Commission of the European Communities v United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.

JurisdictionEuropean Union
Date14 December 2004
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

MME CHRISTINE STIX-HACKL

présentées le 14 décembre 2004 (1)

Affaire C-33/03

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

«Manquement d'un État membre – Articles 17, paragraphe 2, sous a), et 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive TVA 77/388/CEE – Réglementation nationale qui autorise un employeur à déduire la taxe versée en amont sur le remboursement des frais de carburant de ses salariés»





I – Introduction

1. Par le présent recours, la Commission demande à faire constater que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord a manqué à ses obligations au titre du traité CE en accordant, en violation des articles 17 et 18 de la sixième directive 77/388/CEE (2) (ci-après la «sixième directive») le droit de déduire la TVA pour certaines livraisons de carburant à des non-assujettis.

2. Cette affaire soulève en particulier la question de savoir si la réglementation britannique relative à la TVA en vertu de laquelle un employeur a le droit de procéder à la déduction de la taxe versée en amont à l'égard des remboursements effectués pour le carburant fourni à ses salariés est comparable à la réglementation néerlandaise de déduction que la Cour, dans son arrêt du 8 novembre 2001, Commission/Pays-Bas (3), a jugée incompatible avec les articles 17, paragraphe 2, sous a), et 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

II – Cadre juridique

A – La réglementation communautaire

3. L'article 4 de la sixième directive dispose entre autres:

«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

[…]

4. Le terme ‘d'une façon indépendante’ utilisé au paragraphe 1 exclut de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l'employeur.

[…]»

4. L'article 17 de la sixième directive intitulé «Naissance et étendue du droit à déduction» dispose entre autres au paragraphe 2, sous a):

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».

5. L'article 18 de la sixième directive intitulé «Modalités d'exercice du droit à déduction» prévoit entre autres:

«1. Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l'assujetti doit:

a) pour la déduction visée à l'article 17 paragraphe 2 sous a), détenir une facture établie conformément à l'article 22 paragraphe 3;

[…]

3. Les États membres fixent les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n'a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2.

[…]»

6. L'article 22, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive dispose entre autres:

«Tout assujetti doit délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non-assujettie […]

De même, tout assujetti doit délivrer une facture pour les acomptes qui lui sont versés par un autre assujetti avant que la livraison ne soit effectuée ou que la prestation de services ne soit achevée.»

7. L'article 22, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive dispose:

«Les États membres fixent les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture.»

B – La réglementation nationale

8. Les articles 2 et 3 du VAT (Input Tax) (Person Supplied) Order 1991 (ci-après l’«arrêté relatif à la TVA de 1991») entré en vigueur le 1er décembre 1991 prévoient à l'égard du remboursement des frais de carburant par un assujetti:

«2. L'article 3 s'applique lorsque du carburant est fourni à une personne qui n'est pas un assujetti et qu'un assujetti paie à ladite personne:

a) le coût qu'elle a effectivement supporté pour le carburant; ou

b) un montant dont tout ou partie avoisine le coût du carburant, qui lui est versé pour lui rembourser ce coût et qui est déterminé par référence à:

i) la distance totale parcourue par le véhicule consommant le carburant (que cette distance inclue ou non les trajets effectués pour des besoins autres que pour l'activité de l'assujetti), et

ii) la cylindrée du véhicule, que l'assujetti verse ou non une indemnité à titre de remboursement de tout autre frais.

3. Lorsque le présent article s'applique, le carburant est considéré, aux fins de l'article 14, paragraphe 3, de la loi de 1983 sur la TVA [Value Added Tax Act 1983], comme ayant été fourni à l'assujetti aux fins d'une activité qu'il exerce et pour un montant égal à celui qu'il a versé conformément à l'article 2, points a) ou b), selon le cas (à l'exclusion du remboursement de tout autre coût que celui du carburant).»

9. Il est indiqué dans les notes explicatives jointes à cet arrêté:

«Le présent arrêté, qui entre en vigueur le 1er décembre 1991, légalise une pratique administrative déjà ancienne. Il prévoit que le carburant acheté par les salariés est considéré comme fourni à l'employeur, lorsque les premiers sont remboursés soit au moyen d'une indemnité kilométrique, soit sur la base du prix effectivement payé. […]»

10. D'après la description du gouvernement du Royaume-Uni, le remboursement par l'employeur des frais au titre de l'article 2, sous b), de l'arrêté relatif à la TVA de 1991 s'effectue en pratique d'après le système suivant: le salarié remet à l'employeur un carnet de route détaillé reprenant les trajets professionnels, le nombre correspondant de kilomètres parcourus ainsi que la cylindrée du véhicule utilisé. Le salarié remet en outre à l'employeur une facture dite simplifiée pour le carburant qui ne reprend pas nommément le bénéficiaire du carburant.

11. Le salarié calcule alors les frais de carburant à l'aide d'une liste publiée des coûts moyens de carburant par kilomètre, établie par le Royal Automobile Club, l'Automobile Association ou les UK Customs (douanes britanniques) sur la base de taux reconnus par le Inland Revenue (administration fiscale) et d'informations détaillées fournies par les constructeurs automobiles. À l'aide de ces facteurs – le nombre de kilomètres des trajets professionnels ainsi que les frais de carburant par kilomètre pour le type de véhicule en cause – l'employeur pourrait calculer, ainsi que l'affirme le gouvernement du Royaume-Uni, le coût exact des trajets professionnels du salarié et les rembourser.

III – Procédure précontentieuse et procédure judiciaire

12. La Commission a introduit par lettre de mise en demeure du 10 mai 1995 une procédure en manquement au titre de l'article 226 CE contre le Royaume-Uni estimant que la possibilité de déduction prévue aux articles 2 et 3 de l'arrêté relatif à la TVA de 1991 enfreignait l'article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive faute d'exigence de présentation d'une facture.

13. Après un examen plus approfondi, la Commission a étendu son grief par deux lettres de mise en demeure du 17 octobre 1996 et du 3 décembre 1997 en y ajoutant celui de la violation de l'article 17 de la sixième directive. Elle y a affirmé que l'arrêté relatif à la TVA de 1991 violerait également cette disposition parce qu'il permettrait la déduction de la taxe pour des livraisons...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT