Arrêts nº T-546/19 of Tribunal General de la Unión Europea, April 02, 2020

Resolution DateApril 02, 2020
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-546/19

Marque de l’Union européenne - Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle - Forme d’un récipient doré avec une sorte de vague - Motif absolu de refus - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 - Absence de caractère distinctif

Dans l’affaire T-546/19,

Isigny-Sainte Mère, établie à Isigny-sur-Mer (France), représentée par Me D. Mallo Saint-Jalmes, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 22 mai 2019 (affaire R 1513/2018-5), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un récipient doré avec une sorte de vague comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, Z. Csehi et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 octobre 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le 8 mars 2018, la requérante, Isigny-Sainte Mère, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

Image not found

3 Le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé relève de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspond à la description suivante : « Beurre ».

4 Par décision du 17 juillet 2018, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

5 Le 2 août 2018, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001.

6 Le 5 mars 2019, le rapporteur de la chambre de recours a envoyé une lettre à la requérante étayant les motifs de refus soulevés par l’examinateur. Le 3 mai 2019, la requérante a répondu à cette lettre.

7 Par décision du 22 mai 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour le produit visé au point 3 ci-dessus.

8 Afin d’arriver à cette conclusion, en premier lieu, la chambre de recours a considéré que le produit visé par la marque demandée était destiné au grand public de l’Union européenne, qui faisait preuve d’un niveau d’attention raisonnable et était censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

9 En deuxième lieu, la chambre de recours a relevé que la requérante n’avait pas contesté le constat de l’examinateur selon lequel la marque demandée était « un récipient doré rond avec une sorte de vague autour ».

10 En troisième lieu, selon la chambre de recours, la marque demandée sera perçue par les consommateurs comme une forme d’emballage n’ayant rien d’original et ne se distinguant pas d’emballages très similaires présents sur le marché. En effet, ils n’auraient pas pour habitude de présumer l’origine du produit visé en se fondant sur la forme sous laquelle il est conditionné. Encore faudrait-il que la forme diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, soit susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine. Or, en l’espèce, même si aucun exemple de conditionnement identique n’aurait été trouvé pour du beurre, des conditionnements très semblables à la marque demandée seraient utilisés pour du beurre et d’autres produits utilisés au même moment de la journée, c’est-à-dire surtout au petit déjeuner, tels que le lait, la tomate, ou la marmelade. Les consommateurs seraient donc habitués à trouver dans les supermarchés ou les établissements de restauration des dosettes telles que celle dont l’enregistrement est demandé. Ce serait un fait notoire que le beurre peut être vendu en petites portions ou en dosettes individuelles et que l’usage de telles dosettes est fréquent dans les hôtels, dans les bars et dans d’autres établissements. En outre, le Tribunal aurait déjà jugé que les produits laitiers solides, comme le fromage ou le beurre, sont habituellement présentés sous des formes simples comme, notamment, des ronds, et il serait notoire que les produits alimentaires, dont le beurre, peuvent être emballés dans des récipients présentant différentes formes et couleurs. Les dosettes de forme ronde seraient fréquentes notamment sur le marché des fromages. La couleur dorée et la vague ornant le récipient seraient de simples éléments décoratifs, qui ne seraient pas rares dans le domaine des produits alimentaires. De plus, une simple divergence de la norme ou des habitudes du secteur ne suffirait pas en vertu de la jurisprudence pour écarter le motif de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Or, en ce qui concerne le beurre, la chambre de recours a estimé que la marque demandée ne divergeait pas de manière significative des caractéristiques habituelles des produits de la même catégorie existant sur le marché et ne serait donc perçue que comme une simple variante des conditionnements similaires, et non comme une marque.

11 En quatrième lieu, les autres marques tridimensionnelles invoquées par la requérante et visant des produits alimentaires relevant des classes 29 et 30 dont l’enregistrement a été accepté par l’EUIPO ne présenteraient aucune ressemblance avec la marque demandée et ne couvriraient pas le beurre. En tout état de cause, le caractère distinctif d’une marque devrait être apprécié uniquement sur la base du règlement 2017/1001, et non sur la base de la pratique décisionnelle de l’EUIPO.

Conclusions des parties

12 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

13 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

14 À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

15 Ledit moyen est articulé en trois branches. En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a erronément délimité le secteur par rapport auquel devait être examiné le caractère distinctif de la marque demandée. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, contrairement à la conclusion de la chambre de recours, la marque demandée, eu égard à sa matière, à sa couleur, à sa forme et à la vague en relief, diverge de manière significative des normes et des habitudes du secteur du beurre. En troisième et dernier lieu, la chambre de recours aurait violé le principe d’égalité de traitement et l’obligation de motivation en ne tenant pas compte de la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO, sans en expliquer les raisons.

Sur la première branche , tirée d’une erreur dans la délimitation du secteur concerné

16 La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir défini de manière trop large le secteur par rapport auquel le caractère distinctif de la marque demandée devait être apprécié. Elle déduit de l’arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland (C-363/99, EU:C:2004:86, point 34), que seuls les produits spécifiquement couverts par la demande d’enregistrement, à savoir, en l’espèce, le beurre, ont vocation à être pris en compte dans l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée. Or, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait fait référence à des exemples de conditionnements de produits qui ne seraient pas semblables au beurre, ne seraient pas vendus dans le même rayon que celui-ci et ne proviendraient pas des mêmes producteurs.

17 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

18 À cet égard, conformément à l’article 4 du règlement 2017/1001, la forme d’un produit ou de son conditionnement est susceptible de constituer une marque de l’Union européenne, à condition que celle-ci soit propre à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

19 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.

20 Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque, au sens de cette dernière disposition, signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 24 septembre 2019, Fränkischer Weinbauverband/EUIPO (Forme d’une bouteille ellipsoïdale), T-68/18, non publié, EU:T:2019:677, point 15 et jurisprudence citée].

21 Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 16 janvier 2014, Steiff/OHMI (Étiquette avec bouton en métal au milieu de l’oreille...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT