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JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:592
Date14 July 2021
Celex Number62021CC0262
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 14 juillet 2021 (1)

Affaire C262/21 PPU

A

contre

B

[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale – Règlement (CE) no 2201/2003 – Champ d’application matériel – Notion de “matières civiles” – Demande de protection internationale d’un parent au nom de l’enfant mineur – Règlement (UE) no 604/2013 – Décision de transfert de l’enfant mineur dans l’État membre responsable de l’examen de la demande – Demande de retour – Déplacement ou non-retour illicites d’un enfant – Article 2, paragraphe 11 – Qualification – Convention de La Haye de 1980 – Résidence habituelle – Voie de fait »






I. Introduction

1. Une décision de transfert d’un enfant mineur prise en application du règlement (UE) nº 604/2003 (2) et faisant suite à une demande de protection internationale présentée en son nom par l’un des parents, sans l’assentiment de l’autre, peut-elle relever du champ d’application matériel du règlement (CE) nº 2201/2003 (3) et, dans l’affirmative, caractériser une situation d’enlèvement international de cet enfant ?

2. Telle est l’une des questions que pose la présente affaire dont l’originalité est de mettre en relation deux instruments juridiques du droit de l’Union à l’objet et aux objectifs apparemment bien distincts et sur laquelle la Cour devra se prononcer pour la première fois.

II. Le cadre juridique

A. La convention de La Haye du 25 octobre 1980

3. L’article 3 de la convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, conclue à La Haye le 25 octobre 1980 (ci-après la « convention de La Haye de 1980 »), dispose :

« Le déplacement ou le non-retour d’un enfant est considéré comme illicite :

a) lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l’État dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ;et

b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient survenus.

Le droit de garde visé en a) peut notamment résulter d’une attribution de plein droit, d’une décision judiciaire ou administrative, ou d’un accord en vigueur selon le droit de cet État. »

4. L’article 12 de cette convention énonce :

« Lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non‑retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat.

L’autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l’expiration de la période d’un an prévue à l’alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l’enfant, à moins qu’il ne soit établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu.

Lorsque l’autorité judiciaire ou administrative de l’État requis a des raisons de croire que l’enfant a été emmené dans un autre État, elle peut suspendre la procédure ou rejeter la demande de retour de l’enfant. »

5. L’article 13 de ladite convention est rédigé en ces termes :

« Nonobstant les dispositions de l’article précédent, l’autorité judiciaire ou administrative de l’État requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit :

a) que la personne, l’institution ou l’organisme qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non‑retour ; ou

b) qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

L’autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.

Dans l’appréciation des circonstances visées dans cet article, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l’Autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l’État de la résidence habituelle de l’enfant sur sa situation sociale. »

B. Le droit de l’Union

1. Le règlement no 2201/2003

6. Le considérant 5 du règlement nº 2201/2003 mentionne ce qui suit :

« En vue de garantir l’égalité de tous enfants, le présent règlement couvre toutes les décisions en matière de responsabilité parentale, y compris les mesures de protection de l’enfant, indépendamment de tout lien avec une procédure matrimoniale. »

7. Le considérant 10 du règlement nº 2201/2003 dispose :

« Le présent règlement n’a pas vocation à s’appliquer à des matières telles que celles relatives à la sécurité sociale, aux mesures de droit public à caractère général en matière d’éducation et de santé, ni aux décisions relatives au droit d’asile et à l’immigration [...] »

8. Le considérant 17 du règlement nº 2201/2003 énonce :

« En cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, son retour devrait être obtenu sans délai et à ces fins la [convention de La Haye de 1980] devrait continuer à s’appliquer telle que complétée par les dispositions de ce règlement et en particulier de l’article 11. Les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a été déplacé ou retenu illicitement devraient être en mesure de s’opposer à son retour dans des cas précis, dûment justifiés. Toutefois, une telle décision devrait pouvoir être remplacée par une décision ultérieure de la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement ou non‑retour illicites. Si cette décision implique le retour de l’enfant, le retour devrait être effectué sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure pour la reconnaissance et l’exécution de ladite décision dans l’État membre où se trouve l’enfant enlevé. »

9. L’article 1er du règlement nº 2201/2003, intitulé « Champ d’application », est ainsi libellé :

« 1. Le présent règlement s’applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives :

[...]

b) à l’attribution, à l’exercice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale.

2. Les matières visées au paragraphe 1, point b, concernent notamment :

a) le droit de garde et le droit de visite ;

[...] »

10. L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », précise :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

7) “responsabilité parentale” l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des biens d’un enfant. Il comprend notamment le droit de garde et le droit de visite ;

[...]

9) “droit de garde” les droits et obligations portant sur les soins de la personne d’un enfant, et en particulier le droit de décider de son lieu de résidence ;

[...]

11) “déplacement ou non-retour illicites d’un enfant” le déplacement ou le non-retour d’un enfant lorsque :

a) il a eu lieu en violation d’un droit de garde résultant d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur en vertu du droit de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour

et

b) sous réserve que le droit de garde était exercé effectivement, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient survenus. La garde est considérée comme étant exercée conjointement lorsque l’un des titulaires de la responsabilité parentale ne peut, conformément à une décision ou par attribution de plein droit, décider du lieu de résidence de l’enfant sans le consentement d’un autre titulaire de la responsabilité parentale. »

11. L’article 11 dudit règlement prévoit :

« 1. Lorsqu’une personne, institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde demande aux autorités compétentes d’un État membre de rendre une décision sur la base de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 [...] en vue d’obtenir le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un État membre autre que l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, les paragraphes 2 à 8 sont d’application.

[...]

4. Une juridiction ne peut pas refuser le retour de l’enfant en vertu de l’article 13, point b), de la convention de La Haye de 1980 s’il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant après son retour. »

2. Le règlement no 604/2013

12. L’article 12 du règlement nº 604/2013 dispose :

« 1. Si le demandeur est titulaire d’un titre de séjour en cours de validité, l’État membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale.

[...]

3. Si le demandeur est titulaire de plusieurs titres de séjour ou visas en cours de validité, délivrés par différents États membres, la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale incombe, dans l’ordre suivant :

a) à l’État membre qui a délivré le titre de séjour qui confère le droit de séjour le plus long ou, en cas de durée de validité identique, à l’État membre qui a délivré le titre de séjour dont l’échéance est la plus lointaine ;

b) à l’État membre qui a...

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