Conclusiones del Abogado General Sr. M. Campos Sánchez-Bordona, presentadas el 3 de marzo de 2020.

JurisdictionEuropean Union
Date03 March 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 3 mars 2020 (1)

Affaire C24/19

A,

B,

C,

D,

E

contre

Gewestelijke stedenbouwkundige ambtenaar van het departement Ruimte Vlaanderen, afdeling Oost-Vlaanderen,

en présence de :

Organisatie voor Duurzame Energie Vlaanderen VZW

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad voor Vergunningsbetwistingen (Conseil du contentieux des permis, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences de certains “plans et programmes” sur l’environnement – Évaluation environnementale stratégique – Notion de “plans et programmes” – Conditions relatives à l’installation d’éoliennes établies par un arrêté réglementaire et une circulaire administrative – Conséquences juridiques de l’absence d’évaluation environnementale stratégique – Possibilité, pour un juge national, de maintenir provisoirement les effets des actes nationaux »






1. L’évaluation des effets (ou répercussions) sur l’environnement de certains « projets » ou de certains « plans et programmes » est l’un des principaux instruments du droit de l’Union en vue d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement.

2. L’évaluation environnementale des projets est régie par la Directive 2011/92/UE (2) ; celle des plans est programmes est régie par la directive 2001/42/CE (3). Sauf erreur de ma part, la Cour a rendu, à ce jour, dix-sept arrêts relatifs à cette dernière directive, dont un pourcentage considérable trouve son origine dans des questions préjudicielles posées par des juridictions belges.

3. Le Raad voor Vergunningsbetwistingen (Conseil du contentieux des permis, Belgique) pose à la Cour une série de questions liées au champ d’application de la directive ESIE et l’invite, en particulier, à reconsidérer sa jurisprudence constante issue de l’arrêt du 22 mars 2012, Inter-Environnement Bruxelles e.a. (4).

4. Ce même organe juridictionnel souhaite savoir si les juges nationaux peuvent maintenir temporairement les effets de la réglementation nationale en cause dans l’hypothèse où celle‑ci n’est pas compatible avec le droit de l’Union, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne (5).

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union. La directive 2001/42

5. Aux termes de l’article premier :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

6. L’article 2 dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par la Communauté européenne, ainsi que leurs modifications :

– élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

– exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ;

b) “évaluation environnementale” : l’élaboration d’un rapport sur les incidences environnementales, la réalisation de consultations, la prise en compte dudit rapport et des résultats des consultations lors de la prise de décision, ainsi que la communication d’informations sur la décision, conformément aux articles 4 à 9 ;

[...] ».

7. En vertu de l’article 3 :

« 1. Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2. Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a) qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE pourra être autorisée à l’avenir ; ou

b) pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE.

3. Les plans et programmes visés au paragraphe 2 qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local et des modifications mineures des plans et programmes visés au paragraphe 2 ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque les États membres établissent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

[…] »

B. Le droit belge

1. Section 5.20.6 du Besluit van de Vlaamse regering van 1 juni 1995 houdende algemene en sectorale bepalingen inzake milieuhygiëne (6)

8. Le VLAREM II, adopté en exécution de dispositions antérieures du gouvernement flamand (7) , a subi en 2011 (8) une importante modification consistant à y ajouter la section 5.20.6, intitulée « Installations de production d’électricité par l’énergie éolienne ».

9. Cette section 5.20.6 contient des dispositions relatives aux parcs éoliens et portant sur l’ombre stroboscopique, sur certains aspects de la sécurité ainsi que sur le bruit de ces installations de production d’énergie éolienne.

2. Circulaire administrative de 2006 (9)

10. La circulaire est destinée aux collèges des bourgmestre et échevins, aux conseillers communaux, aux gouverneurs de province, aux membres des députations permanentes (des provinces) et aux fonctionnaires compétents en matière de permis.

11. Elle fixe les lignes d’orientation du gouvernement flamand en vue d’offrir des perspectives suffisantes de développement à l’énergie éolienne terrestre et de réduire ses effets sur différents secteurs (notamment la nature, le paysage, l’environnement d’habitat et de vie, l’économie, le bruit, la sécurité, le rendement énergétique, etc.).

12. Elle établit, pour chacun de ces domaines, des normes qui – tout comme celles prévues par le VLAREM II – abordent de manière plus détaillée des sujets tels que le bruit, l’ombre stroboscopique, la sécurité et la nature des installations éoliennes.

13. La circulaire se fonde sur les piliers que sont le développement urbanistique durable et l’utilisation durable de l’énergie, ainsi que sur les avantages de l’énergie éolienne et sa plus-value par rapport à d’autres sources d’énergie.

14. Le principe d’aménagement du territoire du regroupement déconcentré (ou clustering) occupe une place centrale : le regroupement aussi poussé que possible des éoliennes doit garantir la conservation de l’espace ouvert restant dans une région aussi fortement urbanisée que la Flandre.

15. La circulaire décrit enfin le rôle du Windwerkgroep (groupe de travail « Vent »), qui a pour mission de sélectionner des sites pour des parcs d’éoliennes de grande taille et de les proposer au Minister van Ruimtelijke Ordening (ministre du gouvernement flamand chargé de l’Aménagement du Territoire). Ce groupe de travail fournit par ailleurs des conseils dans le cadre des demandes individuelles de permis.

II. Le litige au principal et les questions préjudicielles

16. Le 25 mars 2011, la société Electrabel NV a déposé auprès de l’administration compétente une demande de permis d’urbanisme en vue d’ériger huit éoliennes. En cours de procédure, elle a retiré sa demande pour l’une d’entre elles.

17. Le 30 novembre 2016, le fonctionnaire compétent (10) a décidé de délivrer un permis d’urbanisme sous conditions pour la construction de cinq éoliennes le long de l’autoroute E40, sur les communes d’Aalter et de Nevele (11). La motivation de cette décision fait référence à la réglementation pertinente, y compris le VLAREM II et la circulaire.

18. Le permis a été accordé après examen des griefs et observations présentés, qui concernaient, entre autres, l’incidence sur l’intérêt paysager, les nuisances sonores, l’aménagement du territoire, l’ombre stroboscopique et la sécurité (12).

19. Cinq parties requérantes au principal ont demandé à l’organe juridictionnel de renvoi d’annuler la décision du 30 novembre 2016. Elles ont fait valoir que cette dernière était fondée sur un corpus normatif (le VLAREM II et la circulaire) incompatible avec l’article 2, sous a), et avec l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive ESIE, dès lors qu’il a été adopté sans l’évaluation environnementale requise.

20. L’administration flamande considère que ce corpus normatif n’est ni un plan, ni un programme au sens de la directive ESIE, puisqu’il n’instaure pas un système cohérent et suffisamment complet pour l’implantation de projets éoliens.

21. Malgré les précisions apportées par l’arrêt D’Oultremont (13), l’organisme de renvoi s’interroge sur la validité du corpus normatif flamand (le VLAREM II et la circulaire) ainsi que sur le fondement juridique des autorisations d’implantation d’éoliennes en cause s’il devait apparaître que ledit corpus exigeait une évaluation environnementale.

22. Il invite par ailleurs la Cour à reconsidérer la jurisprudence constante issue de l’arrêt Inter-Environnement Bruxelles e.a., relative au syntagme « exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives » visé à l’article 2, sous a), de la directive ESIE (14).

23. Selon l’organisme de renvoi, la Cour devrait privilégier une interprétation plus proche de l’intention du législateur de l’Union, qui consisterait à limiter l’application de cette disposition aux actes devant...

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