Opinion of Advocate General Hogan delivered on 16 July 2020.

JurisdictionEuropean Union
Date16 July 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 16 juillet 2020 (1)

Affaire C485/18

Groupe Lactalis

contre

Premier ministre,

Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation,

Garde des Sceaux, ministre de la Justice,

Ministre de l’Économie et des Finances

(demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État, France)

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 1169/2011 – Information des consommateurs sur les denrées alimentaires – Article 26 – Indication obligatoire du pays d’origine – Champ d’application de l’harmonisation – Article 3 – Mesures nationales exigeant des mentions obligatoires complémentaires pour des types ou catégories spécifiques de denrées alimentaires – Conditions – Mesure nationale prévoyant l’indication obligatoire de l’origine nationale, européenne ou extra européenne du lait »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle concerne l’interprétation de l’article 26 et de l’article 39 du règlement (UE) nº 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Groupe Lactalis, d’une part, au Premier ministre français, au ministre de la Justice, au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et au ministre de l’Économie et des Finances, d’autre part, au sujet de la légalité du décret nº 2016‑1137, du 19 août 2016, relatif à l’indication de l’origine du lait et du lait et des viandes utilisés en tant qu’ingrédient (JORF nº 0194 du 21 août 2016, ci‑après le « décret litigieux »). Ce décret a pour effet, dans le cas du lait, d’obliger les producteurs à en indiquer l’origine sur l’étiquetage du produit.

3. On ne sera peut-être pas étonné d’observer que l’indication du pays d’origine sur l’étiquetage des produits fait partie des caractéristiques les plus controversées du marché unique. Il est assez fréquent que de telles exigences d’étiquetage ne constituent qu’une méthode déguisée pour assurer la préférence des produits nationaux (3). Il existe toutefois des cas dans lesquels il existe un lien clair et avéré entre la provenance de la denrée alimentaire en cause et ses qualités. L’existence même du règlement (CEE) nº 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (4), en constitue en soi une preuve. La véritable question soulevée par la présente affaire est celle de savoir si une mesure nationale qui impose, dans le cas du lait, une telle exigence peut être justifiée au regard du droit de l’Union. Toutefois, pour les raisons que je vais indiquer, je ne crois pas que, dans l’hypothèse envisagée par la juridiction de renvoi, cela soit le cas.

4. Avant de procéder à l’examen de ces questions, il convient toutefois de rappeler au préalable la réglementation applicable en la matière.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le règlement no 1169/2011

5. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement nº 1169/211, ce règlement vise à fournir « les dispositions de base permettant d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information sur les denrées alimentaires, dans le respect des différences de perception desdits consommateurs et de leurs besoins en information, tout en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur ».

6. L’article 3, paragraphes 1 et 2, dudit règlement dispose :

« 1. L’information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs en fournissant au consommateur final les bases à partir desquelles il peut décider en toute connaissance de cause et utiliser les denrées alimentaires en toute sécurité, dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques.

2. La législation concernant l’information sur les denrées alimentaires vise à établir, dans l’Union, la libre circulation des denrées alimentaires légalement produites et commercialisées, compte tenu, le cas échéant, de la nécessité de protéger les intérêts légitimes des producteurs et de promouvoir la fabrication de produits de qualité.

[…] »

7. L’article 9, paragraphe 1, sous i), du règlement nº 1169/2011, intitulé « Liste des mentions obligatoires », dispose :

« 1. Conformément aux articles 10 à 35, et sous réserve des exceptions prévues dans le présent chapitre, les mentions suivantes sont obligatoires :

[…]

i) le pays d’origine ou le lieu de provenance lorsqu’il est prévu à l’article 26 ;

[…] »

8. L’article 10 de ce règlement, intitulé « Mentions obligatoires complémentaires pour des types ou catégories spécifiques de denrées alimentaires », dispose :

« 1. En plus des mentions énumérées à l’article 9, paragraphe 1, des mentions obligatoires complémentaires sont prévues à l’annexe III pour des types ou catégories spécifiques de denrées alimentaires.

2. Afin de veiller à l’information du consommateur sur les types ou catégories spécifiques de denrées alimentaires et de tenir compte des progrès scientifiques et techniques, de la protection de la santé des consommateurs ou de l’utilisation des denrées en toute sécurité, la Commission peut modifier l’annexe III par voie d’actes délégués, en conformité avec l’article 51.

[…] »

9. Conformément à l’article 26 du règlement nº 1169/2011, intitulé « Pays d’origine ou lieu de provenance » :

« 1. Le présent article s’applique sans préjudice des exigences d’étiquetage prévues dans des dispositions particulières de l’Union, et notamment le règlement (CE) nº 509/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif aux spécialités traditionnelles garanties des produits agricoles et des denrées alimentaires et le règlement (CE) nº 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires.

2. L’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance est obligatoire :

a) dans les cas où son omission serait susceptible d’induire en erreur les consommateurs sur le pays d’origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l’étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d’origine ou un lieu de provenance différent ;

b) pour la viande relevant des codes de nomenclature combinée (NC) dont la liste figure à l’annexe XI. L’application du présent point est subordonnée à l’adoption des actes d’exécution visés au paragraphe 8.

3. Lorsque le pays d’origine ou le lieu de provenance de la denrée alimentaire est indiqué et qu’il n’est pas celui de son ingrédient primaire :

a) le pays d’origine ou le lieu de provenance de l’ingrédient primaire en question est également indiqué ; ou

b) le pays d’origine ou le lieu de provenance de l’ingrédient primaire est indiqué comme étant autre que celui de la denrée alimentaire.

L’application du présent paragraphe est subordonnée à l’adoption des actes d’exécution visés au paragraphe 8.

4. Dans les cinq ans à compter de la date d’application du paragraphe 2, [sous] b), la Commission présente un rapport au Parlement européen et au Conseil afin d’évaluer l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance pour les produits visés audit point.

5. Au plus tard le 13 décembre 2014, la Commission présente des rapports au Parlement européen et au Conseil concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance pour les denrées suivantes :

a) les types de viande autres que la viande bovine et ceux visés au paragraphe 2, [sous] b) ;

b) le lait ;

c) le lait utilisé comme ingrédient dans les produits laitiers ;

d) les denrées alimentaires non transformées ;

e) les produits comprenant un seul ingrédient ;

f) les ingrédients constituant plus de 50 % d’une denrée alimentaire.

[…]

7. Les rapports visés aux paragraphes 5 et 6 tiennent compte de la nécessité d’informer les consommateurs de la faisabilité de fournir l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance et d’une analyse des coûts et des avantages de l’introduction de telles mesures, y compris les incidences juridiques sur le marché intérieur et l’impact sur le commerce international.

La Commission peut accompagner ces rapports de propositions de modification des dispositions pertinentes de la législation de l’Union.

8. Au plus tard le 13 décembre 2013, après des analyses d’impact, la Commission adopte les actes d’exécution fixant les modalités d’application du paragraphe 2, [sous] b), et du paragraphe 3 du présent article. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 48, paragraphe 2.

[…] »

10. Le chapitre VI, intitulé « Mesures nationales », comprend notamment les articles 38 et 39.

11. L’article 38, intitulé « Mesures nationales », dispose :

« 1. Pour ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l’Union l’autorise. Ces mesures nationales ne peuvent entraver la libre circulation des marchandises, notamment donner lieu à une discrimination à l’encontre de denrées alimentaires provenant d’autres États membres.

2. Sans préjudice de l’article 39, les États membres peuvent adopter des dispositions nationales concernant des questions qui ne sont pas expressément harmonisées par le présent règlement, pour autant que ces mesures n’aient pas pour effet d’interdire, d’entraver ou de restreindre la libre circulation des marchandises qui sont conformes au présent règlement. »

12. L’article 39 du règlement nº 1169/2011, intitulé « Mesures nationales sur les mentions obligatoires complémentaires », dispose :

« 1. Outre les mentions obligatoires visées à l’article 9, paragraphe 1, et à...

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