CeDe Group AB v KAN Sp. z o.o. in bankruptcy.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date21 November 2019
62018CJ0198

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

21 novembre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 1346/2000 – Articles 4 et 6 – Procédures d’insolvabilité – Loi applicable – Procédure européenne d’injonction de payer – Défaut de paiement d’une créance contractuelle avant la mise en faillite – Exception de compensation fondée sur une créance contractuelle née avant la faillite »

Dans l’affaire C‑198/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Högsta domstolen (Cour suprême, Suède), par décision du 12 mars 2018, parvenue à la Cour le 20 mars 2018, dans la procédure

CeDe Group AB

contre

KAN sp. z o.o., en faillite

LA COUR (quatrième chambre),

composée de MM. M. Vilaras, président de chambre, S. Rodin, D. Šváby, Mme K. Jürimäe (rapporteure) et M. N. Piçarra, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement espagnol, initialement par M. M. A. Sampol Pucurull, puis par Mme S. Centero Huerta, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes M. Heller, E. Ljung Rasmussen et G. Tolstoy ainsi que par M. K. Simonsson, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4 et 6 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2000, L 160, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 788/2008 du Conseil, du 24 juillet 2008 (JO 2008, L 213, p. 1) (ci-après le « règlement no 1346/2000 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CeDe Group AB, société établie en Suède, à KAN sp. z o.o., société polonaise en faillite, au sujet du refus de la première de payer à la seconde la somme de 1532489 couronnes suédoises (SEK) (environ 143951 euros).

Le cadre juridique

Le règlement no 1346/2000

3

Aux termes du considérant 6 du règlement no 1346/2000 :

« (6)

Conformément au principe de proportionnalité, le présent règlement devrait se limiter à des dispositions qui règlent la compétence pour l’ouverture de procédures d’insolvabilité et la prise des décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement. Le présent règlement devrait, en outre, contenir des dispositions relatives à la reconnaissance de ces décisions et au droit applicable, qui satisfont également à ce principe. »

4

L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement disposait :

« Le présent règlement s’applique aux procédures collectives fondées sur l’insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d’un syndic. »

5

L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement prévoyait :

« Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire. »

6

Aux termes de l’article 4 du même règlement, intitulé « Loi applicable » :

« 1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé “État d’ouverture”.

2. La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment :

[...]

d)

les conditions d’opposabilité d’une compensation ;

e)

les effets de la procédure d’insolvabilité sur les contrats en cours auxquels le débiteur est partie ;

[...]

g)

les créances à produire au passif du débiteur et le sort des créances nées après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité ;

[...] »

7

L’article 6 du règlement no 1346/2000, intitulé « Compensation », disposait, à son paragraphe 1 :

« L’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’affecte pas le droit d’un créancier d’invoquer la compensation de sa créance avec la créance du débiteur, lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable. »

Le règlement Rome I

8

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6, ci-après le « règlement Rome I ») :

« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. »

9

L’article 17 de ce règlement dispose :

« À défaut d’accord entre les parties sur la possibilité de procéder à une compensation, la compensation est régie par la loi applicable à l’obligation contre laquelle elle est invoquée. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Le 9 juin 2010, CeDe Group a conclu un contrat de livraison de marchandises avec PPUB Janson sp.j., société ayant son siège en Pologne. Ce contrat comportait une clause selon laquelle la loi suédoise est applicable pour toute question relative à l’interprétation du contrat.

11

Au mois de janvier 2011, une procédure collective a été ouverte en Pologne à l’égard de PPUB Janson. Au mois de juillet 2011, le syndic désigné au titre de cette procédure collective a saisi la Kronofogdemyndigheten (autorité publique de recouvrement forcé, Suède) d’une procédure européenne d’injonction de payer dirigée contre CeDe Group et portant sur une créance s’élevant à 1532489 SEK (environ 143951 euros), majorée des intérêts, correspondant au paiement de marchandises que PPUB Janson avait livrées à CeDe Group en application dudit contrat.

12

Le syndic de PPUB Janson a demandé au Malmö tingsrätt (tribunal de première instance de Malmö, Suède), qui a été saisi de cette procédure, de condamner CeDe Group à lui verser le montant de la créance en cause, majorée des intérêts. CeDe Group s’est opposée à cette demande en faisant valoir qu’elle-même détenait sur PPUB Janson une créance d’un montant supérieur à celui de la somme qui lui était réclamée, s’élevant à plus de 3,9 millions de SEK (environ 366497 euros) et correspondant à l’indemnisation de livraisons non effectuées et de marchandises livrées défectueuses. CeDe Group a donc invoqué la compensation des créances, à laquelle le syndic de PPUB Janson s’était opposé, au motif qu’il avait rejeté la créance invoquée par CeDe Group dans la procédure collective ouverte en Pologne.

13

Devant le Malmö tingsrätt (tribunal de première instance de Malmö), la question de la loi applicable à la demande de compensation de créance formée par CeDe Group a été soulevée.

14

Le syndic de PPUB Janson a soutenu que la loi polonaise était applicable conformément au libellé de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000. Il estime qu’il convenait également de tenir compte du fait que l’article 4, paragraphe 2, sous d), de ce règlement dispose que la loi de l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité détermine les conditions d’opposabilité d’une compensation. Ce syndic a, en outre, avancé que l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement n’est applicable que dans le cas où la loi de l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’admet pas la compensation de créances dans le cadre d’une telle procédure comme moyen d’apurement des dettes réciproques. Selon lui, tel ne serait pas le cas, dans l’affaire au principal, de la loi polonaise.

15

CeDe Group objectait que la loi suédoise était applicable à la compensation des créances. La demande du syndic de PPUB Janson porterait sur une créance née dans le cadre de relations contractuelles régies par le contrat du 9 juin 2010, lequel comporterait une clause désignant la loi suédoise comme loi applicable à ce contrat. L’application obligatoire de cette clause découlerait des dispositions de l’article 3, paragraphe 1, du règlement Rome I. En tout état de cause, en l’absence d’accord entre les parties contractantes, l’article 17 de ce règlement prévoirait que la compensation est régie par la loi applicable à l’obligation contre laquelle elle est invoquée, en l’occurrence la loi suédoise.

16

En outre, CeDe Group a soutenu que, selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000, la procédure d’insolvabilité est sans...

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