Conclusiones del Abogado General Sr. P. Pikamäe, presentadas el 13 de enero de 2022.

JurisdictionEuropean Union
Date13 January 2022
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 13 janvier 2022 (1)

Affaires jointes C451/19 et C532/19

Subdelegación del Gobierno en Toledo

contre

XU (C451/19)

et

Subdelegación del Gobierno en Toledo

contre

QP (C532/19)

[demandes de décision préjudicielle formées par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (Cour supérieure de justice de Castille-La Manche, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Article 20 TFUE – Citoyenneté de l’Union européenne – Citoyen de l’Union n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation – Demande de carte de séjour d’un membre de sa famille, ressortissant d’un pays tiers – Rejet – Obligation pour le citoyen de l’Union de disposer de ressources suffisantes – Obligation des époux de vivre ensemble – Enfant mineur, citoyen de l’Union – Législation et pratiques nationales – Jouissance effective de l’essentiel des droits conférés aux ressortissants de l’Union – Privation »






I. Introduction

1. Les demandes de décision préjudicielle soumises par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (Cour supérieure de justice de Castille-La Manche, Espagne) dans les présentes affaires jointes portent sur l’interprétation de l’article 20 TFUE en ce qui concerne la reconnaissance du droit de séjour de ressortissants de pays tiers qui sont membres de la famille (le fils de la conjointe et le conjoint, respectivement) d’un citoyen espagnol qui n’a pas exercé son droit de libre circulation, ainsi que l’éventuelle obligation de procéder à l’examen concret et individuel de la question de savoir s’il existe une relation de dépendance entre les membres du noyau familial.

2. Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant la Subdelegación del Gobierno en Toledo (sous-délégation du gouvernement à Tolède, Espagne) (ci-après la « sous-délégation ») à des ressortissants de pays tiers au sujet du rejet, par celle-ci, de demandes d’obtention, à leur profit, d’une carte de séjour en tant que membres de la famille d’un citoyen de l’Union. Ces derniers invoquent, au soutien de leurs prétentions, un droit de séjour dérivé, fondé sur l’article 20 TFUE, ainsi que la jurisprudence de la Cour sur le statut de citoyen de l’Union. Les présentes affaires offrent à la Cour l’occasion de préciser sa jurisprudence relative au droit de séjour dérivé qui, dans certaines circonstances exceptionnelles, doit être reconnu à un ressortissant d’un pays tiers au titre de cette disposition.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2004/38/CE

3. L’article 1er de la directive 2004/38/CE (2) dispose :

« La présente directive concerne :

a) les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

b) le droit de séjour permanent, dans les États membres, des citoyens de l’Union et des membres de leur famille ;

[...] »

4. L’article 3 de cette directive, intitulé « Bénéficiaires », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. »

5. L’article 7, paragraphes 1 et 2, de ladite directive est libellé comme suit :

« 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

[...]

b) s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil ; ou,

[...]

d) si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c). »

2. La directive 2003/86/CE

6. L’article 2 de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (3), énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

c) “regroupant” : un ressortissant de pays tiers qui réside légalement dans un État membre et qui demande le regroupement familial, ou dont des membres de la famille demandent à le rejoindre ;

[...] »

7. L’article 3 de cette directive prévoit :

« 1. La présente directive s’applique lorsque le regroupant est titulaire d’un titre de séjour délivré par un État membre d’une durée de validité supérieure ou égale à un an, ayant une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour permanent, si les membres de sa famille sont des ressortissants de pays tiers, indépendamment de leur statut juridique.

[...]

3. La présente directive ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union. »

8. Aux termes de l’article 4 de ladite directive :

« 1. Les États membres autorisent l’entrée et le séjour, conformément à la présente directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV, ainsi qu’à l’article 16, des membres de la famille suivants :

[...]

c) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du regroupant, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l’autre titulaire du droit de garde ait donné son accord ;

[...]

6. Par dérogation, les États membres peuvent demander que les demandes concernant le regroupement familial d’enfants mineurs soient introduites avant que ceux-ci n’aient atteint l’âge de 15 ans, conformément aux dispositions de leur législation en vigueur à la date de la mise en œuvre de la présente directive. Si elles sont introduites ultérieurement, les États membres qui décident de faire usage de la présente dérogation autorisent l’entrée et le séjour de ces enfants pour d’autres motifs que le regroupement familial. »

9. Selon l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2003/86 :

« La demande est introduite et examinée alors que les membres de la famille résident à l’extérieur du territoire de l’État membre dans lequel le regroupant réside.

Par dérogation, un État membre peut accepter, dans des cas appropriés, qu’une demande soit introduite alors que les membres de la famille se trouvent déjà sur son territoire. »

B. Le droit espagnol

10. L’article 32 de la Constitution espagnole prévoit :

« 1. L’homme et la femme ont le droit de se marier en pleine égalité juridique.

2. La loi détermine les formes du mariage, l’âge et la capacité pour se marier, les droits et devoirs des époux, les causes de séparation et de dissolution et leurs effets. »

11. Aux termes de l’article 68 du Código Civil (code civil) :

« Les époux sont tenus de vivre ensemble, ils se doivent fidélité et assistance mutuelle. En outre, ils doivent partager les responsabilités domestiques ainsi que les soins aux ascendants et descendants et aux autres personnes à leur charge. »

12. L’article 70 de ce code prévoit :

« Les époux établissent d’un commun accord le lieu du domicile conjugal et, en cas de désaccord, la question est tranchée par le juge, qui tient compte de l’intérêt de la famille. »

13. Aux termes de l’article 110 dudit code :

« Le père et la mère, même s’ils n’exercent pas l’autorité parentale, sont tenus de s’occuper de leurs enfants mineurs et de pourvoir à leur alimentation. »

14. Selon l’article 154 du code civil :

« Les mineurs non émancipés sont soumis à l’autorité parentale des parents.

[...] »

15. L’article 1er du Real Decreto 240/2007, sobre entrada, libre circulación y residencia en España de ciudadanos de los Estados miembros de la Unión Europea y de otros Estados parte en el Acuerdo sobre el Espacio Económico Europeo (décret royal 240/2007 sur l’entrée, la liberté de circulation et le séjour en Espagne des citoyens des États membres de l’Union européenne et des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen) (4), du 16 février 2007, dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« 1. Le présent décret royal régit les conditions pour l’exercice des droits d’entrée et de sortie, de libre circulation, de séjour, de séjour permanent et de travail en Espagne pour les ressortissants d’autres États membres de l’Union européenne et des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, ainsi que les limites des droits précités pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

2. Le contenu du présent décret royal s’entend sans préjudice des dispositions des lois spéciales et des traités internationaux auxquels l’Espagne est partie. »

16. L’article 2 de ce décret royal prévoit :

« Le présent décret royal s’applique également, dans les termes qui y sont prévus, aux membres de la famille d’un ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’ils l’accompagnent ou le rejoignent, et qui sont énumérés ci-après :

a) le conjoint, à condition qu’il n’y ait pas eu d’accord ou de déclaration de nullité du mariage, divorce ou séparation de corps ;

[...]

c) ses descendants directs, ainsi que ceux de son conjoint ou de son partenaire enregistré, âgés de moins de vingt et un ans ou dépassant cet âge et qui sont à sa charge ou sont incapables, à condition qu’il n’y ait pas eu d’accord ou de déclaration de nullité du mariage, divorce ou séparation de corps ou que l’inscription du partenariat n’ait pas été annulée ;

[...] »

17. Aux termes de...

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