Opinion of Advocate General Hogan delivered on 23 September 2021.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62020CC0228 |
ECLI | ECLI:EU:C:2021:762 |
Date | 23 September 2021 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. GERARD HOGAN
présentées le 23 septembre 2021 (1)
Affaire C‑228/20
I GmbH
contre
Finanzamt H
[demande de décision préjudicielle formée par le Niedersächsisches Finanzgericht (tribunal des finances du Land de Basse-Saxe, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 132, paragraphe 1, sous b) – Exonérations en faveur de certaines activités médicales d’intérêt général – Notion d’“établissements dûment reconnus” – Notion de “conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public” »
I. Introduction
1. Dans quelles circonstances un établissement hospitalier de droit privé peut-il invoquer le bénéfice de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux traitements et soins médicaux dispensés par les hôpitaux publics ? Telle est, en substance, la question, d’une difficulté non négligeable, comme nous le verrons, que soulève la présente demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci‑après la « directive TVA »), qui prévoit effectivement une exonération pour certaines prestations de soins effectuées par certains types spécifiques d’établissements médicaux.
2. Les exonérations prévues à l’article 132 de la directive TVA sont fondées sur des considérations politiques qui ne sont pas nécessairement parfaitement cohérentes dans leur ensemble. Comme le fait observer Dominique Berlin, les avancées sur la voie de l’harmonisation en matière de TVA ont souvent été régies par des considérations extrêmement pratiques, elles‑mêmes souvent dictées par les réalités des politiques nationales et des spécificités régionales (2).
3. Dans la présente affaire, la demande de décision préjudicielle a été introduite par le Niedersächsisches Finanzgericht (tribunal des finances du Land de Basse-Saxe, Allemagne), dans le cadre d’un litige entre I GmbH (une société à responsabilité limitée de droit allemand) et le Finanzamt H (centre des impôts de H, Allemagne) ayant pour objet l’exonération de TVA pour des prestations hospitalières fournies par I au cours des exercices 2009 à 2012. Ayant constaté l’existence d’une certaine tension entre la législation nationale et le libellé de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur l’interprétation qu’il convient de donner à cette disposition.
4. D’emblée, il me faut admettre que la jurisprudence actuelle de la Cour à ce sujet n’est peut-être pas toujours entièrement cohérente. Comme nous le verrons également, ce problème est en partie dû au fait que certaines des notions contenues à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA sont elles‑mêmes quelque peu mal définies et difficiles à appliquer. Ainsi, la présente affaire offre à la Cour l’occasion de clarifier sa jurisprudence en procédant à une analyse approfondie et systémique de cette disposition. Cependant, avant de procéder à cette analyse, il convient de présenter le cadre juridique pertinent.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
5. L’article 131 de la directive TVA, unique article du titre IX, chapitre 1, de cette directive (intitulés respectivement « Exonérations » et « Dispositions générales »), dispose :
« Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels. »
6. L’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA, lequel figure au chapitre 2 de cette directive (intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général »), dispose :
« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :
[...]
b) l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus ;
c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné ;
[...] »
7. L’article 133 de la directive TVA dispose :
« Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l’octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l’article 132, paragraphe 1, points b), g), h), i), l), m) et n), au respect de l’une ou plusieurs des conditions suivantes :
a) les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l’amélioration des prestations fournies ;
b) ces organismes doivent être gérés et administrés à titre essentiellement bénévole par des personnes n’ayant, par elles‑mêmes ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ;
c) ces organismes doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n’excédant pas de tels prix ou, pour les opérations non susceptibles d’homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la TVA ;
d) les exonérations ne doivent pas être susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence au détriment des entreprises commerciales assujetties à la TVA.
[...] »
B. Le droit allemand
8. L’article 4, point 14, sous b), de l’Umsatzsteuergesetz (UStG) (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, BGBl. 2005 I, p. 386), dans sa version en vigueur au 1er janvier 2009, dispose :
« Les opérations suivantes relevant de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, UStG sont exonérées :
[...]
14) [...]
b) l’hospitalisation et les soins médicaux, y compris le diagnostic, les examens médicaux, la prévention, la rééducation, les soins obstétricaux et les soins de fin de vie, ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, effectuées par des organismes de droit public. Les prestations visées à la première phrase sont également exonérées lorsqu’elles sont fournies par :
i) des établissements hospitaliers agréés au sens de l’article 108 du Fünftes Buch Sozialgesetzbuch – Gesetzliche Krankenversicherung – (Artikel 1 des Gesetzes vom 20. Dezember 1988) (SGB V) (livre cinquième du code de la sécurité sociale relatif au régime légal d’assurance maladie, article 1er de la loi du 20 décembre 1998, BGBl. 1988 I, p. 2477) ;
[...]
iii) des organismes qui ont été associés aux soins par les organismes du régime d’assurance accident légal, conformément à l’article 34 du Siebtes Buch Sozialgesetzbuch – Gesetzliche Unfallversicherung – (Artikel 1 des Gesetzes vom 7. August 1996) (SGB VII) (livre septième du code de la sécurité sociale relatif au régime légal d’assurance contre les accidents et les maladies professionnels, article 1er de la loi du 7 août 1996, BGBl. 1996 I, p. 1254) ;
[...] »
9. L’article 108 SGB V, intitulé « Établissements hospitaliers agréés », dispose :
« Les caisses d’assurance maladie ne peuvent faire donner des soins hospitaliers que par les établissements hospitaliers suivants (établissements hospitaliers agréés) :
1) les établissements hospitaliers reconnus en tant que clinique universitaire [...],
2) les établissements hospitaliers intégrés dans le plan hospitalier d’un Land (hôpitaux du plan) ou
3) les établissements hospitaliers qui ont conclu une convention de prestation de soins avec les Landesverbände der Krankenkassen (associations des caisses d’assurance maladie au niveau du Land) et les Verbände der Ersatzkassen (associations des caisses de substitution). »
10. Il apparaît que, pour des raisons historiques, la différence existant en droit allemand entre une caisse d’assurance maladie et une caisse de substitution réside dans leur mode d’organisation. Il semblerait que cette différence soit sans incidence sur la présente affaire.
11. L’article 109 SGB V, intitulé « Conclusion de conventions de prestation de soins avec des établissements hospitaliers », dispose :
« [...]
2. Il n’existe aucun droit à la conclusion d’une convention de prestation de soins telle que visée à l’article 108, point 3, SGB V. [...]
3. Une convention de prestation de soins telle que visée à l’article 108, point 3, SGB V ne peut pas être conclue lorsque l’établissement hospitalier :
1) n’offre pas la garantie d’une hospitalisation efficace et économique,
2) [ne répond pas à certains critères de qualité] ou
3) n’est pas nécessaire à une hospitalisation adaptée aux besoins des assurés.
[...] »
12. L’article 1er du Gesetz zur wirtschaftlichen Sicherung der Krankenhäuser und zur Regelung der Krankenhauspflegesätze (Krankenhausfinanzierungsgesetz – KHG) (loi relative au financement et à la tarification des soins des établissements hospitaliers, BGBl. 1991 I, p. 886), intitulé « Principe », dans la version présentée par la juridiction de renvoi comme étant celle en vigueur au moment des faits, ce qu’il appartient à celle‑ci de vérifier, dispose :
« 1. L’objet de cette loi est de garantir la sécurité économique des établissements hospitaliers afin d’assurer à la population des soins de haute qualité, axés sur le patient et les besoins, grâce à des établissements hospitaliers efficaces et de haute qualité, indépendants dans la gestion de leur budget, et de contribuer à une tarification socialement supportable des soins. »
13. L’article 6 KHG dispose :
« 1. Afin d’atteindre les objectifs visés à l’article 1er, les...
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