Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 26 de noviembre de 2019.

JurisdictionEuropean Union
Date26 November 2019
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 26 novembre 2019 (1)

Affaire C344/18

ISS Facility Services NV

contre

Sonia Govaerts,

Atalian NV, anciennement Euroclean NV

[demande de décision préjudicielle formée par l’arbeidshof te Gent (cour du travail de Gand, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2001/23/CE – Article 3, paragraphe 1 – Transferts d’entreprises – Maintien des droits des travailleurs – Marché public concernant les services de nettoyage – Attribution des lots du marché à deux nouveaux adjudicataires – Reprise d’un travailleur de l’ancien adjudicataire unique affecté à tous les lots du marché – Conséquences du transfert d’une entité économique à deux cessionnaires »






I. Introduction

1. Dans la présente affaire, l’arbeidshof te Gent (cour du travail de Gand, Belgique) a déféré à la Cour une question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE (2).

2. Cette question a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Sonia Govaerts à, d’une part, ISS Facility Services NV, auprès de laquelle elle était employée, et, d’autre part, Atalian NV, au sujet de son licenciement et de ses conséquences à la suite de la réadjudication à celle-ci du marché public initialement détenu par celle-là.

3. L’examen de cette question conduira la Cour à se pencher pour la première fois sur les conséquences du transfert d’une entité économique à deux cessionnaires sur le maintien des droits et des obligations des travailleurs conférés à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. Le considérant 3 de la directive 2001/23 énonce :

« Des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits. »

5. L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de cette directive prévoit :

« a) La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

b) Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire. »

6. L’article 2, paragraphe 2, de ladite directive est rédigé comme suit :

« La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition du contrat ou de la relation de travail.

Cependant, les États membres ne sauraient exclure du champ d’application de la présente directive les contrats ou relations de travail uniquement du fait :

a) du nombre d’heures de travail effectué ou à effectuer ;

[...] »

7. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette même directive :

« Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire. »

8. En vertu de l’article 4 de la directive 2001/23 :

« 1. Le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation impliquant des changements sur le plan de l’emploi.

[...]

2. Si le contrat de travail ou la relation de travail est résilié du fait que le transfert entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du travailleur, la résiliation du contrat de travail ou de la relation de travail est considérée comme intervenue du fait de l’employeur. »

B. Le droit belge

9. La convention collective de travail nº 32 bis, du 7 juin 1985, concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de changement d’employeur du fait d’un transfert conventionnel d’entreprise et réglant les droits des travailleurs repris en cas de reprise de l’actif après faillite ou concordat judiciaire par abandon d’actif, rendue obligatoire par arrêté royal du 25 juillet 1985 (3), telle que modifiée par la convention collective de travail nº 32 quinquies du 13 mars 2002, rendue obligatoire par arrêté royal du 14 mars 2002 (4) (ci-après la « convention collective nº 32 bis »), transpose en droit belge la directive 2001/23.

10. Aux termes de l’article 1er de la convention collective nº 32 bis :

« La présente convention collective de travail a pour objet en premier lieu de garantir :

1° d’une part, le maintien des droits des travailleurs dans tous les cas de changement d’employeur du fait du transfert conventionnel d’une entreprise ou d’une partie d’entreprise ; le transfert réalisé dans le cadre d’un concordat judiciaire est un transfert conventionnel auquel s’applique le principe du maintien des droits des travailleurs sous réserve des exceptions fixées à l’article 8 bis de la présente convention collective de travail ;

2° d’autre part, certains droits aux travailleurs repris en cas de reprise d’actif après faillite.

En outre, la présente convention règle l’information des travailleurs concernés par un transfert lorsqu’il n’y a pas de représentants des travailleurs dans l’entreprise. »

11. Aux termes de l’article 2 de la convention collective nº 32 bis :

« Pour l’application de la présente convention collective de travail, il faut entendre par :

1° travailleurs : les personnes qui, en vertu d’un contrat de travail ou d’apprentissage, fournissent des prestations de travail ;

2° employeurs : les personnes physiques ou morales qui occupent les personnes visées au 1° ;

3° cédant : la personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1er, perd la qualité d’employeur à l’égard des travailleurs de l’entreprise transférée ou de la partie d’entreprise transférée ;

4° cessionnaire : la personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1er, acquiert la qualité d’employeur à l’égard des travailleurs de l’entreprise transférée ou de la partie d’entreprise transférée ;

[...] »

12. L’article 6 de la convention collective nº 32 bis prévoit :

« Le présent chapitre est applicable à tout changement d’employeur résultant d’un transfert conventionnel d’une entreprise ou d’une partie d’entreprise, à l’exclusion des cas visés au chapitre III de cette convention collective de travail.

Sous réserve des dispositions de l’alinéa 1er, est considéré dans la présente convention collective de travail comme transfert, le transfert d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire. »

13. L’article 7 de la convention collective nº 32 bis est libellé comme suit :

« Les droits et obligations qui résultent pour le cédant de contrats de travail existant à la date du transfert au sens de l’article 1er, 1°, sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire. »

14. L’article 10 de la convention collective nº 32 bis dispose :

« Si le contrat de travail est résilié parce que le transfert, au sens de l’article 1er, 1°, entraîne une modification substantielle des conditions de travail au désavantage du travailleur, la résiliation du contrat de travail est considérée comme intervenue du fait de l’employeur. »

III. Les faits à l’origine du litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

15. Mme Govaerts était employée en tant que femme de ménage depuis le 16 novembre 1992 par la société Multiple Immo Services NV, puis par ses successeurs en droit, d’abord la société CCA NV puis la société ISS Facility Services. Elle était liée à son employeur par trois contrats de travail à temps partiel distincts.

16. Le 1er septembre 2004, Mme Govaerts a conclu un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec ISS Facility Services, tout en conservant son ancienneté acquise depuis le 16 novembre 1992. ISS Facility Services était chargée du nettoyage et de l’entretien de divers bâtiments de la ville de Gand répartis en trois lots. Le premier comprenait les musées et bâtiments historiques, le deuxième, les bibliothèques et les centres communautaires et, le troisième, les bâtiments administratifs. Le 1er avril 2013, Mme Govaerts est devenue gestionnaire d’antenne des trois chantiers correspondant à ces lots. Elle a été en incapacité de travail du 23 avril au 26 juillet 2013.

17. La ville de Gand a lancé un appel d’offres relatif à l’ensemble des lots susmentionnés, pour la période comprise entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2016. À l’issue de cette procédure, le 13 juin 2013, ISS Facility Services n’a pas été retenue. Le premier et le troisième lot ont été attribués à Atalian, tandis que le deuxième lot a été attribué à Cleaning Masters.

18. Le 1er juillet 2013, ISS Facility Services a informé Atalian que, étant donné que Mme Govaerts travaillait à temps plein sur ces chantiers, qui avaient été repris par Atalian à hauteur d’environ 85 %, la convention collective nº 32 bis devait lui être appliquée. Atalian a contesté cette analyse dès le 3 juillet 2013.

19. Par lettre recommandée du 30 août 2013, ISS Facility Services a informé Mme Govaerts que, en raison du transfert d’entreprise et de son affectation sur les chantiers correspondant aux lots 1 et 3, elle entrerait au service d’Atalian à compter du 1er septembre 2013, date à partir de laquelle elle ne ferait plus partie du personnel d’ISS Facility Services. En conséquence, ISS Facility Services a délivré à Mme Govaerts une attestation de chômage mentionnant la date du 31 août 2013 comme dernier jour d’emploi.

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