Ahmed Ali Yusuf and Al Barakaat International Foundation v Council of the European Union and Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
Date21 September 2005
CourtGeneral Court (European Union)

Affaire T-306/01

Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat International Foundation

contre

Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes

« Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Compétence de la Communauté — Gel des fonds — Droits fondamentaux — Jus cogens — Contrôle juridictionnel — Recours en annulation »

Arrêt du Tribunal (deuxième chambre élargie) du 21 septembre 2005

Sommaire de l’arrêt

1. Procédure — Règlement remplaçant en cours d’instance le règlement attaqué — Élément nouveau — Extension des conclusions et moyens initiaux

2. Actes des institutions — Choix de la base juridique — Règlement instituant, à l’encontre de certaines personnes et entités, des sanctions visant à interrompre ou à réduire les relations économiques avec un pays tiers — Articles 60 CE et 301 CE — Admissibilité

(Art. 60 CE et 301 CE ; règlement du Conseil nº 467/2001)

3. Actes des institutions — Choix de la base juridique — Règlement instituant des sanctions à l’encontre de certaines personnes et entités ne présentant aucun lien avec un pays tiers — Articles 60 CE, 301 CE et 308 CE pris conjointement — Admissibilité

(Art. 60 CE, 301 CE et 308 CE ; art. 3 UE ; règlement du Conseil nº 881/2002)

4. Libre circulation des capitaux et liberté des paiements — Restrictions — Mesures nationales visant à la lutte contre le terrorisme international et imposant à cette fin des sanctions économiques et financières à l’encontre de particuliers ne présentant aucun lien avec un pays tiers — Admissibilité — Conditions

(Art. 58 CE)

5. Actes des institutions — Nature juridique — Règlement ou décision — Distinction — Critères — Concept de destinataire d’un acte — Objet d’un acte — Critère non pertinent

(Art. 230, al. 4, CE et 249 CE ; règlement du Conseil nº 881/2002)

6. Droit international public — Charte des Nations unies — Décisions du Conseil de sécurité — Obligations en découlant pour les États membres — Primauté sur le droit national et le droit communautaire — Obligations résultant de cette charte — Caractère contraignant pour la Communauté

7. Communautés européennes — Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions — Acte donnant effet à des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies — Contrôle incident de la légalité des décisions du Conseil de sécurité — Contrôle au regard du droit communautaire — Exclusion — Contrôle au regard du jus cogens — Admissibilité

(Art. 5 CE, 10 CE, 230 CE, 297 CE, 307, al. 1, CE ; art. 5 UE ; règlement du Conseil nº 881/2002)

8. Communautés européennes — Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions — Acte donnant effet à des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies — Règlement nº 881/2002 — Mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Droits fondamentaux des intéressés — Gel des fonds — Contrôle au regard du jus cogens — Droit à la propriété des intéressés — Principe de proportionnalité — Violation — Absence

(Règlement du Conseil nº 881/2002, tel que modifié par règlement du Conseil nº 561/2003)

9. Communautés européennes — Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions — Acte donnant effet à des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies — Règlement nº 881/2002 — Mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Droit des intéressés d’être entendus — Violation — Absence

(Règlement du Conseil nº 881/2002)

10. Recours en annulation — Acte communautaire donnant effet à des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies — Règlement nº 881/2002 — Mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Contrôle juridictionnel — Limites — Lacune dans la protection juridictionnelle des requérants — Contrôle au regard du jus cogens — Droit à un recours juridictionnel effectif — Violation — Absence

(Art. 226 CE ; règlement du Conseil nº 881/2002)

1. Dans le cadre d’un recours en annulation, lorsqu’un règlement qui concerne directement et individuellement un particulier est remplacé, en cours de procédure, par un règlement ayant le même objet, celui-ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge communautaire contre un règlement, adapter le règlement attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux au règlement ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci.

(cf. points 72-73)

2. Le Conseil était compétent pour adopter le règlement nº 467/2001, interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan, sur le fondement des articles 60 CE et 301 CE.

En effet, rien, dans le libellé desdits articles, ne permet d’exclure l’adoption de mesures restrictives frappant de manière spécifique les dirigeants d’un pays tiers, plutôt que ce pays en tant que tel, ainsi que, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les individus et entités qui sont associés à ces dirigeants ou contrôlés directement ou indirectement par eux, pour autant que de telles mesures visent effectivement à interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers. Cette interprétation, non contraire à la lettre des articles 60 CE et 301 CE, est justifiée tant par des considérations d’efficacité que par des préoccupations d’ordre humanitaire.

Or, les mesures prévues par le règlement nº 467/2001 visaient à interrompre ou à réduire les relations économiques avec l’Afghanistan, dans le cadre de la lutte menée par la communauté internationale contre le terrorisme international et, plus particulièrement, contre Oussama ben Laden et le réseau Al-Qaida.

En outre, lesdites mesures, qui visaient à exercer une pression efficace sur les dirigeants du pays concerné, tout en limitant autant que possible l’impact de ces mesures sur la population de ce pays, notamment par la restriction de leur champ d’application personnel à un certain nombre d’individus nommément désignés, étaient conformes au principe de proportionnalité, qui exige que des sanctions n’excèdent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi par la réglementation communautaire les instaurant.

(cf. points 108, 112, 115-116, 121-122, 124)

3. Les articles 60 CE et 301 CE ne constituent pas, à eux seuls, une base juridique suffisante pour adopter un règlement communautaire visant à la lutte contre le terrorisme international et à l’imposition à cette fin de sanctions économiques et financières, telles que le gel des fonds, à l’encontre de particuliers, sans qu’il existe un quelconque lien entre ces particuliers et un pays tiers.

De même, l’article 308 CE ne constitue pas, à lui seul, une base juridique suffisante pour permettre l’adoption d’un tel règlement. S’il est vrai qu’aucune disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter des sanctions visant des individus ou entités ne présentant aucun lien avec un pays tiers, la lutte contre le terrorisme international, et, plus particulièrement, l’imposition de sanctions économiques et financières à l’encontre d’individus et d’entités soupçonnés de contribuer à son financement, ne peut être rattachée à aucun des objets explicitement assignés à la Communauté par les articles 2 CE et 3 CE. De plus, il ne ressort nullement du préambule du traité CE que celui-ci poursuit un objectif plus vaste de défense de la paix et de la sécurité internationales. Celui-ci relève exclusivement des objectifs du traité UE. S’il est certes permis d’affirmer que cet objectif de l’Union doit inspirer l’action de la Communauté dans le domaine de ses compétences propres, il ne suffit pas, en revanche, à fonder l’adoption de mesures au titre de l’article 308 CE. En effet, il n’apparaît pas possible d’interpréter l’article 308 CE comme autorisant de façon générale les institutions à se fonder sur cette disposition en vue de réaliser l’un des objectifs du traité UE.

Cela étant, le Conseil était compétent pour adopter le règlement nº 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, qui met en oeuvre dans la Communauté les sanctions économiques et financières prévues par la position commune 2002/402, en l’absence de tout lien avec le territoire ou le régime dirigeant d’un pays tiers, sur le fondement combiné des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE.

En effet, dans ce contexte, il y a lieu de tenir compte de la passerelle spécifiquement établie, lors de la révision résultant du traité de Maastricht, entre les actions de la Communauté portant sanctions économiques au titre des articles 60 CE et 301 CE et les objectifs du traité UE en matière de relations extérieures. À cet égard, les articles 60 CE et 301 CE sont des dispositions tout à fait particulières du traité CE, en ce qu’elles envisagent expressément qu’une action de la...

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