Portuguese Republic v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
Date06 September 2006
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-88/03

République portugaise

contre

Commission des Communautés européennes

«Recours en annulation — Aides d'État — Décision 2003/442/CE — Mesures fiscales adoptées par une collectivité régionale ou locale — Réduction des taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et morales ayant leur résidence fiscale aux Açores — Qualification d'aide d'État — Caractère sélectif — Justification par la nature et l'économie du système fiscal — Obligation de motivation — Compatibilité avec le marché commun»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 20 octobre 2005

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 6 septembre 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Aides accordées par les États — Notion — Caractère sélectif de la mesure

(Art. 87, § 1, CE)

2. Aides accordées par les États — Notion — Caractère sélectif de la mesure

(Art. 87, § 1, CE)

3. Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée

(Art. 87, § 1, CE et 253 CE)

4. Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Art. 87, § 3, CE)

1. L'article 87, paragraphe 1, CE interdit les aides d'État «favorisant certaines entreprises ou certaines productions» par rapport à d'autres, qui se trouveraient, au regard de l'objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable, c'est-à-dire les aides sélectives. Toutefois, la notion d'aide d'État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l'économie du système de charges dans lequel elles s'inscrivent.

Une mesure portant exception à l'application du système fiscal général peut être justifiée par la nature et l'économie générale du système fiscal si l'État membre concerné peut démontrer que cette mesure résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de son système fiscal. À cet égard, une distinction doit être établie entre, d'une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs et, d'autre part, les mécanismes inhérents au système fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs.

(cf. points 52, 54, 81)

2. Lorsqu'il s'agit d'examiner si une mesure revêt un caractère sélectif, la détermination du cadre de référence est essentielle et ce cadre n'est pas nécessairement défini dans les limites du territoire national.

C'est ainsi que, pour apprécier la sélectivité d'une mesure adoptée par une entité infraétatique et visant à fixer, dans une partie seulement du territoire d'un État membre, un taux d'imposition réduit par rapport au taux en vigueur dans le reste dudit État membre, il convient d'examiner si ladite mesure a été prise par cette entité dans l'exercice de pouvoirs suffisamment autonomes par rapport au pouvoir central et, le cas échéant, de rechercher si elle s'applique effectivement à toutes les entreprises établies ou à toutes les productions réalisées sur le territoire relevant de la compétence de cette entité.

Dans la situation où une autorité régionale ou locale arrête, dans l'exercice de pouvoirs suffisamment autonomes par rapport au pouvoir central, un taux d'imposition qui est inférieur au taux national et qui est applicable uniquement aux entreprises présentes sur le territoire relevant de sa compétence, le cadre juridique pertinent pour apprécier la sélectivité d'une mesure fiscale peut se limiter à la zone géographique concernée dans le cas où l'entité infraétatique, notamment en raison de son statut et de ses pouvoirs, occupe un rôle fondamental dans la définition de l'environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises présentes sur le territoire relevant de sa compétence.

Pour qu'une décision prise en pareilles circonstances puisse être considérée comme ayant été adoptée dans l'exercice de pouvoirs suffisamment autonomes, il faut tout d'abord que cette décision ait été prise par une autorité régionale ou locale dotée, sur le plan constitutionnel, d'un statut politique et administratif distinct de celui du gouvernement central. Ensuite, elle doit avoir été adoptée sans que le gouvernement central puisse intervenir directement sur son contenu. Enfin, les conséquences financières d'une réduction du taux d'imposition national applicable aux entreprises présentes dans la région ne doivent pas être compensées par des concours ou subventions en provenance des autres régions ou du gouvernement central.

(cf. points 56-58, 62, 65-67)

3. La motivation exigée à l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

Appliqué à la qualification d'une mesure d'aide, ce principe exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE. À cet égard, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe tout au moins à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision.

(cf. points 88-89)

4. Dans l'application de l'article 87, paragraphe 3, CE, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le juge communautaire, en contrôlant la légalité de l'exercice d'une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l'auteur de la décision, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.

(cf. point 99)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

6 septembre 2006 (*)

«Recours en annulation – Aides d’État – Décision 2003/442/CE – Mesures fiscales adoptées par une collectivité régionale ou locale – Réduction des taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et morales ayant leur résidence fiscale aux Açores – Qualification d’aide d’État – Caractère sélectif – Justification par la nature et l’économie du système fiscal – Obligation de motivation – Compatibilité avec le marché commun»

Dans l’affaire C-88/03,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduit le 24 février 2003,

République portugaise, représentée par M. L. Fernandes, en qualité d’agent, assisté de Mes J. da Cruz Vilaça et L. Romão, advogados, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme R. Caudwell, en qualité d’agent, assistée de M. D. Anderson, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Di Bucci et F. de Sousa Fialho, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas (rapporteur) et J. Malenovský, présidents de chambre, MM. J.-P. Puissochet, R. Schintgen, Mme N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. Klučka et U. Lõhmus, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 septembre 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours, la République portugaise demande l’annulation de la décision 2003/442/CE de la Commission, du 11 décembre 2002, concernant la partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui concerne le volet relatif aux réductions des taux d’impôt sur les revenus (JO L 150, p. 52, ci-après la «décision attaquée»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 L’article 87, paragraphe 1, CE stipule:

«Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

3 La communication de la Commission, du 10 décembre 1998, sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO C 384, p. 3, ci-après la «communication relative aux aides d’État dans le domaine de la fiscalité directe»), précise, à son point 2, qu’elle se propose d’apporter des clarifications sur la qualification d’aide au titre de l’article 87, paragraphe 1, CE dans le cas des mesures fiscales.

4 L’article 87, paragraphe 3, CE prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:

«a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi;

[…]

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou...

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