Czech Republic v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
Date09 July 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

9 juillet 2020 (*)

« Pourvoi – Ressources propres de l’Union européenne – Responsabilité financière des États membres – Demande de dispense de mise à disposition de ressources propres – Recours en annulation – Recevabilité – Lettre de la Commission européenne – Notion d’“acte attaquable” – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Protection juridictionnelle effective – Recours fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union »

Dans l’affaire C‑575/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 septembre 2018,

République tchèque, représentée par MM. O. Serdula, J. Vláčil et M. Smolek, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. K. Bulterman, C. S. Schillemans, M. L. Noort et M. H. S. Gijzen ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée initialement par Mmes M. Owsiany-Hornung et Z. Malůšková, puis par Mme Z. Malůšková ainsi que par M. J.-P. Keppenne, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, M. A. Arabadjiev, Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi et M. I. Jarukaitis, présidents de chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič, J. Malenovský, L. Bay Larsen, Mme K. Jürimäe (rapporteure), MM. N. Piçarra et A. Kumin, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. M. Aleksejev, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 novembre 2019,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 12 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la République tchèque demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 28 juin 2018, République tchèque/Commission (T‑147/15, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2018:395), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision du directeur de la direction « Ressources propres et programmation financière » de la direction générale du budget de la Commission européenne qui serait contenue dans la lettre portant la référence Ares (2015)217973, du 20 janvier 2015 (ci-après la « lettre litigieuse »).

Le cadre juridique

Les décisions 2000/597/CE, Euratom et 2007/436/CE, Euratom

2 S’agissant de la période concernée par les faits à l’origine du litige, deux décisions relatives au système des ressources propres de l’Union européenne se sont appliquées successivement, à savoir la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 253, p. 42), puis, à compter du 1er janvier 2007, la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2007, L 163, p. 17).

3 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 2000/597, dont le contenu a été repris, en substance, à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, constituent des ressources propres inscrites au budget général de l’Union européenne les recettes provenant, notamment, « des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions [de l’Union] sur les échanges avec les pays non membres ».

4 L’article 8, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, des décisions 2000/597 et 2007/436 prévoit, notamment, d’une part, que ces ressources propres de l’Union sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation de l’Union, et, d’autre part, que les États membres mettent lesdites ressources à la disposition de la Commission.

Le règlement no 1150/2000

5 Le règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436 (JO 2000, L 130, p. 1), est le résultat de deux modifications introduites, au cours de la période concernée par les faits à l’origine du litige, respectivement, avec effet au 28 novembre 2004, par le règlement (CE, Euratom) nº 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 352, p. 1), et, avec effet au 1er janvier 2007, par le règlement (CE, Euratom) nº 105/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009 (JO 2009, L 36, p. 1) (ci-après le « règlement nº 1150/2000 »).

6 En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 1150/2000, un droit de l’Union sur les ressources propres est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.

7 L’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous a) et b), de ce règlement prévoit :

« 1. Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

[...]

3.

a) Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

b) Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus. »

8 L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement dispose :

« Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné. »

9 Conformément à l’article 10, paragraphe 1, du même règlement :

« Après déduction des frais de perception, en application de l’article 2, paragraphe 3, et de l’article 10, paragraphe 3, de la décision [2007/436], l’inscription des ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, [sous] a), de cette décision intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 du présent règlement.

Toutefois, pour les droits repris dans la comptabilité séparée conformément à l’article 6, paragraphe 3, [sous] b), du présent règlement, l’inscription doit intervenir au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits. »

10 En vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 1150/2000, tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard.

11 L’article 17, paragraphes 1 à 4, dudit règlement énonce :

« 1. Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2. Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables :

a) soit pour des raisons de force majeure ;

b) soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

Les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables par décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement.

Les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables au plus tard après une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été constaté conformément à l’article 2 ou, en cas de recours administratif ou judiciaire, à compter de la date de la notification ou de la publication de la décision définitive.

En cas de paiement échelonné, la période de cinq ans au maximum court à compter du dernier paiement effectif dans la mesure où celui-ci ne solde pas la dette.

Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité séparée visée à l’article 6, paragraphe 3, [sous] b). Ils sont mentionnés en annexe au relevé trimestriel visé au paragraphe 4, [sous] b), du même article ainsi que, le cas échéant, dans le relevé trimestriel visé au paragraphe 5 de cet article.

3. Dans les trois mois suivant la décision administrative mentionnée au paragraphe 2 ou suivant l’échéance visée à ce même paragraphe, les États membres communiquent à la Commission les éléments d’information portant sur les cas d’application dudit paragraphe 2 pour autant que le montant des droits constatés en jeu dépasse 50 000 euros.

[...]

4. La Commission dispose d’un délai de six mois à compter de la réception de la communication visée au paragraphe 3 pour transmettre ses observations à l’État membre concerné.

[...] »

Les antécédents du litige et la lettre litigieuse

12 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 9 de l’ordonnance attaquée. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés comme suit.

13 Le 30 mai 2008, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a adopté un rapport final relatif à une enquête qui portait sur des vérifications concernant l’importation de briquets de poche avec pierre en provenance du Laos, au cours de la période comprise entre les années 2004 et 2007.

14 Ce rapport indiquait que « les éléments de preuve de l’origine chinoise établis au cours de la mission d’inspection [suffisaient] pour que les...

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