Commission of the European Communities v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
Date07 July 2005
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 7 juillet 2005 (1)

Affaire C-514/03

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume d’Espagne

«Liberté d’établissement (article 43 CE) et libre prestation des services (article 49 CE) – Services de sécurité privée – Condition de revêtir la forme d’une personne morale – Capital social minimal – Caution – Nombre minimal de collaborateurs – Exigence d’une autorisation préalable pour le personnel de sécurité – Reconnaissance des qualifications professionnelles (directives 89/48/CEE et 92/51/CEE)»





I – Introduction

1. Dans le cadre du présent recours en manquement, la Commission des Communautés européennes fait grief au Royaume d’Espagne de ce que ses dispositions législatives et réglementaires relatives aux entreprises de sécurité privée ne sont pas en conformité avec le principe de liberté d’établissement et celui de libre prestation des services ainsi qu’avec les dispositions communautaires en matière de reconnaissance réciproque des qualifications professionnelles.

2. Il s’agit en substance de savoir si on peut imposer aux entreprises étrangères de sécurité privée comme condition pour exercer leurs activités en Espagne d’être constituées sous la forme d’une personne morale, d’avoir un capital social minimum spécifique, de verser une caution et d’employer un nombre minimum de collaborateurs et de savoir si on peut exiger que le personnel d’une entreprise étrangère de sécurité privée obtienne une nouvelle autorisation spécifique en Espagne, même si ce personnel a déjà obtenu une autorisation comparable dans l’État membre d’établissement de cette entreprise.

3. La présente procédure est une suite de l’affaire C-114/97, dans laquelle le Royaume d’Espagne a déjà été condamné pour manquement concernant ses dispositions relatives aux entreprises de sécurité privée (2). Elle présente en outre sur le fond une connexité avec d’autres procédures en manquement relatives aux activités des entreprises de sécurité privée dans le cadre desquelles sont déjà intervenus des arrêts contre le Royaume de Belgique (3), la République italienne (4), la République portugaise (5) et le Royaume des Pays-Bas (6).

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. Le cadre juridique communautaire en l’espèce est constitué par les articles 43 CE et 49 CE ainsi que par la directive 92/51/CEE (7). La Commission s’appuie également sur la directive 89/48/CEE (8).

5. L’article 43, premier alinéa, CE dispose:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.»

6. L’article 49, premier alinéa, CE est libellé ainsi:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.»

7. Conformément à l’article 1er, sous c), de la directive 92/51 constitue une «‘attestation de compétence’: tout titre:

– qui sanctionne une formation ne faisant pas partie d’un ensemble constituant un diplôme au sens de la directive 89/48/CEE ou un diplôme ou un certificat au sens de la présente directive,

ou

– délivré à la suite d’une appréciation des qualités personnelles, des aptitudes ou des connaissances du demandeur, considérées comme essentielles pour l’exercice d’une profession par une autorité désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre, sans que la preuve d’une formation préalable ne soit requise».

8. En vertu de l’article 1er, sous e), de la directive 92/51, on entend par «‘profession réglementée’: l’activité ou l’ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un État membre».

9. L’article 1er, sous f), première phrase, de la directive 92/51 définit comme «‘activité professionnelle réglementée’: une activité professionnelle dont l’accès ou l’exercice, ou l’une des modalités d’exercice dans un État membre, est subordonné, directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d’un titre de formation ou d’une attestation de compétence».

B – Le droit national

10. La législation espagnole applicable aux services de sécurité privée se compose de la loi n° 23/1992, du 30 juillet 1992, sur la sécurité privée (Ley de Seguridad privada, ci-après la «loi sur la sécurité privée») (9) et du décret royal n° 2364/199 portant approbation du règlement sur la sécurité privée (Reglamento de Seguridad Privada, ci-après le «règlement sur la sécurité privée») (10).

11. L’article 5, paragraphe 1, de la loi sur la sécurité privée énumère limitativement les prestations de services qui peuvent être fournies par les entreprises de sécurité. Il s’agit des formes habituelles de protection des personnes et des biens.

12. En vertu de l’article 7 de la loi sur la sécurité privée, une entreprise qui veut fournir de telles prestations de services doit obtenir une autorisation sous la forme d’une inscription dans un registre tenu par le ministère de l’Intérieur.

13. Cette inscription est subordonnée entre autres conditions à celle que l’entreprise soit une société anonyme, une société à responsabilité limitée, une «sociedad anonima laboral» (11) ou une coopérative [article 7, paragraphe 1, sous a), de la loi sur la sécurité privée en liaison avec l’article 5 du règlement sur la sécurité privée].

14. L’annexe du règlement sur la sécurité privée impose en outre encore d’autres conditions aux entreprises qui veulent fournir des services de sécurité privée. D’une part, y sont énumérés, en fonction de la nature des activités exercées, différents montants minimums de capital social, lesquels sont de plus hiérarchisés pour certaines activités spécifiques selon l’ampleur du champ d’action géographique de l’entreprise. D’autre part, il faut justifier d’une caution dont le montant varie selon le type d’activité et le champ d’action géographique; cette caution doit être déposée entre les mains d’un organisme espagnol, la Caja General de Depósitos.

15. S’ajoute, pour les entreprises de sécurité privée qui veulent se consacrer au transport d’objets de valeur, d’objets dangereux ou d’explosifs, l’exigence de disposer d’un nombre minimal de vigiles et de véhicules blindés; parallèlement, il est prévu, dans le domaine de l’installation et la maintenance de systèmes d’alarme et de sécurité, un nombre minimal de techniciens et d’installateurs (voir l’annexe du règlement sur la sécurité privée).

16. Le personnel affecté à la sécurité des entreprises de sécurité privée doit obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur (article 10 de la loi sur la sécurité privée en liaison avec l’article 53 du règlement sur la sécurité privée). Les candidats à une telle autorisation doivent être majeurs, ne pas avoir atteint, le cas échéant, une limite d’âge fixée par des dispositions réglementaires et avoir réussi les épreuves requises attestant des connaissances et aptitudes nécessaires à l’exercice de leur fonction; ils doivent également posséder les aptitudes physiques et psychiques nécessaires à l’exercice de leur fonction.

17. En ce qui concerne l’activité de détective privé, l’article 54, point 5, sous c), du règlement sur la sécurité privée exige en outre que les personnes concernées soient en possession d’un diplôme spécial de détective privé (12), pour lequel il faut avoir suivi les cours et passé les examens visés par d’autres dispositions réglementaires prises par le ministère de la Justice et de l’Intérieur (13).

18. À l’origine, seules les entreprises espagnoles pouvaient exercer des activités de sécurité privée et le personnel de sécurité de ces entreprises devait être de nationalité espagnole (14). Cette disposition a toutefois été entre-temps modifiée (15). Désormais, il suffit d’être ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

19. Concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles, les dispositions législatives espagnoles applicables sont le décret royal nº 1665/1991 transposant en droit espagnol la directive 89/48 et le décret royal nº 1386/1995 transposant la directive 92/51. Ces deux décrets énumèrent les professions entrant dans leurs champs d’application respectifs. Les activités dans le domaine de la sécurité privée qui nous intéressent ici n’y sont toutefois pas énumérées.

III – Les faits et la procédure précontentieuse

20. La Commission avait, en raison de diverses dispositions de la loi et du règlement sur la sécurité privée, déjà en 1997, introduit contre le Royaume d’Espagne un recours en manquement qui a abouti à la condamnation du Royaume d’Espagne par la Cour (16). Dans cet arrêt, la Cour a notamment jugé que, en réservant l’octroi de l’autorisation d’exercer des activités de sécurité privée aux entreprises espagnoles et en posant comme condition à l’obtention d’une licence par le personnel de sécurité de ces entreprises d’être de nationalité espagnole, le Royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

21. En amont de la présente procédure, la Commission a fait savoir au gouvernement espagnol par lettre du 23 novembre 1999 que les dispositions législatives et réglementaires espagnoles applicables persistaient à violer le droit communautaire, notamment les articles 43 CE et 49 CE, ainsi que, concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles, les directives 89/48 et 92/51.

22. Ce faisant, la Commission soulevait essentiellement le fait que la...

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