Chronopost SA and La Poste v Union française de l’express (UFEX) and Others.

JurisdictionEuropean Union
Date06 December 2007
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 6 décembre 2007 (1)

Affaires jointes C‑341/06 P et C‑342/06 P

Chronopost SA et La Poste
contre
Union française de l’express (UFEX) e.a.

«Pourvois – Moyens nouveaux – Composition du Tribunal en cas de renvoi de l’affaire par la Cour – Motivation d’une décision de la Commission – Aide d’État – Secteur postal – Service d’intérêt économique général – Assistance logistique et commerciale»





1. La présente instance résulte de la deuxième série de pourvois présentés dans une affaire introduite il y a longtemps et qui concerne principalement la fourniture de services d’assistance commerciale et logistique par la poste française à une filiale de celle-ci, la SFMI-Chronopost, qui exerce une activité d’expédition de courrier express. Dans sa décision 98/365/CE (ci-après la «décision attaquée»), la Commission des Communautés européennes a conclu que l’assistance reprochée ne constituait pas une aide d’État en faveur de la SFMI-Chronopost (2). Des concurrents de cette dernière ont introduit une action devant le Tribunal (ci‑après l’«affaire Ufex I») (3), lequel a annulé la décision attaquée. Dans le cadre des premiers pourvois (ci-après l’«affaire Chronopost I») (4), la Cour a annulé la décision du Tribunal et renvoyé l’affaire à celui-ci. Les présents pourvois sont dirigés contre l’arrêt rendu sur renvoi, dans lequel le Tribunal a à nouveau annulé la décision attaquée (ci-après l’«arrêt attaqué», affaire Ufex II) (5).

2. Les moyens formulés dans le cadre des présents pourvois se rapportent à i) la composition du Tribunal dans la procédure qui a abouti à l’arrêt attaqué, ii) la question de savoir si le Tribunal a statué sur une demande irrecevable, iii) l’examen par celui-ci de la motivation retenue par la Commission pour justifier la décision attaquée et iv) son appréciation de la notion d’aide d’État dans le cadre d’un transfert de clientèle à la SFMI-Chronopost.

Faits et procédure

Contexte du litige

3. Le litige a pour origine une plainte déposée à la Commission en décembre 1990. L’arrêt attaqué décrit les circonstances de la cause:

«2 La poste française (ci-après ‘La Poste’), qui opère, sous monopole légal, dans le secteur du courrier ordinaire, faisait partie intégrante de l’administration française jusqu’à la fin de l’année 1990. À compter du 1er janvier 1991, elle a été organisée comme une personne morale de droit public, conformément aux dispositions de la loi 90-568, du 2 juillet 1990, relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications (JORF du 8 juillet 1990, p. 8069 […]). Cette loi l’autorise à exercer certaines activités ouvertes à la concurrence, notamment l’expédition de courrier express.

3 La Société française de messagerie internationale (ci-après la ‘SFMI’) est une société de droit privé qui s’est vu confier la gestion du service de courrier express de La Poste [(6)] depuis la fin de l’année 1985. Cette entreprise a été constituée avec un capital social de 10 millions de francs français (FRF) (environ 1 524 490 euros), réparti entre Sofipost (66 %), société financière détenue à 100 % par La Poste, et TAT Express (34 %), filiale de la compagnie aérienne Transport aérien transrégional (ci-après ‘TAT’).

4 Les modalités d’exploitation et de commercialisation du service de courrier express que la SFMI assurait sous la dénomination EMS/Chronopost ont été définies par une instruction du ministère des Postes et Télécommunications français du 19 août 1986. Selon cette instruction, La Poste devait fournir à la SFMI une assistance logistique et commerciale. Les relations contractuelles entre La Poste et la SFMI étaient régies par des conventions, dont la première date de 1986.

5 En 1992, la structure de l’activité de courrier express réalisée par la SFMI a été modifiée. Sofipost et TAT ont créé une nouvelle société, Chronopost SA, dont elles détenaient toujours respectivement 66 % et 34 % des actions. La société Chronopost, qui avait un accès exclusif au réseau de La Poste jusqu’au 1er janvier 1995, s’est recentrée sur le courrier express national. La SFMI a été rachetée par GD Express Worldwide France, filiale d’une entreprise commune internationale regroupant la société australienne TNT et les postes de cinq pays, concentration autorisée par décision de la Commission du 2 décembre 1991 (Affaire IV/M.102 – TNT/Canada Post, DBP Postdienst, La Poste, PTT Poste et Sweden Post) (JO C 322, p. 19). La SFMI a conservé l’activité internationale de courrier express, utilisant Chronopost comme agent et prestataire de services dans le traitement en France de ses envois internationaux (ci-après la ‘SFMI-Chronopost’) [(7)].

6 Le Syndicat français de l’express international (SFEI), auquel a succédé l’Union française de l’express (UFEX), et dont les trois autres requérantes sont membres, est un syndicat professionnel de droit français regroupant la quasi-totalité des sociétés offrant des services de courrier express faisant concurrence à la SFMI-Chronopost.

7 Le 21 décembre 1990, le SFEI a déposé une plainte auprès de la Commission au motif, notamment, que l’assistance logistique et commerciale fournie par La Poste à la SFMI comportait une aide d’État au sens de l’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE). Dans la plainte était principalement dénoncé le fait que la rémunération versée par la SFMI pour l’assistance fournie par La Poste ne correspondait pas aux conditions normales de marché. La différence entre le prix du marché pour l’acquisition de tels services et celui effectivement payé par la SFMI constituerait une aide d’État. Une étude économique, réalisée, à la demande du SFEI, par la société de conseil Braxton associés, a été jointe à la plainte afin d’évaluer le montant de l’aide pendant la période 1986-1989.

8 Par lettre du 10 mars 1992, la Commission a informé le SFEI du classement de sa plainte. Le 16 mai 1992, le SFEI et d’autres entreprises ont introduit un recours en annulation devant la Cour à l’encontre de cette décision. La Cour a prononcé un non-lieu à statuer (ordonnance de la Cour du 18 novembre 1992, SFEI e.a./Commission, C-222/92, non publiée au Recueil) après la décision de la Commission du 9 juillet 1992 de retirer celle du 10 mars 1992.»

4. Outre la plainte adressée à la Commission, «[l]e 16 juin 1993, le SFEI et d’autres entreprises ont introduit devant le tribunal de commerce de Paris un recours contre la SFMI, Chronopost, La Poste et autres. Une deuxième étude de la société Braxton associés y était jointe actualisant les données de la première étude et étendant la période d’estimation de l’aide à la fin de l’année 1991. Par jugement du 5 janvier 1994, le tribunal de commerce de Paris a posé à la Cour plusieurs questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 92 du traité et de l’article 93 du traité CE (devenu article 88 CE), dont l’une portait sur la notion d’aide d’État dans les circonstances de la présente affaire. Le gouvernement français a déposé devant la Cour, à l’annexe de ses observations du 10 mai 1994, une étude économique réalisée par la société Ernst & Young. [Dans son arrêt SFEI e.a. (8)], la Cour a dit pour droit que ‘[l]a fourniture d’une assistance logistique et commerciale par une entreprise publique à ses filiales de droit privé exerçant une activité ouverte à la libre concurrence est susceptible de constituer une aide d’État au sens de l’article 92 du traité si la rémunération perçue en contrepartie est inférieure à celle qui aurait été réclamée dans des conditions normales de marché’ (point 62)» (9).

La procédure devant la Commission et la décision attaquée

5. En 1993, la Commission a demandé et reçu de la République française des informations complémentaires. En mars 1996, elle a fait savoir à cet État membre qu’elle engageait la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité en raison de l’octroi supposé d’une aide par l’État français à la SFMI-Chronopost. L’ouverture de cette procédure a fait l’objet d’une communication de la Commission publiée le 17 juillet 1996 (10).

6. Le 17 août 1996, le SFEI a, en réponse à la communication, soumis des observations à la Commission, auxquelles était jointe une étude économique réalisée par Bain & Co (11). La République française y a répondu, sa réponse étant accompagnée d’une étude économique réalisée par Deloitte Touche Tohmatsu.

7. La Commission a adopté la décision attaquée le 1er octobre 1997. L’article 1er de ladite décision dispose que «[l]’assistance logistique et commerciale fournie par La Poste à sa filiale SFMI-Chronopost [et les autres mesures attaquées] ne constituent pas des aides d’État en faveur de SFMI-Chronopost».

Arrêts Ufex I (12) et Chronopost I (13)

8. Par une requête déposée le 30 décembre 1997, UFEX, DHL International SA, Federal express international SA et CRIE SA ont demandé au Tribunal d’annuler la décision attaquée. La République française, La Poste et Chronopost sont alors intervenues au soutien de la Commission.

9. L’affaire a été confiée à la quatrième chambre (élargie) du Tribunal, et un juge rapporteur a été désigné.

10. Les parties requérantes ont invoqué quatre moyens d’annulation, tirés i) d’une violation des droits de la défense, ii) d’une insuffisance de motivation, iii) d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation et iv) d’une méconnaissance par la Commission de la notion d’aide d’État, premièrement en ne tenant pas compte des conditions normales du marché dans l’analyse de la rémunération de l’assistance fournie par la Poste à la SFMI-Chronopost et, deuxièmement, en excluant de cette notion diverses mesures dont aurait bénéficié la SFMI-Chronopost.

11. Le Tribunal a considéré que le quatrième moyen était fondé en sa première branche et a annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce que celui-ci constatait que l’assistance logistique et commerciale fournie par La Poste à la...

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