Conclusiones del Abogado General Sr. J. Richard de la Tour, presentadas el 20 de mayo de 2021.

JurisdictionEuropean Union
Date20 May 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN RICHARD DE LA TOUR

présentées le 20 mai 2021 (1)

Affaire C136/20

Procédure pénale

contre

LU

[demande de décision préjudicielle formée par le Zalaegerszegi Járásbíróság (tribunal de district de Zalaegerszeg, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Décision-cadre 2005/214/JAI – Reconnaissance mutuelle des sanctions pécuniaires – Article 5, paragraphe 1 – Infraction relative à une “conduite contraire aux normes qui règlent la circulation routière” – Portée de l’infraction – Sanction pécuniaire infligée par l’État d’émission au propriétaire du véhicule en raison de la violation de l’obligation d’identification du conducteur soupçonné d’être responsable de la commission d’une infraction routière – Article 7, paragraphe 1 – Motifs de non-reconnaissance et de non-exécution – Portée et modalités du contrôle de l’État d’exécution quant à la qualification juridique de l’infraction »






I. Introduction

1. Le présent renvoi préjudiciel invite la Cour à préciser la mesure dans laquelle une autorité compétente d’un État membre (2) peut refuser de reconnaître et d’exécuter une décision de condamnation à une sanction pécuniaire prononcée dans un autre État membre (3) lorsqu’elle considère que l’infraction commise dans ce dernier État ne relève pas de la liste des infractions pour lesquelles le législateur de l’Union a, dans la décision-cadre 2005/214, exclu le contrôle de la double incrimination du fait.

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure relative à la reconnaissance et à l’exécution par l’autorité compétente hongroise d’une sanction pécuniaire qui a été prononcée à l’encontre de l’une de ses ressortissants, LU, par l’autorité compétente autrichienne. Cette sanction a été infligée au motif que LU, en tant que propriétaire d’un véhicule impliqué dans la commission d’une infraction routière, n’a pas respecté l’obligation qui lui incombe d’identifier le conducteur soupçonné d’être responsable de la commission de cette infraction. Alors que l’autorité compétente autrichienne considère que la violation de cette obligation d’identification relève d’une infraction relative à une « conduite contraire aux normes qui règlent la circulation routière » au sens de l’article 5, paragraphe 1, trente-troisième tiret, de la décision‑cadre 2005/214, pour laquelle le contrôle de la double incrimination du fait est exclu, l’autorité compétente hongroise soutient, quant à elle, que ladite infraction ne peut revêtir une telle qualification.

3. Les questions posées par le Zalaegerszegi Járásbíróság (tribunal de district de Zalaegerszeg, Hongrie) visent, en substance, à déterminer la portée et les modalités du contrôle auquel peut procéder l’autorité compétente de l’État d’exécution lorsqu’elle considère que la demande de reconnaissance et d’exécution de la sanction pécuniaire que lui adresse l’autorité compétente de l’État d’émission est entachée d’une erreur quant à la qualification juridique de l’infraction au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/214. Ces questions sont également l’occasion pour la Cour de préciser la notion de « conduite contraire aux normes qui règlent la circulation routière » employée par le législateur de l’Union à l’article 5, paragraphe 1, trente‑troisième tiret, de cette décision-cadre, en l’absence de toute définition en droit de l’Union de cette infraction et dans un contexte où il n’existe aucune uniformisation des règles de circulation routière dans l’Union européenne.

4. Dans les présentes conclusions, je proposerai à la Cour de dire pour droit que l’article 7, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/214 doit être interprété en ce sens que l’autorité compétente de l’État d’exécution peut refuser de reconnaître et d’exécuter une décision lorsque l’infraction, telle qu’elle est définie dans le droit de l’État d’émission, ne relève pas de l’infraction ou de la catégorie d’infractions à laquelle l’autorité compétente de l’État d’émission se réfère dans le certificat joint à cette décision, aux fins de l’application de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision-cadre. Au préalable, il incombe toutefois à l’autorité compétente de l’État d’exécution d’engager la procédure de consultation visée à l’article 7, paragraphe 3, de ladite décision-cadre.

5. J’inviterai également la Cour à dire pour droit que l’article 5, paragraphe 1, trente-troisième tiret, de la décision-cadre 2005/214 doit être interprété en ce sens que l’infraction relative à une « conduite contraire aux normes qui règlent la circulation routière » recouvre un comportement par lequel le propriétaire d’un véhicule refuse d’identifier le conducteur qui est soupçonné d’être responsable de la commission d’une infraction routière.

II. Le cadre juridique

A. La décision-cadre 2005/214

6. Les considérants 1, 2 et 4 de la décision-cadre 2005/214 énoncent :

« (1) Le Conseil européen réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999 a approuvé le principe de reconnaissance mutuelle, qui devrait devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l’Union.

(2) Le principe de reconnaissance mutuelle devrait s’appliquer aux sanctions pécuniaires infligées par les autorités judiciaires et administratives afin d’en faciliter l’application dans un État membre autre que celui dans lequel les sanctions ont été imposées.

[...]

(4) La présente décision-cadre devrait couvrir les sanctions pécuniaires relatives à des infractions routières. »

7. L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2005/214 dispose :

« 1. Une décision, accompagnée d’un certificat tel que le prévoit le présent article, peut être transmise aux autorités compétentes d’un État membre dans lequel la personne physique ou morale à l’encontre de laquelle la décision a été prononcée possède des biens ou des revenus, a sa résidence habituelle ou son siège statutaire, s’il s’agit d’une personne morale.

2. Le certificat, dont le modèle figure en annexe, doit être signé et son contenu certifié exact par l’autorité compétente de l’État d’émission. »

8. L’article 5, paragraphe 1, trente-troisième tiret, et paragraphe 3, de cette décision-cadre prévoit, quant au champ d’application de celle‑ci :

« 1. Donnent lieu à la reconnaissance et à l’exécution des décisions, aux conditions de la présente décision-cadre et sans contrôle de la double incrimination du fait, les infractions suivantes, si elles sont punies dans l’État d’émission et telles qu’elles sont définies par le droit de l’État d’émission :

[...]

– conduite contraire aux normes qui règlent la circulation routière, y compris les infractions aux dispositions en matière de temps de conduite et de repos et aux dispositions relatives au transport des marchandises dangereuses,

[...]

3. Pour les cas autres que ceux visés au paragraphe 1, l’État d’exécution peut subordonner la reconnaissance et l’exécution d’une décision à la condition que la décision concerne un acte qui constituerait une infraction au regard du droit de l’État d’exécution, quels que soient les éléments constitutifs ou la qualification de celle-ci. »

9. L’article 6 de la décision-cadre 2005/214, intitulé « Reconnaissance et exécution des décisions », est libellé comme suit :

« Les autorités compétentes de l’État d’exécution reconnaissent une décision qui a été transmise conformément à l’article 4, sans qu’aucune autre formalité ne soit requise, et prennent sans délai toutes les mesures nécessaires pour son exécution, sauf si l’autorité compétente décide de se prévaloir d’un des motifs de non-reconnaissance ou de non‑exécution prévus à l’article 7. »

10. L’article 7 de cette décision-cadre, intitulé « Motifs de non‑reconnaissance et de non-exécution », dispose :

« 1. Les autorités compétentes de l’État d’exécution peuvent refuser de reconnaître et d’exécuter la décision si le certificat prévu à l’article 4 n’est pas produit, s’il est établi de manière incomplète ou s’il ne correspond manifestement pas à la décision.

2. L’autorité compétente de l’État d’exécution peut également refuser de reconnaître et d’exécuter la décision s’il est établi que :

[...]

b) dans un des cas visés à l’article 5, paragraphe 3, la décision concerne un acte qui ne constituerait pas une infraction au regard du droit de l’État d’exécution.

[...]

3. Dans les cas visés au paragraphe 1 et au paragraphe 2, [sous] c) et g), avant de décider de ne pas reconnaître et de ne pas exécuter une décision, en tout ou en partie, l’autorité compétente de l’État d’exécution consulte l’autorité compétente de l’État d’émission par tous les moyens appropriés et, le cas échéant, sollicite sans tarder toute information nécessaire. »

B. Le droit autrichien

11. L’article 103 du Kraftfahrgesetz (loi fédérale sur les véhicules automobiles) (4), du 23 juin 1967, relatif aux obligations du propriétaire du véhicule, dispose, à son paragraphe 2 :

« L’autorité peut demander des renseignements sur l’identité de la personne qui, à un moment déterminé, a conduit un véhicule identifié par son immatriculation [...] ou qui a garé le véhicule [...] en dernier lieu à un endroit précis avant un moment déterminé. Ces renseignements, qui doivent inclure le nom et l’adresse de la personne concernée, doivent être communiqués par le titulaire de l’immatriculation [...] ; si ce titulaire n’est pas en mesure de communiquer ces renseignements, il est tenu de désigner la personne qui est en mesure de le faire et qui, dès lors, est le destinataire de l’obligation de renseignement ; les informations fournies par la personne tenue à l’obligation de renseignement ne dispensent pas l’autorité de vérifier celles-ci lorsque cela apparaît nécessaire au regard des circonstances de l’espèce. Les informations doivent être transmises immédiatement et, en cas de demande écrite, dans les deux semaines à compter de la notification [...] »

12. L’article 134...

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