse d’une procédure accélérée, alors qu’il est d’un mois dans le cas d’une décision adoptée en application de la procédure ordinaire, il importe que ce délai imparti soit matériellement suffisant pour préparer et former un recours effectif. S’agissant de procédures abrégées, un délai de recours de quinze jours ne semble pas, en principe, matériellement insuffisant pour préparer et former un recours effectif, et apparaît comme étant raisonnable et proportionné par rapport aux droits et aux intérêts en présence. Il incombe cependant au juge national, dans l’hypothèse où, dans une situation donnée, ce délai devait s’avérer insuffisant compte tenu des circonstances, de déterminer si cet élément serait de nature à justifier, à lui seul, qu’il soit fait droit au recours formé indirectement contre la décision des autorités nationales compétentes d’examiner une demande d’asile dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que, en faisant droit au recours, ledit juge ordonnerait que la demande soit examinée en application de la procédure ordinaire.

(cf. points 66-68)

4. La directive 2005/85, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, n’impose pas l’existence d’un double degré de juridiction. Seule importe l’existence d’un recours devant une instance juridictionnelle, garantie par l’article 39 de la directive 2005/85. Le principe de protection juridictionnelle effective ouvre au particulier un droit d’accès à un tribunal et non à plusieurs degrés de juridiction.

(cf. point 69)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

28 juillet 2011 (*)

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