Criminal proceedings against Silvio Berlusconi (C-387/02), Sergio Adelchi (C-391/02) and Marcello Dell'Utri and Others (C-403/02).

JurisdictionEuropean Union
Date14 October 2004
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 14 octobre 2004 (1)

Affaires jointes C-387/02, C-391/02 et C-403/02

Silvio Berlusconi e.a.

(Demandes de décision préjudicielle formées par le Tribunale di Milano et la Corte d’appello di Lecce (Italie)]

«Droit des sociétés – Première, quatrième et septième directive – Comptes annuels et comptes consolidés – Principe de l’image publique et fidèle – Sanctions appropriées en cas de fausses informations – Limites à l’application des directives dans les procédures pénales – Principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce»





Table des matières

I – Introduction

II – Le cadre juridique

A – Droit communautaire

1. Aperçu

2. Dispositions pertinentes de la première directive

3. Dispositions pertinentes de la quatrième directive

4. Dispositions de la septième directive

B – Droit national

1. Ancien état du droit

2. Nouvel état du droit

3. Dispositions pénales générales

III – Les faits, les procédures au principal et les questions préjudicielles

A – Généralités

B – Affaire Berlusconi (C-387/02)

C – Affaire Adelchi (C-391/02)

D – Affaire Dell’Utri e.a. (C-403/02)

E – Procédure devant la Cour

IV – Appréciation juridique

A – Recevabilité des demandes de décision préjudicielle

1. Présentation du cadre factuel

2. Présentation du cadre juridique

3. Pertinence des questions

4. Conclusion

B – Appréciation sur le fond des questions préjudicielles

1. Sur le champ d’application matériel de l’article 6 de la première directive

2. Sur le caractère approprié des sanctions pour de fausses communications sociales

a) Efficacité, proportionnalité et effet dissuasif des sanctions

b) Marges de tolérance

c) Délais de prescription pour les poursuites pénales

d) Système progressif de sanctions et exigences de plainte

e) Vue d’ensemble des dispositions de droit civil, de droit pénal et de droit pénal administratif

C – Effets d’une violation des directives par les dispositions nationales pour les procédures pénales pendantes devant les juridictions de renvoi

1. Sur l’obligation des juridictions nationales de donner effet aux prescriptions du droit communautaire

2. Sur les limites à l’application des directives dans les procédures pénales

a) Principes développés dans la jurisprudence.

b) Examen des principes à l’égard du cas d’espèce

3. Sur l’application rétroactive de la loi pénale plus douce

4. Conclusion intermédiaire

V – Conclusion

I – Introduction

1. Diverses procédures pénales dans le cadre desquelles on reproche aux accusés de fausses communications sociales (en italien «false comunicazioni sociali») sont actuellement pendantes devant deux juridictions italiennes, le Tribunale di Milano et la Corte d’appello di Lecce (ci-après aussi les «juridictions de renvoi»); dans le langage courant on qualifie ces procédés en général de «falsification de bilans».

2. Après la commission de ces actes et le début de leur poursuite, le législateur italien a réduit la gravité des éléments constitutifs d’infraction et a rendu la poursuite de ces faits plus difficile par rapport à la situation juridique antérieure. Au vu de cette modification de la législation, les juridictions de renvoi souhaiteraient essentiellement savoir ce qu’il convient d’entendre sous le terme de sanctions appropriées pour fausses communications sociales. Elles demandent aussi si, au sens des directives applicables en matière de droit des sociétés, la publication d’une fausse communication sociale doit être mise sur le même plan que la non-publication.

3. Au cas où une réglementation comme la modification de la législation en Italie serait contraire aux directives applicables en matière de droit des sociétés, il faudrait en outre clarifier si dans une procédure pénale une loi pénale postérieure plus douce peut en dépit de son illégalité au regard du droit communautaire être appliquée rétroactivement au profit de l’accusé.

II – Le cadre juridique

A – Droit communautaire

1. Aperçu

4. L’article 44, paragraphe 1, CE contient une base juridique pour l’adoption de directives destinées à la réalisation de la liberté d’établissement. En vertu du paragraphe 2, sous g), de cette disposition, il appartient au Conseil et à la Commission,

«[de coordonner], dans la mesure nécessaire et en vue de les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers».

5. La Communauté a adopté plusieurs directives dans le domaine du droit des sociétés. Sont importantes pour le cas d’espèce en particulier:

– la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 58, deuxième alinéa, du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (2) (ci-après «la première directive» ou la «directive 68/151») et

– la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (3) (ci-après la «quatrième directive» ou «directive 78/660»).

Ces directives s’appliquent dans le cas de la République italienne aux sociétés de capitaux suivantes: la società per azioni (société anonyme, SA), la società in accomandita per azioni (société en commandite) et la società a responsabilità limitata (société à responsabilité limitée, SARL) (4).

6. Il faut en outre signaler la septième directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l’article 54, paragraphe 3, point g), du traité, concernant les comptes consolidés (5) (ci-après «septième directive» ou la «directive 83/349») (6).

2. Dispositions pertinentes de la première directive

7. L’article 2, paragraphe 1, sous f), de la première directive oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que la publicité obligatoire relative aux sociétés porte au moins sur le bilan et le compte de profits et pertes de chaque exercice. La disposition prévoit également que le Conseil, dans un délai de deux ans suivant l’adoption de la première directive, adoptera une autre directive couvrant la coordination du contenu des bilans et les comptes de profits et pertes.

8. L’article 3, paragraphes 1 à 3, de la première directive dispose:

«1. Dans chaque État membre un dossier est ouvert auprès, soit d’un registre central, soit d’un registre du commerce ou registre des sociétés, pour chacune des sociétés qui y sont inscrites.

2. Tous les actes et toutes les indications qui sont soumis à publicité en vertu de l’article 2 sont versés au dossier ou transcrits au registre; l’objet des transcriptions au registre doit en tout cas apparaître dans le dossier.

3. Copie intégrale ou partielle de tout acte ou de toute indication visés à l’article 2 doit pouvoir être obtenue par correspondance sans que le coût de cette copie puisse être supérieur au coût administratif […]»

9. Conformément à l’article 6, premier tiret, de la première directive les États membres «prévoient des sanctions appropriées en cas de défaut de publicité du bilan et du compte de profits et pertes telle qu’elle est prescrite à l’article 2 paragraphe 1 sous f)».

3. Dispositions pertinentes de la quatrième directive

10. L’article 2 de la quatrième directive dispose entre autres:

«1. Les comptes annuels comprennent le bilan, le compte de profits et pertes ainsi que l’annexe. Ces documents forment un tout.

2. Les comptes annuels doivent être établis avec clarté et en conformité avec la présente directive.

3. Les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société.

4. Lorsque l’application de la présente directive ne suffit pas pour donner l’image fidèle visée au paragraphe 3, des informations complémentaires doivent être fournies.

5. Si, dans des cas exceptionnels, l’application d’une disposition de la présente directive se révèle contraire à l’obligation prévue au paragraphe 3, il y a lieu de déroger à la disposition en cause afin qu’une image fidèle au sens du paragraphe 3 soit donnée. […]»

11. L’article 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive prévoit que:

«Les comptes annuels régulièrement approuvés et le rapport de gestion ainsi que le rapport établi par la personne chargée du contrôle des comptes font l’objet d’une publicité effectuée selon les modes prévus par la législation de chaque État membre conformément à l’article 3 de la directive 68/151/CEE.»

12. L’article 47, paragraphe 1 bis, de la quatrième directive (7) dispose entre autres:

«L’État membre dont relève la société visée à l’article 1er paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas (société concernée) peut dispenser celle-ci de publier ses comptes conformément à l’article 3 de la directive 68/151/CEE, à condition que ces comptes soient à la disposition du public au siège de la société […]

Copie des comptes doit pouvoir être obtenue sur simple demande. Le prix réclamé pour cette copie ne peut excéder son coût administratif. Des sanctions appropriées doivent être prévues en cas de non-respect de l’obligation de publicité imposée par le présent paragraphe.»

13. En vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la quatrième directive les sociétés doivent faire contrôler les comptes annuels par une ou plusieurs personnes habilitées en vertu de la loi nationale au contrôle des comptes.

4. Dispositions de la septième directive

14. L’article 16 de la septième directive contient, pour les comptes consolidés des groupes d’entreprises, des dispositions qui correspondent pour l’essentiel à celles de l’article 2 de la quatrième directive; en particulier les comptes consolidés doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de...

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