Shirley McCarthy v Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
Date05 May 2011
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-434/09

Shirley McCarthy

contre

Secretary of State for the Home Department

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court

of the United Kingdom, anciennement House of Lords)

«Libre circulation des personnes — Article 21 TFUE — Directive 2004/38/CE — Notion de ‘bénéficiaire’ — Article 3, paragraphe 1 — Ressortissant n’ayant jamais fait usage de son droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l’État membre de sa nationalité — Incidence de la possession de la nationalité d’un autre État membre — Situation purement interne»

Sommaire de l'arrêt

1. Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Directive 2004/38 — Bénéficiaire — Notion

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38, art. 3, § 1)

2. Citoyenneté de l'Union européenne — Dispositions du traité — Inapplicabilité dans une situation purement interne à un État membre — Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation, ayant toujours séjourné dans l'État membre de sa nationalité et jouissant de la nationalité d’un autre État membre

(Art. 21 TFUE)

1. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que cette directive n’est pas applicable à un citoyen de l’Union qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation, qui a toujours séjourné dans un État membre dont il possède la nationalité et qui jouit, par ailleurs, de la nationalité d’un autre État membre.

En effet, en premier lieu, selon ladite disposition de la directive 2004/38, est bénéficiaire de celle-ci tout citoyen de l’Union qui se «rend» ou séjourne dans un État membre «autre» que celui dont il a la nationalité. En deuxième lieu, étant donné que le séjour d’une personne résidant dans l’État membre de sa nationalité ne peut pas être soumis à conditions, la directive 2004/38, concernant les conditions d’exercice du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ne saurait avoir vocation à s’appliquer à un citoyen de l’Union qui jouit d’un droit de séjour inconditionnel en raison du fait qu’il séjourne dans l’État membre de sa nationalité. En troisième lieu, il ressort de l’ensemble de ladite directive que le séjour qu’elle vise est lié à l’exercice de la liberté de circulation des personnes.

Ainsi, un citoyen dans la situation décrite ci-dessus ne relève pas de la notion de «bénéficiaire» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, de sorte que cette dernière ne lui est pas applicable. Cette constatation ne saurait être influencée par le fait que ledit citoyen a également la nationalité d’un État membre autre que celui où il séjourne. En effet, la jouissance, par un citoyen de l’Union, de la nationalité de plus d’un État membre ne signifie pas pour autant qu’il ait fait usage de son droit de libre circulation.

(cf. points 32, 34-35, 39-41, 57, disp. 1)

2. L’article 21 TFUE n’est pas applicable à un citoyen de l’Union qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation, qui a toujours séjourné dans un État membre dont il possède la nationalité et qui jouit, par ailleurs, de la nationalité d’un autre État membre pour autant que la situation de ce citoyen ne comporte pas l’application de mesures d’un État membre qui auraient pour effet de le priver de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union ou d’entraver l’exercice de son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

La situation d’un citoyen de l’Union qui n’a pas fait usage de son droit de libre circulation ne saurait, de ce seul fait, être assimilée à une situation purement interne. En tant que ressortissant de, au moins, un État membre, une personne jouit du statut de citoyen de l’Union en vertu de l’article 20, paragraphe 1, TFUE et peut donc se prévaloir, y compris à l’égard de son État membre d’origine, des droits afférents à un tel statut, notamment celui de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres tel que conféré par l’article 21 TFUE.

Toutefois, la non-prise en compte, par les autorités de l'État membre de la nationalité et de la résidence d'un citoyen, de la nationalité d'un autre État membre que ce citoyen possède également, lors de la décision sur une demande de droit de séjour au titre du droit de l’Union introduite par celui-ci, n’implique pas l’application de mesures qui auraient pour effet de priver l’intéressé de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union ou d’entraver l’exercice de son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Partant, dans un tel contexte, la circonstance qu'un ressortissant possède, outre la nationalité de l'État membre où il réside, la nationalité d'un autre État membre ne saurait suffire, à elle seule, pour considérer que la situation de la personne intéressée relève de l’article 21 TFUE, ladite situation ne présentant aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union et l’ensemble des éléments pertinents de cette situation se cantonnant à l’intérieur d’un seul État membre.

(cf. points 46, 48-49, 54-55, 57, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

5 mai 2011 (*)

«Libre circulation des personnes – Article 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Notion de ‘bénéficiaire’ – Article 3, paragraphe 1 ? Ressortissant n’ayant jamais fait usage de son droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l’État membre de sa nationalité – Incidence de la possession de la nationalité d’un autre État membre – Situation purement interne»

Dans l’affaire C‑434/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom, anciennement House of Lords (Royaume-Uni), par décision du 5 mai 2009, parvenue à la Cour le 5 novembre 2009, dans la procédure

Shirley McCarthy

contre

Secretary of State for the Home Department,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. D. Šváby, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász et J. Malenovský, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 octobre 2010,

considérant les observations présentées:

– pour Mme McCarthy, par M. S. Cox, barrister, et Mme K. Lewis, solicitor,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de M. T. Ward, barrister,

– pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement estonien, par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,

– pour l’Irlande, par MM. D. O’Hagan et D. Conlan Smyth, en qualité d’agents, assistés de M. B. Lennon, barrister,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. de Ree, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme D. Maidani et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, paragraphe 1, et 16 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatif JO L 229, p. 35).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme McCarthy au Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, ci-après le «Secretary of State») au sujet d’une demande d’autorisation de séjour introduite par celle-ci.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes des premier à troisième considérants de la directive 2004/38:

«(1) La citoyenneté de l’Union confère à chaque citoyen de l’Union un droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des restrictions fixées par le traité et des mesures adoptées en vue de leur application.

(2) La libre circulation des personnes constitue une des libertés fondamentales du marché intérieur, qui comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel cette liberté est assurée selon les dispositions du traité.

(3) La citoyenneté de l’Union devrait constituer le statut de base des ressortissants des États membres lorsqu’ils exercent leur droit de circuler et de séjourner librement. Il est par conséquent nécessaire de codifier et de revoir les instruments communautaires existants qui visent séparément les travailleurs salariés, les non salariés, les étudiants et autres personnes sans emploi en vue de simplifier et de renforcer le droit à la liberté de circulation et de séjour de tous les citoyens de l’Union.»

4 Le chapitre I de la directive 2004/38, intitulé «Dispositions générales», comprend les articles 1er à 3 de celle-ci.

5 Ledit article 1er, intitulé «Objet», énonce:

«La présente directive concerne:

a) les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres;

b) le droit de séjour permanent, dans les États membres, des citoyens de l’Union et des membres de leur famille;

c) les limitations aux droits prévus aux points a) et b) pour des raisons d’ordre public, de sécurité...

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