Sporting Exchange Ltd v Minister van Justitie.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date03 June 2010

Affaire C-203/08

Sporting Exchange Ltd, agissant sous le nom de «Betfair»

contre

Minister van Justitie

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State)

«Article 49 CE — Restrictions à la libre prestation des services — Jeux de hasard — Exploitation de jeux de hasard par Internet — Réglementation réservant une autorisation à un opérateur unique — Renouvellement de l’autorisation sans mise en concurrence — Principe d’égalité de traitement et obligation de transparence — Application dans le domaine des jeux de hasard»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre prestation des services — Restrictions — Jeux de hasard

(Art. 49 CE)

2. Libre prestation des services — Restrictions — Jeux de hasard

(Art. 49 CE)

1. L’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui soumet l’organisation et la promotion des jeux de hasard à un régime d’exclusivité en faveur d’un seul opérateur et qui interdit à tout autre opérateur, y compris à un opérateur établi dans un autre État membre, de proposer, par Internet, sur le territoire du premier État membre, des services relevant dudit régime.

Le secteur des jeux de hasard offerts par Internet ne faisant pas l’objet d’une harmonisation au sein de l’Union européenne, un État membre est en droit de considérer que le seul fait qu’un opérateur propose légalement des services relevant de ce secteur par Internet dans un autre État membre, où il est établi et où il est en principe déjà soumis à des conditions légales et à des contrôles de la part des autorités compétentes de ce dernier État, ne constitue pas une garantie suffisante de protection des consommateurs nationaux contre les risques de fraude et de criminalité, eu égard aux difficultés susceptibles d’être rencontrées, dans un tel contexte, par les autorités de l’État membre d’établissement pour évaluer les qualités et la probité professionnelles des opérateurs. En outre, en raison du manque de contact direct entre le consommateur et l’opérateur, les jeux de hasard accessibles par Internet comportent des risques de nature différente et d’une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux en ce qui concerne d’éventuelles fraudes commises par les opérateurs contre les consommateurs. Ladite restriction peut donc, eu égard aux particularités liées à l’offre de jeux de hasard par Internet, être considérée comme justifiée par l’objectif de lutte contre la fraude et la criminalité.

(cf. points 33-34, 36-37, disp. 1)

2. L’article 49 CE doit être interprété en ce sens que le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence qui en découle sont applicables aux procédures d’octroi et de renouvellement d’agrément au profit d’un opérateur unique dans le domaine des jeux de hasard, pour autant qu’il ne s’agit pas d’un opérateur public dont la gestion est soumise à la surveillance directe de l’État ou d’un opérateur privé sur les activités duquel les pouvoirs publics sont en mesure d’exercer un contrôle étroit.

En l’état actuel du droit de l’Union, les contrats de concession de services ne sont régis par aucune des directives par lesquelles le législateur de l’Union a réglementé le domaine des marchés publics. Cependant, pour qu’un régime d’autorisation administrative préalable, tel que celui interdisant d'organiser ou de promouvoir des jeux de hasard sans cette autorisation et ne délivrant qu'un seul agrément pour chacun des jeux autorisés, soit justifié alors même qu’il déroge à une liberté fondamentale, il doit être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire. En outre, toute personne frappée par une mesure restrictive fondée sur une telle dérogation doit pouvoir disposer d’une voie de recours de nature juridictionnelle.

(cf. points 39, 43, 50, 62, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

3 juin 2010 (*)

«Article 49 CE – Restrictions à la libre prestation des services – Jeux de hasard – Exploitation de jeux de hasard par Internet – Réglementation réservant une autorisation à un opérateur unique – Renouvellement de l’autorisation sans mise en concurrence – Principe d’égalité de traitement et obligation de transparence – Application dans le domaine des jeux de hasard»

Dans l’affaire C‑203/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Raad van State (Pays-Bas), par décision du 14 mai 2008, parvenue à la Cour le 16 mai 2008, dans la procédure

Sporting Exchange Ltd, agissant sous le nom de «Betfair»,

contre

Minister van Justitie,

en présence de:

Stichting de Nationale Sporttotalisator,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), président de chambre, Mme P. Lindh, MM. A. Rosas, U. Lõhmus et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2009,

considérant les observations présentées:

– pour Sporting Exchange Ltd, agissant sous le nom de «Betfair», par Mes I. Scholten-Verheijen, O. Brouwer, A. Stoffer et J. Franssen, advocaten,

– pour la Stichting de Nationale Sporttotalisator, par Mes W. Geursen, E. Pijnacker Hordijk et M. van Wissen, advocaten,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels ainsi que par MM. M. de Grave et Y. de Vries, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par Mmes A. Hubert et L. Van den Broeck, en qualité d’agents, assistées de Me P. Vlaemminck, advocaat,

– pour le gouvernement danois, par M. J. Bering Liisberg et Mme V. Pasternak Jørgensen, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement grec, par Mmes M. Tassopoulou, Z. Chatzipavlou et A. Samoni-Rantou, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par M. F. Díez Moreno, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et P. Mateus Calado ainsi que par Mme A. Barros, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement finlandais, par Mme A. Guimaraes-Purokoski et M. J. Heliskoski, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement norvégien, par MM. P. Wennerås et K. Moen, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa, A. Nijenhuis et S. Noë, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 décembre 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Sporting Exchange Ltd, agissant sous le nom de «Betfair», établie au Royaume-Uni (ci-après «Betfair»), au Minister van Justitie (ministre de la Justice, ci-après le «Minister») au sujet du rejet par ce dernier, d’une part, de ses demandes en vue d’obtenir l’agrément pour l’organisation de jeux de hasard aux Pays-Bas et, d’autre part, des recours qu’elle a introduits contre les agréments accordés à deux autres opérateurs.

Le cadre juridique national

3 L’article 1er de la loi sur les jeux de hasard (Wet op de kansspelen, ci-après la «Wok») prévoit:

«Sous réserve des dispositions du titre Va de la présente loi, il est interdit:

a. de donner l’occasion de concourir pour des prix ou des lots si la désignation des gagnants se fait uniquement au hasard, les participants ne pouvant généralement exercer aucune influence prépondérante sur ce dernier, à moins qu’une autorisation n’ait été délivrée à cette fin au titre de la présente loi;

b. d’encourager la participation à une occasion visée au point a, offerte sans autorisation au titre de la présente loi, ou à une occasion similaire offerte en dehors du Royaume des Pays-Bas en Europe, ou d’avoir en réserve à cette fin des documents destinés à la publication ou à la diffusion; […]»

4 L’article 16, paragraphe 1, de la Wok est libellé comme suit:

«Le ministre de la Justice et le ministre du Bien-être, de la Santé publique et de la Culture peuvent octroyer à une personne ayant une personnalité juridique complète un agrément pour l’organisation de paris sportifs pour une durée qu’ils déterminent, dans le but de favoriser les intérêts d’institutions d’intérêt général, notamment dans le domaine du sport et de la culture physique, de la culture, des œuvres sociales et de la santé publique.»

5 L’article 23 de la Wok énonce:

«1. L’autorisation d’organiser des paris mutuels ne peut être accordée que conformément aux dispositions du présent titre.

2. On entend par ‘pari mutuel’ toute occasion offerte de parier sur les résultats des courses hippiques au trot ou au galop, étant entendu que le total des mises, sous réserve des déductions autorisées par la loi ou en vertu de celle-ci, sera redistribué entre les personnes qui ont parié sur le vainqueur ou l’un des vainqueurs.»

6 Aux termes de l’article 24 de la Wok, le ministre de l’Agriculture et de la Pêche et le ministre de la Justice peuvent accorder à une personne morale unique, dotée de la pleine capacité juridique, l’autorisation d’organiser des paris mutuels pour une durée qu’il leur appartient de déterminer.

7 L’article 25 de la Wok prévoit:

«1. Les ministres visés à l’article 24 assortissent l’autorisation d’organiser des paris mutuels de certaines conditions.

2. Ces conditions concernent notamment:

a. le nombre de courses hippiques au trot et au galop;

b. la mise maximale par personne;

c. le pourcentage retenu avant la répartition entre les gagnants des paris ainsi que l’affectation de ce pourcentage;

d. le contrôle de l’application devant être exercé par les autorités;

e. l’obligation de prévenir et de faire prévenir, dans la mesure du possible, les...

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