Asturcom Telecomunicaciones SL v Cristina Rodríguez Nogueira.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 May 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 14 mai 2009 (1)

Affaire C‑40/08

Asturcom Telecomunicaciones SL

contre

Cristina Rodríguez Nogueira

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia n° 4 de Bilbao (Espagne)]

«Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Compétence d’un juge national, saisi d’un recours en exécution forcée, pour examiner d’office la question de la nullité de la convention d’arbitrage – Obligation de garantir l’effet utile de la directive lors de l’application du droit national»





I – Introduction

1. Dans la présente demande de décision préjudicielle, le Juzgado de Primera Instancia n° 4 de Bilbao, Espagne (ci-après le «tribunal de renvoi») a saisi la Cour d’une question préjudicielle relative à l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (2).

2. Il s’agit plus spécialement de la question de savoir si l’objectif de protection des consommateurs de ladite directive implique que le juge national, saisi d’un recours en exécution forcée, apprécie d’office la nullité de la convention d’arbitrage et, par conséquent, annule la sentence au motif que, selon lui, ladite convention d’arbitrage comporte une clause d’arbitrage abusive au détriment du consommateur.

II – Cadre normatif

A – Droit communautaire

3. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose:

«Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

4. L’article 6, paragraphe 1, de cette même directive est ainsi libellé:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

5. L’article 7, paragraphe 1, de la directive énonce ce qui suit:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

6. L’annexe de la directive contient une liste indicative de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Sont citées à ce titre, au point 1, sous q), les clauses ayant pour objet ou pour effet «de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat».

B – Droit national

7. En droit espagnol, la protection des consommateurs contre les clauses abusives a d’abord été assurée par la loi générale n° 26/2004 sur la protection des consommateurs et des usagers (Ley General 26/1984 para la Defensa de los Consumidores y Usarios), du 10 juillet 1984 (BOE n° 176 du 24 juillet 1984, ci‑après la «loi n° 26/1984»).

8. La loi n° 26/1984 a été modifiée par la loi n° 7/1998 sur les conditions générales des contrats (Ley 7/1998 sobre Condiciones Generales de la Contratación), du 13 avril 1998 (BOE n° 89, du 14 avril 1998, ci-après la «loi n° 7/1998»), qui a transposé la directive 93/13 dans le droit interne.

9. La loi n° 7/1998 a, en particulier, introduit dans la loi n° 26/1984 un article 10 bis, dont le paragraphe 1 dispose:

«Sont considérées comme abusives les stipulations n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elles créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. En tout état de cause, sont considérées comme clauses abusives les dispositions énoncées dans la première disposition additionnelle de la présente loi.

[…]

10. L’article 8 de la loi n° 7/1998 dispose:

«1. Sont nulles de plein droit les conditions générales qui, au préjudice de l’adhérent, contreviennent aux dispositions de la loi ou de toute autre règle impérative ou prohibitive, à moins que celles-ci ne sanctionnent différemment leur violation.

2. En particulier, sont nulles les conditions générales abusives dans les contrats conclus avec un consommateur, telles qu’elles sont définies, en tout état de cause, par l’article 10 bis et la première disposition additionnelle de la loi n° 26/1984 […]».

11. À la date des faits au principal, la procédure d’arbitrage était régie par la loi n° 60/2003 relative à l’arbitrage (Ley 60/2003 de Arbitraje), du 23 décembre 2003 (BOE n° 309, du 26 décembre 2003, ci-après la «loi n° 60/2003»).

12. L’article 8, paragraphes 4 et 5, de la loi n° 60/2003, est libellé comme suit:

«4. Le tribunal de première instance du lieu où la sentence a été rendue est compétent pour statuer sur l’exécution forcée de celle-ci, conformément à l’article 545, paragraphe 2, du code de procédure civile […]

5. Le recours en annulation de la sentence arbitrale est formé devant l’Audiencia Provincial du lieu où celle-ci a été prononcée».

13. L’article 22 de la loi n° 60/2003 dispose:

«1. Les arbitres sont compétents pour statuer sur leur propre compétence, y compris sur les exceptions relatives à l’existence ou à la validité de la convention d’arbitrage ou toute autre exception dont l’admission empêche l’examen au fond du litige. À cet effet, une convention d’arbitrage faisant partie d’un contrat est considérée comme une convention distincte des autres clauses du contrat. La décision des arbitres constatant la nullité du contrat n’emporte pas de plein droit la nullité de la convention d’arbitrage.

2. Les exceptions visées au paragraphe précédent doivent être soulevées au plus tard lors du dépôt des conclusions en défense, le fait pour une partie d’avoir désigné ou participé à la désignation des arbitres ne la privant pas du droit de soulever ces exceptions. L’exception prise de ce que la question litigieuse excéderait les pouvoirs des arbitres doit être soulevée dès que la question alléguée comme excédant leurs pouvoirs est soulevée pendant la procédure arbitrale».

14. L’article 40 de la loi n° 60/2003 est ainsi libellé:

«Une sentence définitive peut faire l’objet d’une action en annulation, conformément aux dispositions du présent titre».

15. L’article 41, paragraphe 1, de la loi n° 60/2003 contient les dispositions suivantes:

«1. La sentence ne peut être annulée que lorsque la partie qui demande l’annulation allègue et prouve:

a) que la convention d’arbitrage n’existe pas ou n’est pas valable;

b) qu’elle n’a pas été dûment informée de la désignation d’un arbitre ou de la procédure arbitrale ou qu’il lui a été impossible, pour toute autre raison, de faire valoir ses droits.

[…]

f) que la sentence est contraire à l’ordre public».

16. L’article 43 de la loi n° 60/2003 énonce:

«La sentence définitive produit les effets de l’autorité de la chose jugée et ne peut faire l’objet que d’un recours en révision, conformément aux dispositions du code de procédure civile (Ley de Enjuiciamento Civil) applicables aux décisions définitives.»

17. L’article 44 de la loi n° 60/2003 prévoit que l’exécution forcée des sentences arbitrales est régie par les dispositions du code de procédure civile et du titre VIII de cette même loi.

18. L’article 517, paragraphe 2, point 2, de la loi nº 1/2000 (code de procédure civile), du 7 janvier 2000 (BOE n° 7du 8 janvier 2000, ci-après la «loi n° 1/2000»), dispose que les sentences ou décisions arbitrales sont susceptibles d’exécution forcée.

19. L’article 556, paragraphe 1, de la loi n° 1/2000 confère au défendeur à l’exécution le droit de s’opposer à l’exécution, dans les dix jours qui suivent la notification de l’acte portant exécution.

20. L’article 559, paragraphe 1, de la loi n° 1/2000, énumère un certain nombre de vices de procédure que le défendeur à l’exécution peut opposer à l’exécution.

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

21. Le 24 mai 2004, Mme María Cristina Rodríguez Nogueira (ci-après également la «défenderesse à l’exécution») a conclu avec l’opérateur Asturcom Telecomunicaciones SL (ci-après «Asturcom») un contrat promotionnel concernant des terminaux de téléphonie mobile pour les particuliers. Ce contrat contenait une clause d’arbitrage qui soumettait tout litige relatif à l’exécution du contrat à l’arbitrage de l’Asociación Europea de Arbitraje de Derecho y Equidad (Association européenne de droit et d’équité, ci-après l’«AEADE»).

22. Aux termes de ce contrat, la défenderesse à l’exécution s’engageait notamment à garder son abonnement pendant une durée de 18 mois à partir de la date effective de raccordement et à avoir une consommation minimale de 6 euros par ligne. Simultanément, elle s’engageait à ne pas modifier les conditions convenues avec l’opérateur. Elle s’engageait à payer les factures et à ne pas renoncer à d’autres abonnements auprès du même opérateur. Par ailleurs, il était établi que, si le client ne respectait pas le contrat, il devait verser au fournisseur la somme de 300 euros par abonnement, le cas échéant, par voie d’une procédure pertinente.

23. Le 16 février 2004, Asturcom a présenté une demande d’arbitrage à l’AEADE, à Bilbao, contre la défenderesse à l’exécution pour non-respect du contrat, cette...

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