Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 7 March 2019.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date07 March 2019
62018CC0022

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 7 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑22/18

TopFit eV

Daniele Biffi

contre

Deutscher Leichtathletikverband eV

[demande de décision préjudicielle formée par l’Amtsgericht Darmstadt (tribunal de district de Darmstadt, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement – Citoyenneté de l’Union européenne – Articles 18, 21, 49 et 165 TFUE – Discrimination fondée sur la nationalité – Règle retirant à un citoyen de l’Union établi dans un État membre d’accueil le droit de participer aux championnats nationaux d’athlétisme dans la catégorie des plus de 35 ans sur un pied d’égalité avec les ressortissants de cet État membre – Possibilité de participer “sans classement” excluant le classement des ressortissants étrangers dans toutes les catégories d’âge – Absence de période transitoire pour les citoyens de l’Union déjà établis dans l’État membre au moment où la règle a été modifiée – Effet horizontal de la liberté d’établissement – Restriction – Justification – Proportionnalité »

1.

M. Daniele Biffi, ressortissant italien et second requérant au principal, réside en Allemagne depuis 2003. Il y exerce une activité de coach et d’entraîneur personnel d’athlétisme. Durant l’audience, il a été précisé qu’il dispose de son propre site Internet afin de promouvoir ses services ( 2 ). M. Biffi est très impliqué dans les compétitions d’athlétisme en tant qu’amateur dans la catégorie des plus de 35 ans. Il est établi en Allemagne avec sa famille.

2.

En 2012, M. Biffi a renoncé à son droit de participation au titre de la fédération italienne d’athlétisme amateur. De 2012 à 2016, en tant que ressortissant italien résidant en Allemagne et affilié depuis plus d’un an à un club d’athlétisme à Berlin, à savoir TopFit eV (la première partie requérante dans la procédure au principal), il a pu concourir pour le titre de « champion national » dans sa catégorie d’âge et ses classements étaient enregistrés. Ses différents succès, en termes de titres et de classements, sont mentionnés sur son site Internet ( 3 ).

3.

La Deutscher Leichtathletikverband eV (fédération allemande d’athlétisme, ci-après la « DLV »), défenderesse au principal et association de droit privé, a modifié sa réglementation en 2016. Elle réserve ainsi aux ressortissants allemands le droit de participer aux compétitions pour le titre de « champion national » dans toutes les catégories d’âge. En vertu de la nouvelle règle, les athlètes qui se trouvent dans la situation de M. Biffi peuvent participer aux championnats nationaux, mais uniquement « sans classement ». Il n’est donc pas possible de leur attribuer un classement dans les compétitions individuelles (par exemple, la première, deuxième ou troisième place) ni le titre de « champion national ». La nouvelle règle ne s’oppose toutefois pas à ce qu’ils participent à d’autres compétitions organisées par la DLV, comme celles qui sont organisées au niveau régional.

4.

TopFit et M. Biffi ont contesté cette nouvelle règle devant l’Amtsgericht Darmstadt (tribunal de district de Darmstadt, Allemagne), qui a demandé à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur trois questions. Ces questions portent sur l’interdiction de la discrimination exercée en raison de la nationalité (article 18 TFUE), sur le droit des citoyens de l’Union « de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres » (article 21, paragraphe 1, TFUE) ainsi que sur l’obligation pour l’Union de « contribue[r] à la promotion des enjeux européens du sport » (article 165, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE) et de prendre des mesures afin de développer la dimension européenne du sport (article 165, paragraphe 2, TFUE).

5.

Je suis parvenu à la conclusion que, essentiellement parce qu’elle n’a pas prévu de règle transitoire tenant compte des droits acquis de citoyens de l’Union tels que M. Biffi qui, après avoir exercé leur droit de circuler et de séjourner librement dans un État membre d’accueil ( 4 ), avaient déjà acquis le droit d’y participer aux compétitions sur un pied d’égalité avec les ressortissants de cet État membre, la DLV a agi d’une manière incompatible avec les droits de libre circulation que M. Biffi tire du droit de l’Union, et plus particulièrement avec la liberté d’établissement au titre de l’article 49 TFUE. Dans ces circonstances, la restriction imposée par la DLV est disproportionnée.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6.

L’article 18, premier alinéa, TFUE dispose :

« Dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. »

7.

L’article 21, paragraphe 1, TFUE dispose :

«Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. »

8.

L’article 49, premier alinéa, TFUE dispose :

« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. […] »

9.

L’article 165, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE dispose :

« L’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative. »

10.

L’article 165, paragraphe 2, TFUE est ainsi libellé :

« L’action de l’Union vise :

[…]

à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux. »

11.

L’article 165, paragraphe 3, TFUE dispose :

« L’Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière d’éducation et de sport, et en particulier avec le Conseil de l’Europe. »

B. Le droit allemand

12.

L’article 5.2.1 de la Deutsche Leichtathletikordnung (règlement allemand sur l’athlétisme) est ainsi rédigé :

« Tous les championnats sont en principe ouverts à tous les athlètes qui ont la nationalité allemande et un droit valide de participation au titre d’une association ou communauté d’athlètes allemande. »

13.

L’article 5.2.2 du règlement allemand sur l’athlétisme, qui a été supprimé par la partie défenderesse le 17 juin 2016, disposait :

« Les citoyens de l’Union ont le droit de participer à des championnats allemands s’ils disposent d’un droit de participation au titre d’une association ou communauté d’athlètes allemande et que ce droit existe depuis un an. »

14.

Après le 17 juin 2016, la règle suivante (ci-après la « règle attaquée ») était applicable ( 5 ) :

« Conformément à l’article 5.2.4 du règlement allemand sur l’athlétisme, les étrangers qui possèdent un droit de participation au titre d’une fédération nationale peuvent se voir accorder une autorisation de participation hors classement, lorsque le président du comité fédéral ou l’organisateur autorise ladite participation en amont de la manifestation sportive. Les détails concernant la participation hors classement sont prévus par la disposition nationale relative à la règle 142.1 des règles de compétition internationales» ( 6 ).

II. Les faits au principal et les questions préjudicielles

15.

M. Biffi est né en 1972. Comme il a été indiqué plus haut, il est de nationalité italienne, vit en Allemagne depuis 2003 et a participé aux championnats allemands depuis 2012 au moins, après avoir renoncé au droit de participation qu’il détenait au titre de la fédération italienne d’athlétisme. Il exerce une activité économique de coach sportif et d’entraîneur personnel. Il participe principalement à des compétitions de course à pied sur des distances de 60, 100, 200 et 400 mètres et, entre 2012 et 2016, il a participé régulièrement et avec succès aux compétitions sur un pied d’égalité avec les ressortissants allemands.

16.

En sa qualité de membre de TopFit, M. Biffi détient un droit de participation conformément au règlement allemand sur l’athlétisme. TopFit est à son tour membre de la Berliner Leichtathletik-Verband (Association d’athlétisme de Berlin), une fédération d’athlétisme régionale, elle-même membre de la DLV. Cette dernière est la fédération suprême au niveau fédéral regroupant les fédérations allemandes d’athlétisme ; elle organise les championnats nationaux d’athlétisme aussi bien pour les jeunes athlètes dans le cadre du sport d’élite que pour les athlètes dits « seniors » de la catégorie des « plus de 35 ans », qui relève du sport de masse.

17.

L’article 1er, première phrase, du règlement allemand sur l’athlétisme prévoit que les membres de toutes les associations des fédérations des Länder peuvent participer aux compétitions d’athlétisme conformément aux dispositions de ce même règlement.

18.

Le 17 juin 2016, le conseil de la DLV a modifié ce règlement en ce sens que les ressortissants de l’Union disposant d’un droit de participation valide au titre d’une association ou communauté d’athlètes allemande depuis un an, ne peuvent plus participer aux championnats nationaux sur la même base qu’auparavant (voir points 3 et 14 des présentes conclusions). La décision de renvoi précise également que la défenderesse a justifié sa décision en affirmant que le...

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