Nicolas Bressol and Others and Céline Chaverot and Others v Gouvernement de la Communauté française.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date13 April 2010

Affaire C-73/08

Nicolas Bressol e.a.
et
Céline Chaverot e.a.

contre

Gouvernement de la Communauté française

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Cour constitutionnelle (Belgique))

«Citoyenneté de l’Union — Articles 18 et 21 TFUE — Directive 2004/38/CE — Article 24, paragraphe 1 — Liberté de séjour — Principe de non-discrimination — Accès à l’enseignement supérieur — Étudiants ressortissants d’un État membre se rendant dans un autre État membre pour y suivre une formation — Contingentement des inscriptions d’étudiants non résidents à des formations universitaires dans le domaine de la santé publique — Justification — Proportionnalité — Risque pour la qualité de l’enseignement des matières médicales et paramédicales — Risque de pénurie de diplômés dans les secteurs professionnels de la santé publique»

Sommaire de l'arrêt

1. Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Directive 2004/38

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38, art. 24, § 1)

2. Droit communautaire — Principes — Égalité de traitement — Citoyenneté de l'Union européenne — Discrimination en raison de la nationalité

(Art. 18 TFUE et 21 TFUE)

3. Droit communautaire — Principes — Égalité de traitement — Citoyenneté de l'Union européenne — Discrimination en raison de la nationalité

(Art. 18 TFUE et 21 TFUE; pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 13, § 2, c))

1. La situation d'étudiants citoyens de l'Union, non considérés comme résidents par la réglementation de l'État membre d'accueil et ne pouvant, pour cette raison, s'inscrire à une formation de l'enseignement supérieur de cet État, peut être régie par l'article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, qui vise tout citoyen de l'Union qui séjourne sur le territoire de l'État membre d'accueil en vertu de cette directive.

Le fait que ces étudiants n'exercent, le cas échéant, aucune activité économique dans l'État membre d'accueil est sans pertinence, car la directive 2004/38 s'applique à tous les citoyens de l'Union indépendamment de la question de savoir si ces citoyens exercent, sur le territoire d'un autre État membre, une activité économique salariée ou une activité économique non salariée ou s'ils n'y exercent aucune activité économique.

(cf. points 34-36)

2. Les articles 18 et 21 TFUE s'opposent à une réglementation d'un État membre qui limite le nombre d'étudiants non considérés comme résidents de cet État pouvant s'inscrire pour la première fois dans les cursus médicaux et paramédicaux d'établissements de l'enseignement supérieur de ce même État, à moins que la juridiction nationale, ayant apprécié tous les éléments pertinents présentés par les autorités compétentes, ne constate que ladite réglementation s'avère justifiée au regard de l'objectif de protection de la santé publique.

En effet, une telle inégalité de traitement entre les étudiants résidents et les étudiants non-résidents constitue une discrimination fondée indirectement sur la nationalité à moins qu'elle ne puisse être justifiée par l'objectif visant à maintenir un service médical de qualité, équilibré et accessible à tous, dans la mesure où il contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé publique. À cet égard, il convient d'apprécier si la réglementation est propre à garantir la réalisation de cet objectif légitime et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, ce qu'il appartient au juge national de déterminer.

À cette fin, il lui incombe de vérifier, dans un premier temps, que de véritables risques pour la protection de la santé publique existent. Dans le cadre de cette appréciation, le juge national doit prendre en considération, tout d'abord, que le lien entre la formation des futurs professionnels de la santé et l'objectif visant à maintenir un service médical de qualité, équilibré et accessible à tous n'est qu'indirect et moins causal que le lien entre l'objectif de la santé publique et l'activité de professionnels de la santé déjà présents sur le marché. L'appréciation d'un tel lien dépend en effet notamment d'une analyse prospective qui doit extrapoler à partir de nombreux éléments aléatoires et incertains et tenir compte de l'évolution future du domaine de la santé concerné, mais aussi de l'analyse de la situation telle qu'elle se présente au départ. Ensuite, il doit tenir compte du fait que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou à l'importance de risques pour la protection de la santé publique sur son territoire, l'État membre peut prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la pénurie des professionnels de la santé se matérialise. Il doit en aller de même en ce qui concerne les risques pour la qualité de l'enseignement dans ce domaine. Cela étant, il incombe aux autorités nationales compétentes de démontrer que de tels risques existent effectivement sur la base d'une analyse objective, circonstanciée et chiffrée qui soit en mesure de démontrer, à l'aide de données sérieuses, convergentes et de nature probante, qu'il existe effectivement des risques pour la santé publique.

Dans un deuxième temps, si la juridiction nationale considère que de véritables risques pour la protection de la santé publique existent, cette juridiction doit apprécier, eu égard aux éléments fournis par les autorités compétentes, si la réglementation peut être considérée comme propre à garantir la réalisation de l'objectif de protection de la santé publique. Dans ce contexte, il lui appartient notamment d'évaluer si une limitation du nombre d'étudiants non-résidents est véritablement de nature à augmenter le nombre de diplômés prêts à assurer, à terme, la disponibilité du service de santé au sein de la communauté concernée.

Enfin, il incombe à la juridiction nationale d'apprécier, dans un troisième temps, si la réglementation ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif invoqué, et, en particulier, si l'objectif d'intérêt général invoqué ne pourrait être atteint par des mesures moins restrictives qui viseraient à encourager les étudiants accomplissant leurs études au sein de la communauté concernée à s'y installer au terme de leurs études ou qui viseraient à inciter les professionnels formés en dehors de cette communauté à s'installer au sein de cette dernière. De même, il lui appartient d'examiner si les autorités compétentes ont concilié, d'une manière appropriée, la réalisation dudit objectif avec les exigences découlant du droit de l'Union, et, notamment, avec la faculté pour les étudiants provenant d'autres États membres d'accéder aux études d'enseignement supérieur, cette faculté constituant l'essence même du principe de la libre circulation des étudiants.

(cf. points 62-64, 66, 69-71, 75-79, 82, disp. 1)

3. Les autorités compétentes d'un État membre ne sauraient se prévaloir de l'article 13, paragraphe 2, sous c), du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, s'il est constaté, par une juridiction nationale, qu'une réglementation de cet État membre régulant le nombre d'étudiants dans certains cursus de premier cycle de l'enseignement supérieur n'est pas compatible avec les articles 18 et 21 TFUE.

En effet, il ressort du libellé de l'article 13, paragraphe 2, sous c), du pacte que celui-ci poursuit en substance le même but que les articles 18 et 21 TFUE, à savoir garantir le principe de non-discrimination dans l'accès à l'enseignement supérieur. Ceci est confirmé par l'article 2, paragraphe 2, du pacte, selon lequel les États parties au pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés soient exercés sans discrimination aucune fondée, notamment, sur l'origine nationale. En revanche, l'article 13, paragraphe 2, sous c), du pacte n'exige pas d'un État partie, ni d'ailleurs n'autorise celui-ci, à garantir un accès large à un enseignement supérieur de qualité à ses seuls ressortissants.

(cf. points 86-88, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

13 avril 2010 (*)

«Citoyenneté de l’Union – Articles 18 et 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Article 24, paragraphe 1 – Liberté de séjour – Principe de non-discrimination – Accès à l’enseignement supérieur – Étudiants ressortissants d’un État membre se rendant dans un autre État membre pour y suivre une formation – Contingentement des inscriptions d’étudiants non résidents à des formations universitaires dans le domaine de la santé publique – Justification – Proportionnalité – Risque pour la qualité de l’enseignement des matières médicales et paramédicales – Risque de pénurie de diplômés dans les secteurs professionnels de la santé publique»

Dans l’affaire C‑73/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Cour constitutionnelle (Belgique), par décision du 14 février 2008, parvenue à la Cour le 22 février 2008, dans la procédure

Nicolas Bressol e.a.,

Céline Chaverot e.a.

contre

Gouvernement de la Communauté française,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, Mmes R. Silva de Lapuerta et C. Toader, présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Schiemann, J. Malenovský (rapporteur), T. von Danwitz, A. Arabadjiev et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mars 2009,

considérant les observations présentées:

– pour M. Bressol e.a., par Mes M. Snoeck et J. Troeder, avocats,

– pour Mme Chaverot e.a., par Mes J. Troeder et M. Mareschal, avocats,

– pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agent...

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