Rijksdienst voor Pensioenen v Robert Engelbrecht.

JurisdictionEuropean Union
Date04 May 1999
CourtCourt of Justice (European Union)
EUR-Lex - 61997C0262 - FR 61997C0262

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 4 mai 1999. - Rijksdienst voor Pensioenen contre Robert Engelbrecht. - Demande de décision préjudicielle: Arbeidshof Antwerpen - Belgique. - Sécurité sociale - Libre circulation des travailleurs - Pension de retraite - Majoration pour conjoint à charge - Articles 12 et 46 bis du règlement (CEE) nº 1408/71 - Cumul de pensions accordées au titre de la législation d'Etats membres différents. - Affaire C-262/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-07321


Conclusions de l'avocat général

1 Par les questions qu'il vous adresse, l'Arbeidshof te Antwerpen (Belgique) vous invite à préciser la portée de votre arrêt Van Munster (1). Celui-ci concernait les difficultés rencontrées, au regard de leurs droits à pension du fait de leur conjoint inactif, par les ressortissants communautaires soumis aux législations belge et néerlandaise en la matière.

Le cadre juridique

La législation belge

2 L'article 3, paragraphe 1, de la loi du 20 juillet 1990 (2) dispose que le droit à une pension de retraite est acquis, par année civile, à raison d'une fraction des rémunérations brutes réelles, fictives et forfaitaires. Ces rémunérations sont prises en considération à concurrence de 75 %, si le conjoint du travailleur a cessé toute activité professionnelle et ne jouit d'aucune pension de retraite ou prestation en tenant lieu («taux de ménage»), et à concurrence de 60 % dans les autres cas («taux d'isolé»).

3 Par dérogation à ces principes, l'article 3, paragraphe 8, de la même loi prévoit que, lorsqu'un conjoint perçoit une pension de retraite - ou une prestation - dont le montant est inférieur à la différence entre la pension au taux de ménage et la pension au taux d'isolé de l'autre conjoint, ce dernier bénéficie du droit à une pension de retraite au taux de ménage. Toutefois, dans ce cas, la pension - ou la prestation - du premier conjoint est déduite de celle du second.

La législation néerlandaise

4 En vertu de l'Algemene Ouderdomswet (loi générale sur l'assurance vieillesse, ci-après l'«AOW») (3), toute personne qui réside aux Pays-Bas entre sa quinzième et sa soixante-cinquième année est obligatoirement assurée au régime d'assurance vieillesse. Dans certains cas, l'AOW permet également aux non-résidents de s'affilier volontairement audit régime.

5 Jusqu'en 1985, l'AOW était, comme la législation belge, fondée sur le principe du soutien de famille. Elle n'accordait qu'à l'homme marié un droit à une pension de vieillesse à concurrence de 100 % du salaire minimal légal net. L'épouse n'acquérait de droit à une pension personnelle - égale à 50 % du salaire minimal net - qu'à partir de l'âge de 65 ans et à la suite du décès de son mari.

6 En 1985, le législateur néerlandais a modifié sa loi (4) de manière à garantir l'égalité de traitement entre hommes et femmes, conformément à la directive 79/7/CEE (5).

7 Dans sa version entrée en vigueur le 1er avril 1985, l'AOW accorde à toute personne mariée, lorsqu'elle atteint l'âge de 65 ans, un droit à une pension personnelle correspondant à 50 % du salaire minimal net. Lorsqu'un des conjoints est inactif et n'a pas encore atteint l'âge de 65 ans, l'autre conjoint perçoit, outre sa pension personnelle, un supplément qui peut également atteindre 50 % du salaire minimal net. Lorsque le conjoint inactif atteint l'âge de 65 ans, le montant qu'il perçoit au titre de sa pension personnelle est déduit de celui que percevait l'autre conjoint, de sorte que les ressources globales du ménage restent inchangées.

La réglementation communautaire

8 L'article 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n_ 1408/71 (6), dans sa version résultant du règlement (CEE) n_ 2001/83 (7), énonçait:

«Les clauses de réduction ... prévues par la législation d'un État membre en cas de cumul d'une prestation avec d'autres prestations de sécurité sociale ou avec d'autres revenus sont opposables au bénéficiaire, même s'il s'agit de prestations acquises au titre de la législation d'un autre État membre ou de revenus obtenus sur le territoire d'un autre État membre. Toutefois, il n'est pas fait application de cette règle lorsque l'intéressé bénéficie de prestations de même nature d'invalidité, de vieillesse, de décès (pensions) ou de maladie professionnelle qui sont liquidées par les institutions de deux ou plusieurs États membres, conformément aux dispositions des articles 46, 50 et 51 ou de l'article 60, paragraphe 1, sous b).»

9 Cet article a été modifié par le règlement (CEE) n_ 1248/92 (8) entré en vigueur le 1er juin 1992. Il se lit à présent comme suit:

«A moins qu'il n'en soit disposé autrement dans le présent règlement, les clauses de réduction ... prévues par la législation d'un État membre en cas de cumul d'une prestation avec d'autres prestations de sécurité sociale ou avec d'autres revenus de toute nature sont opposables au bénéficiaire, même s'il s'agit de prestations acquises au titre de la législation d'un autre État membre ou de revenus obtenus sur le territoire d'un autre État membre.»

10 En outre, le règlement n_ 1248/92 a inséré, dans le règlement n_ 1408/71, un article 46 bis qui dispose:

«1. Par cumul de prestations de même nature, il y a lieu d'entendre au sens du présent chapitre: tous les cumuls de prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants calculées ou servies sur la base des périodes d'assurance et/ou de résidence accomplies par une même personne.

2. Par cumul de prestations de nature différente, il y a lieu d'entendre au sens du présent chapitre: tous les cumuls de prestations qui ne peuvent être considérées de même nature au sens du paragraphe 1.

3. Pour l'application des clauses de réduction ... prévues par la législation d'un État membre en cas de cumul d'une prestation d'invalidité, de vieillesse ou de survivants avec une prestation de même nature ou une prestation de nature différente ou avec d'autres revenus, les règles suivantes sont applicables:

...

c) il n'est pas tenu compte du montant des prestations acquises au titre de la législation d'un autre État membre qui sont servies sur la base d'une assurance volontaire ou facultative continue;

...»

L'arrêt Van Munster

11 L'arrêt Van Munster, précité, portait sur la compatibilité avec le droit communautaire de la législation belge en vigueur à l'époque (9).

12 Les faits à l'origine du litige méritent d'être rappelés.

13 M. Van Munster avait exercé une activité salariée en Belgique et aux Pays-Bas. Son épouse, plus jeune, était inactive. A l'âge de 65 ans, il a obtenu une pension belge au taux de ménage ainsi qu'une pension néerlandaise sur la base de 100 % du salaire minimal net. Lorsque son épouse a atteint l'âge de 65 ans, elle a obtenu une pension néerlandaise personnelle calculée sur la base de 50 % du salaire minimal net. Corrélativement, M. Van Munster s'est vu retirer la majoration de pension qui lui avait été attribuée jusque-là, de sorte que les ressources globales du ménage n'ont pas augmenté.

14 Toutefois, au regard de la législation belge, Mme Van Munster avait commencé à bénéficier d'un «avantage tenant lieu» de pension de retraite (10). En conséquence, les autorités belges ont réduit la pension de son époux en convertissant le taux de ménage en taux d'isolé. Saisie du recours introduit par M. Van Munster contre la décision opérant cette réduction, la juridiction nationale vous a invités à examiner deux questions.

15 La première question portait sur la compatibilité de la législation belge avec le droit communautaire. A cet égard, vous avez constaté que «la disposition litigieuse de la législation belge s'applique indistinctement aux nationaux et aux ressortissants des autres États membres. Elle ne saurait donc être considérée comme constituant en elle-même une entrave à la libre circulation des travailleurs» (11). Vous en avez conclu que les articles 48 à 51 du traité CEE ne s'opposaient pas à cette disposition (12).

16 La seconde question portait sur l'application concrète de la disposition litigieuse à une situation telle que celle des époux Van Munster.

17 Après avoir souligné les spécificités de cette situation (13), vous avez rappelé que «le but des articles 48 à 51 du traité ne serait pas atteint si, par suite de l'exercice de leur droit à la libre circulation, les travailleurs migrants devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure la législation d'un État membre. Une telle conséquence pourrait en effet dissuader le travailleur communautaire d'exercer son droit à la libre circulation et constituerait, dès lors, une entrave à cette liberté...» (14). Vous avez constaté que: «En l'espèce ... l'application d'une législation nationale au travailleur migrant, opérée de la même façon qu'au travailleur sédentaire, produit des répercussions imprévues et peu compatibles avec le but des articles 48 à 51 du traité, liées précisément au fait que les droits à pension du travailleur migrant sont régis par deux législations différentes» (15).

18 Ensuite, vous avez défini les obligations incombant aux autorités compétentes face à une telle divergence de législations. Vous avez souligné que «le principe de coopération loyale énoncé à l'article 5 du traité CEE oblige les autorités compétentes des États membres à mettre en oeuvre tous les moyens dont elles disposent pour réaliser le but de l'article 48 du traité» (16) et que «Cette obligation implique que ces autorités vérifient si leur législation peut être appliquée littéralement au travailleur migrant et de la même manière qu'à un travailleur sédentaire, sans que cette application débouche sur la perte d'un avantage de sécurité sociale pour ce travailleur migrant et qu'elle soit dès lors de nature à le dissuader d'exercer effectivement son droit à la libre circulation» (17). A l'intention de la juridiction nationale, vous avez indiqué, par référence à votre jurisprudence antérieure...

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