B. contre Centre public d'action sociale de Líège (CPAS).

JurisdictionEuropean Union
Date30 September 2020
CourtCourt of Justice (European Union)
62019CJ0233

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

30 septembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Directive 2008/115/CE – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie – Décision de retour – Recours juridictionnel – Effet suspensif de plein droit – Conditions – Octroi d’une aide sociale – Articles 19 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑233/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour du travail de Liège (Belgique), par décision du 11 mars 2019, parvenue à la Cour le 18 mars 2019, dans la procédure

B.

contre

Centre public d’action sociale de Liège,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen (rapporteur), Mme C. Toader et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2020,

considérant les observations présentées :

pour B., initialement par Mes D. Andrien et P. Ansay, avocats, puis par Me D. Andrien, avocat,

pour le centre public d’action sociale de Liège, initialement par Mes M. Delhaye et G. Dubois, avocats, puis par Mes M. Delhaye et J.–P. Jacques, avocats,

pour le gouvernement belge, par M. P. Cottin ainsi que par Mmes C. Pochet et C. Van Lul, en qualité d’agents, assistés de Mes C. Piront et S. Matray, avocates,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par MM. J. Langer et J. M. Hoogveld ainsi que par Mmes M. K. Bulterman et M. H. S. Gijzen, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes A. Azema et C. Cattabriga, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 mai 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 5 et 13 ainsi que de l’article 14, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant B., ressortissante d’un pays tiers, au centre public d’action sociale de Liège (Belgique) (ci-après le « CPAS ») au sujet des décisions de ce dernier retirant à B. le bénéfice de l’aide sociale.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 3, point 2, de la directive 2008/115 définit la notion de « séjour irrégulier » comme « la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du [règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1)], ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ».

4

L’article 5 de cette directive énonce :

« Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :

[...]

c)

de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

et respectent le principe de non-refoulement. »

5

L’article 9, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit :

« Les États membres reportent l’éloignement :

[...]

b)

tant que dure l’effet suspensif accordé conformément à l’article 13, paragraphe 2. »

6

L’article 13, paragraphes 1 et 2, de la même directive prévoit :

« 1. Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

2. L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale. »

7

L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/115 dispose :

« Sauf dans la situation visée aux articles 16 et 17, les États membres veillent à ce que les principes ci-après soient pris en compte dans la mesure du possible en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers au cours du délai de départ volontaire accordé conformément à l’article 7 et au cours des périodes pendant lesquelles l’éloignement a été reporté conformément à l’article 9 :

a)

l’unité familiale avec les membres de la famille présents sur le territoire est maintenue ;

b)

les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés ;

c)

les mineurs ont accès au système éducatif de base en fonction de la durée de leur séjour ;

d)

les besoins particuliers des personnes vulnérables sont pris en compte. »

Le droit belge

8

L’article 57, paragraphe 2, de la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d’action sociale, dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d’action sociale se limite à :

l’octroi de l’aide médicale urgente, à l’égard d’un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume ;

[...]

Un étranger qui s’est déclaré réfugié et a demandé à être reconnu comme tel, séjourne illégalement dans le Royaume lorsque la demande d’asile a été rejetée et qu’un ordre de quitter le territoire a été notifié à l’étranger concerné.

L’aide sociale accordée à un étranger qui était en fait bénéficiaire au moment où un ordre de quitter le territoire lui a été notifié, est arrêtée, à l’exception de l’aide médicale urgente, le jour où l’étranger quitte effectivement le territoire et, au plus tard, le jour de l’expiration du délai de l’ordre de quitter le territoire.

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

9

Le 4 septembre 2015, B. a présenté une demande d’asile en Belgique. Cette demande a été rejetée par l’autorité compétente. Le 27 avril 2016, le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique) a rejeté le recours introduit par B. contre la décision de rejet de ladite demande.

10

Le 26 septembre 2016, B. a présenté une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales, motivée par le fait qu’elle souffre de plusieurs maladies graves.

11

Cette demande ayant été déclarée recevable le 22 décembre 2016, B. a bénéficié de l’aide sociale, cette dernière étant à la charge du CPAS.

12

Par des décisions du 28 septembre 2017, notifiées le 23 octobre 2017, la demande d’autorisation de séjour introduite par B. a été rejetée et l’autorité compétente a délivré à l’intéressée un ordre de quitter le territoire belge.

13

B. a introduit, le 28 novembre 2017, un recours tendant à l’annulation et à la suspension de ces décisions devant le Conseil du contentieux des étrangers.

14

Par deux décisions du 28 novembre 2017, le CPAS a retiré à B. le bénéfice de l’aide sociale à compter du 23 octobre 2017. En revanche, il lui a accordé le bénéfice de l’aide médicale urgente à partir du 1er novembre 2017.

15

Le 28 décembre 2017, B. a introduit un recours contre les décisions du CPAS lui retirant le bénéfice de l’aide sociale devant le tribunal du travail de Liège (Belgique) et a demandé à cette juridiction de rétablir ses droits à cette aide à compter du 23 octobre 2017.

16

Par un jugement du 15 mars 2018, cette juridiction a rejeté ce recours en tant qu’il portait sur le bénéfice de l’aide sociale.

17

Le 16 avril 2018, B. a interjeté appel de ce jugement devant la cour du travail de Liège (Belgique).

18

Cette juridiction relève que la période concernée par le recours s’étend, eu égard à la date de notification de l’ordre de quitter le territoire belge et à la suite d’une nouvelle décision adoptée par le CPAS, du 23 novembre 2017 au 31 janvier 2018. Elle souligne que, durant cette période, B. ne disposait pas de titre de séjour.

19

Après avoir écarté la possibilité d’octroyer à B. le bénéfice de l’aide sociale en se fondant sur l’existence d’une éventuelle impossibilité médicale de retour, au sens de la réglementation belge relative à l’aide sociale, la juridiction de renvoi constate que l’issue du litige au principal dépend des effets qu’il convient de reconnaître à la solution retenue par la Cour dans l’arrêt du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453).

20

Elle estime, en effet, qu’elle devrait accueillir le recours de B. si un effet suspensif devait être reconnu au recours aux fins d’annulation et de suspension introduit devant le Conseil du contentieux des étrangers. Elle précise que ce recours ne bénéficie pas, en vertu de la législation belge, d’un effet suspensif, mais qu’un tel effet pourrait lui être reconnu sur le fondement de l’arrêt du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014...

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