Ruxandra Paula Andriciuc and Others v Banca Românească SA.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 September 2017
62016CJ0186

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

20 septembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 3, paragraphe 1, et article 4, paragraphe 2 – Appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles – Contrat de crédit conclu dans une devise étrangère – Risque de change entièrement à la charge du consommateur – Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat – Moment auquel le déséquilibre doit être apprécié – Portée de la notion de clauses “rédigées de façon claire et compréhensible” – Niveau d’information devant être procuré par la banque »

Dans l’affaire C‑186/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Oradea (cour d’appel d’Oradea, Roumanie), par décision du 3 mars 2016, parvenue à la Cour le 1er avril 2016, dans la procédure

Ruxandra Paula Andriciuc e.a.

contre

Banca Românească SA,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, Mme A. Prechal (rapporteur), M. A. Rosas, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 février 2017,

considérant les observations présentées :

pour Ruxandra Paula Andriciuc e.a., par Mes G. Piperea, A. Dimitriu, L. Hagiu et C. Șuhan, avocaţi,

pour Banca Românească SA, par Mes R. Radu Tureac, V. Rădoi et D. Nedea, avocaţi,

pour le gouvernement roumain, par M. R.-H. Radu ainsi que Mmes L. Liţu, M. Chicu et E. Gane, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes C. Gheorghiu et G. Goddin ainsi que par M. D. Roussanov, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Ruxandra Paula Andriciuc et 68 autres personnes à Banca Românească SA (ci-après la « banque »), au sujet du caractère prétendument abusif de clauses insérées dans des contrats de crédit, prévoyant, notamment, le remboursement des crédits dans la même devise étrangère que celle dans laquelle ceux-ci ont été octroyés.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 1er de la directive 93/13 prévoit :

« 1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2. Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

4

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

5

L’article 4 de ladite directive est rédigé comme suit :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

6

L’article 5 de la même directive dispose :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. [...] »

Le droit roumain

7

L’article 1578 du Cod Civil (code civil), dans sa version en vigueur à la date de conclusion des contrats en cause au principal, prévoit :

« L’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme énoncée au contrat.

S’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

Il ressort de la décision de renvoi que, entre l’année 2007 et l’année 2008, les requérants au principal, qui, au cours de cette période, percevaient leurs revenus en lei roumains (RON), ont conclu avec la banque des contrats de crédit libellés en franc suisse (CHF) en vue de l’acquisition de biens immobiliers, du refinancement d’autres crédits ou afin de répondre à des besoins personnels.

9

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de chacun de ces contrats, les requérants au principal étaient tenus de rembourser les mensualités des crédits dans la même devise que celle dans laquelle ces derniers avaient été contractés, à savoir en franc suisse, avec pour conséquence que le risque de change, impliquant une augmentation des mensualités en cas de baisse du taux de change du leu roumain par rapport au franc suisse, restait entièrement à leur charge. En outre, ces contrats comportaient, respectivement à leur article 9, paragraphe 1, et à leur article 10, paragraphe 3, point 9, deux clauses autorisant la banque, une fois les mensualités arrivées à échéance ou en cas de non-respect par l’emprunteur des obligations résultant desdits contrats, de débiter le compte de l’emprunteur et, si nécessaire, de procéder à toute conversion des liquidités disponibles sur son compte dans la devise du contrat, au taux de change pratiqué par la banque le jour de ladite opération. En application de ces clauses, toute différence dans le taux de change restait à la charge exclusive de l’emprunteur.

10

Selon les requérants au principal, la banque était en mesure de prévoir l’évolution et les fluctuations du taux de change du franc suisse. À cet égard, le risque de change aurait été exposé de manière incomplète dans la mesure où, contrairement aux autres devises étrangères servant de devise de référence pour des prêts, la banque n’aurait pas expliqué que celui-ci fluctuait sensiblement par rapport au leu roumain.

11

Plus généralement, la présentation aurait été effectuée de manière biaisée en mettant en exergue les bénéfices de ce type de produit et de la devise utilisée, tout en négligeant d’en montrer les risques potentiels ainsi que de la probabilité de leur réalisation. Dans ce contexte, les requérants au principal allèguent que, à défaut de les avoir informés de manière transparente sur ces fluctuations, la banque a agi en violation de ses obligations d’information, de mise en garde et de conseil ainsi que de son devoir de rédaction de clauses contractuelles de façon claire et compréhensible afin que chaque emprunteur puisse apprécier l’étendue des obligations résultant du contrat qu’il a conclu.

12

Estimant que les clauses prévoyant le remboursement des crédits en franc suisse, en ce qu’elles faisaient peser le risque de change sur les emprunteurs, constituaient des clauses abusives, les requérants au principal ont saisi le Tribunalul Bihor (tribunal de Bihor, Roumanie) d’un recours visant à l’annulation de ces clauses ainsi qu’à l’émission par la banque d’un nouvel échéancier de paiements prévoyant la conversion des prêts en lei roumains, au taux de change en vigueur au moment de la conclusion des contrats de crédit en cause au principal.

13

Par un arrêt du 30 avril 2015, le Tribunalul Bihor (tribunal de Bihor) a rejeté le recours. Cette juridiction a estimé que, même non négociée avec les emprunteurs, la clause prévoyant le remboursement des crédits dans la même devise que celle dans laquelle ils avaient été contractés n’était pas abusive.

14

Les requérants au principal ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi. Ils font valoir que le déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties a été causé par la dépréciation du leu roumain par rapport au franc suisse, survenue après la conclusion des contrats, et que la Cour ne s’est jamais prononcée sur une question de cette nature dans ses arrêts relatifs à l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, concernant la notion de « déséquilibre significatif ».

15

La juridiction de renvoi fait observer que, en l’occurrence, depuis l’octroi des prêts en cause au principal, le cours du franc suisse a considérablement augmenté et que les requérants au principal ont subi les effets d’une telle augmentation. Il est donc...

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