G. C. Allen y otros contra Amalgamated Construction Co. Ltd.

JurisdictionEuropean Union
Date08 July 1999
CourtCourt of Justice (European Union)
EUR-Lex - 61998C0234 - FR 61998C0234

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 8 juillet 1999. - G. C. Allen e.a. contre Amalgamated Construction Co. Ltd. - Demande de décision préjudicielle: Industrial Tribunal, Leeds - Royaume-Uni. - Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise - Transfert à l'intérieur d'un même groupe de sociétés. - Affaire C-234/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-08643


Conclusions de l'avocat général

1 L'Industrial Tribunal de Leeds, au Royaume-Uni, a posé à la Cour de justice, conformément à l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), deux questions relatives à l'interprétation de la directive 77/187/CEE (1) sur le maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises (ci-après la «directive 77/187»). Il s'agit de savoir, en substance, s'il peut y avoir transfert au sens de cette directive lorsque l'opération a lieu entre deux sociétés qui non seulement appartiennent au même groupe, mais ont également le même propriétaire, une direction et des installations communes, et qui se consacrent, en partie, à la même activité.

I - Les faits du litige au principal

2 L'affaire dans laquelle s'est posée la question d'interprétation du droit communautaire a pour origine une action introduite par un groupe de travailleurs, qui demandent à l'Industrial Tribunal de Leeds de dire, en application de l'article 11 du texte refondu de la loi relative à la protection de l'emploi de 1978 ( Employment Protection (Consolidation) Act 1978), quelles étaient leurs conditions d'emploi dans la société Amalgamated Construction Co. Ltd. (ci après «ACC»), partie défenderesse. Pour cela, cette juridiction doit décider si le règlement relatif à la protection de l'emploi en cas de transferts d'entreprises [Transfer of Undertakings (Protection of Employment) Regulations 1981), qui a pour objet de transposer la directive 77/187 en droit interne, est applicable à ce litige.

3 D'après les informations figurant dans l'ordonnance de renvoi, à la suite de la nationalisation de l'industrie charbonnière, British Coal a effectué la plus grande partie de l'abattage en profondeur dans ce secteur. Dans un premier temps, le propriétaire de la mine s'est chargé lui-même, en utilisant son propre personnel, des travaux de construction et de génie civil nécessaires pour pouvoir accéder au minerai et l'extraire. Ultérieurement, il a commencé à faire appel à des contractants externes.

4 ACC est l'un de ces contractants. Son activité dans le secteur minier remonte à vingt-cinq ans. Elle a travaillé principalement pour British Coal et, par la suite, pour RJB Mining (UK) Limited (ci-après «RJB») lorsque cette société a acquis une partie des actifs de British Coal après la privatisation de cette dernière en 1994. ACC est une filiale à 100 % D'AMCO Corporation PLC (ci-après «AMCO»). Celle-ci possède une autre filiale à 100 %, AM Mining Services Limited (ci-après «AMS»). Le groupe AMCO est composé d'une dizaine d'autres sociétés. Il dispose de bureaux communs qui assurent de manière centralisée certaines fonctions pour les sociétés filiales, telles que la gestion du personnel, la paye et la comptabilité.

5 L'activité d'ACC consiste principalement à construire la voirie souterraine et à creuser des galeries. Il s'agit d'un secteur concurrentiel, où les travaux sont presque toujours concédés par voie d'appel d'offres, sans qu'il n'existe aucune garantie que le propriétaire de la mine confie à nouveau le marché à la même entreprise une fois que le contrat en cours est expiré. Toutefois, il est manifeste que les contrats tendent à être reconduits, ne serait-ce que parce que le propriétaire de la mine connaît d'expérience le contractant et sait qu'en procédant ainsi, il n'y aura aucune période de transition entre les anciens et les nouveaux contrats, de sorte que la continuité des travaux est assurée. Dans l'ordonnance de renvoi, l'Industrial Tribunal affirme qu'ACC n'a jamais perdu aucun marché dans une procédure d'appel d'offres.

6 En revanche, AMS, l'autre filiale en cause dans le présent litige, est bien plus récente. Elle a été créée en 1993 afin de concurrencer d'autres sous-traitants dans des tâches en rapport avec la fermeture de mines, telles que le comblement de puits, mais il n'était pas prévu en principe qu'elle effectue, comme ACC, des travaux d'excavation. Lorsqu'elle a commencé ses activités, elle disposait d'une personnalité juridique propre et de ses propres employés, et avait sa propre politique en matière d'emploi. Elle a réussi à obtenir et à exécuter de nouveaux contrats, et employait quelque 150 salariés en 1993.

7 La durée des différends travaux était précisée dans les contrats y relatifs. Lors de l'attribution d'un marché, la durée en était connue et les préavis de licenciement étaient délivrés au personnel à titre conservatoire. Certains demandeurs ont travaillé plusieurs années dans ces conditions précaires.

A l'approche de l'échéance d'un certain nombre de contrats, à l'automne 1994, ACC a notifié 92 licenciements potentiels pour motif économique à l'autorité compétente, ainsi qu'à la National Union of Mineworkers (ci-après «NUM») (2), le syndicat représentatif de la majorité des salariés concernés.

8 En août 1994, British Coal a lancé un appel d'offres pour l'attribution d'un marché portant sur de gros travaux de forages aux houillères Prince of Wales. ACC a estimé ne pas être en mesure de concurrencer d'autres contractants, à moins de faire une offre basée sur des coûts salariaux sensiblement inférieurs à ceux des marchés précédents. Elle a alors présenté une offre stipulant que le contrat serait exécuté non pas par ses propres salariés mais par ceux d'AMS, dont les conditions de travail étaient analogues à celles du personnel des autres concurrents (3).

ACC a emporté le marché et a cédé ses droits à AMS (4). A la suite de cette cession, il n'y a plus eu assez de travail pour tous les employés d'ACC; certains d'entre eux ont reçu le préavis de licenciement et ont été informés qu'ils pourraient être réembauchés par AMS après une interruption d'un week-end (5).

9 Vers la fin mars 1995 arrivait à échéance un autre marché attribué à ACC, que celle-ci faisait exécuter par son propre personnel; elle a donc notifié au ministère du Travail et à la NUM les licenciements pour cause économique envisagés (6). A cette époque, RJB a concédé de nouveaux contrats à ACC, sur la base d'offres qui comportaient les conditions de travail d'AMS. Comme auparavant, les salariés licenciés par ACC ont été recrutés immédiatement par AMS aux conditions d'emploi en vigueur chez cette dernière, et ceux qui y avaient droit ont touché une indemnité de licenciement versée par ACC. Dans ce cas également, et bien que la modification ait été en rapport avec le contrat qui venait d'entrer en vigueur, la nature du travail dans la mine était la même, de sorte qu'il n'y avait aucune solution de continuité véritable entre les deux emplois (7).

10 Quelque temps après, RJB s'est déclarée préoccupée des conditions de travail pratiquées par différents contractants, dont AMS, et de leur dégradation. Elle estimait que les salariés de ces sociétés manquaient en général de motivation, et que cette absence de motivation était peut-être due au fait que les conditions de travail qui leur étaient proposées étaient beaucoup moins favorables que celles qu'ils avaient connues auparavant. En conséquence, le propriétaire de la mine a envoyé une lettre circulaire à tous les sous-traitants en leur demandant d'accorder à leur personnel une durée minimale de congés payés et d'améliorer d'autres aspects de leurs conditions de travail. Ces modifications ont eu pour effet de réduire l'avantage dont jouissaient certaines entreprises minières concurrentes d'ACC, et RJB a suggéré qu'à l'avenir, ce soit ACC et non AMS qui exécute les contrats.

11 ACC a participé à de nouveaux appel d'offres pour des travaux à effectuer dans la même mine. Ses offres reflétaient les changements intervenus dans les conditions de travail, et le fait qu'elle ne cherchait plus à passer de contrats de sous-traitance avec AMS. Toutefois, elle avait besoin de main-d'oeuvre, puisqu'elle avait licencié une bonne partie de son personnel lors des cessions de contrats antérieurs à AMS. Elle n'a pas recruté à l'extérieur, mais a embauché, aux conditions qu'elle appliquait à l'époque, les salariés qui avaient travaillé pour AMS et dont l'emploi touchait à sa fin. Ces conditions étaient meilleures, à divers points de vue, que celles d'AMS, sans toutefois être aussi favorables que celles qui étaient en vigueur chez elle avant 1994 (8).

12 Les demandeurs dans le litige au principal sont vingt-trois mineurs ayant travaillé pour ACC jusqu'à leur licenciement, qui ont été ensuite embauchés par AMS à des conditions de travail moins favorables et qui, après avoir été licenciés par cette dernière société, ont été réembauchés par ACC.

II - Les questions préjudicielles

13 Aux fins de trancher ce litige, l'Industrial Tribunal de Leeds a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes:

«1. La directive sur les droits acquis (77/187/CEE) est-elle susceptible de s'appliquer à deux sociétés d'un même groupe, ayant les mêmes propriétaires, la même direction, les mêmes locaux et travaillant au même ouvrage ou convient-il de considérer que ces sociétés constituent une entreprise unique aux fins de la directive ? En particulier, peut-il y avoir transfert d'une entreprise aux fins de la directive lorsque la société A transfère une partie importante de son personnel à la société B appartenant au même groupe de sociétés ?

2. En cas de réponse affirmative à la première question, quels sont les critères qui permettent de conclure qu'il y eu un transfert ? En particulier, est-on en présence d'un transfert d'entreprise...

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