Pilatus Bank plc and Pilatus Holding ltd. v European Central Bank.

JurisdictionEuropean Union
Date02 February 2022
CourtGeneral Court (European Union)
62019TJ0027

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

2 février 2022 ( *1 )

« Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit – Inculpation de l’actionnaire principal dans un pays tiers – Critère d’honorabilité – Perception de l’honorabilité par le marché – Présomption d’innocence – Proportionnalité – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑27/19,

Pilatus Bank plc, établie à Ta’Xbiex (Malte),

Pilatus Holding Ltd., établie à Ta’Xbiex,

représentées par Me O. Behrends, avocat,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mme E. Yoo, MM. M. Puidokas et A. Karpf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou, A. Nijenhuis et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la BCE du 2 novembre 2018 retirant à Pilatus Bank son agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de M. M. van der Woude, président, Mmes M. J. Costeira (rapporteure), M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 février 2021,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige

1

Les requérantes, Pilatus Bank plc et Pilatus Holding Ltd., sont respectivement, un établissement de crédit moins important établi à Malte et soumis à la surveillance prudentielle directe de la Malta Financial Services Authority (MFSA, Autorité maltaise des services financiers) et l’actionnaire majoritaire direct de cet établissement de crédit.

2

Selon un communiqué de presse publié par le United States Department of Justice (ministère de la Justice des États-Unis), le 19 mars 2018, M. Ali Sadr, l’actionnaire de la première requérante détenant indirectement 100 % de son capital et des droits de vote, a été arrêté aux États-Unis sous six chefs d’inculpation liés à sa supposée participation à un système par lequel environ 115 millions de dollars des États-Unis (USD) versés pour financer un projet au Venezuela auraient été détournés au profit de personnes et d’entreprises iraniennes.

3

Selon l’acte d’inculpation adopté par le United States Attorney for the Southern District of New York (procureur des États-Unis pour le district sud de New York), certains fonds utilisés pour établir et financer la première requérante en 2013 avaient une origine illégale liée au projet au Venezuela.

4

À la suite de l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis, la première requérante a notamment reçu des demandes de retrait de dépôts pour un montant total de 51,4 millions d’euros, c’est-à-dire environ 40 % des dépôts figurant à son bilan.

5

Le 21 mars 2018, la MFSA a adopté une directive relative au retrait ou à la suspension des droits de vote par laquelle elle a ordonné, notamment, que M. Sadr soit démis de son poste de dirigeant de la première requérante avec effet immédiat ainsi que de toutes ses autres fonctions décisionnelles au sein de celle-ci, qu’il suspende l’exercice de ses droits de vote et qu’il s’abstienne de toute représentation juridique ou en justice de ladite requérante.

6

Le même jour, la MFSA a adopté la directive relative au moratoire, par laquelle elle a enjoint à la première requérante de n’autoriser aucune transaction bancaire, en particulier les retraits et les dépôts par les actionnaires et les membres du conseil de direction de ladite requérante.

7

Le 22 mars 2018, la MFSA a adopté la directive relative à la nomination d’une personne compétente, afin de confier à cette personne, en substance, l’exercice de l’essentiel des pouvoirs normalement dévolus aux organes de direction de la première requérante en ce qui concerne les activités spécifiques et les actifs de cette dernière.

8

Le 29 juin 2018, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu une proposition de la MFSA de retirer l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit de la première requérante, en application de l’article 14, paragraphe 5, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

9

Le 2 août 2018, la MFSA a soumis à la BCE une proposition révisée de retrait de l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit de la première requérante.

10

Par une lettre du 31 août 2018, la BCE a invité la première requérante à présenter ses observations concernant le projet de décision de retrait d’agrément dans les cinq jours ouvrés suivant la date de réception de ladite lettre.

11

Le 6 septembre 2018, la première requérante a demandé une prolongation du délai d’audition de 14 jours ainsi que l’accès au dossier de cette procédure.

12

À la demande de la première requérante, le délai a été prorogé une première fois jusqu’au 17 septembre 2018, puis une seconde fois jusqu’au 21 septembre suivant.

13

Par lettre du 13 septembre 2018, la BCE a accordé un accès au dossier de la procédure administrative à la première requérante.

14

Le 21 septembre 2018, la première requérante a transmis ses observations concernant le projet de décision de retrait d’agrément, exprimant l’opposition de sa direction et de ses actionnaires à celui-ci.

15

Le 2 novembre 2018, la BCE a adopté, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, la décision par laquelle elle a retiré l’agrément de la première requérante pour l’accès aux activités d’établissement de crédit (ci-après la « décision attaquée »).

II. Procédure et conclusions des parties

16

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 janvier 2019, les requérantes ont introduit le présent recours.

17

La BCE a déposé le mémoire en défense le 28 mars 2019.

18

Par décision du 17 mai 2019, le président de l’ancienne deuxième chambre du Tribunal a admis la Commission européenne à intervenir au soutien des conclusions de la BCE.

19

La Commission a déposé le mémoire en intervention dans le délai imparti.

20

Les requérantes ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention le 2 août 2019.

21

Les requérantes ont déposé la réplique le 28 juin 2019 et la BCE a déposé la duplique le 21 août 2019.

22

La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affectée à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23

Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

24

Par décision du président du Tribunal du 25 février 2021, un nouveau juge assesseur et président de chambre a été désigné pour compléter la formation.

25

Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 26 février 2021.

26

Le 26 février 2021, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, invité la BCE à répondre à une question et les autres parties à faire valoir leur point de vue. Il a été déféré à cette demande dans les délais impartis.

27

Par décision du président du Tribunal du 12 août 2021, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure.

28

À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.

29

Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la BCE aux dépens.

30

La BCE, soutenue par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne la seconde requérante ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne ladite requérante ;

rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne la première requérante ;

condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A. Sur la recevabilité

31

La BCE, soutenue par la Commission, fait valoir, en substance, que le recours est irrecevable en ce qu’il a été déposé au nom et pour le compte de la seconde requérante, car celle-ci n’a pas démontré disposer d’un intérêt personnel et distinct à l’annulation de la décision attaquée et être directement et individuellement concernée par ladite décision.

32

Les requérantes indiquent que le recours est recevable en tant qu’il a été introduit par la seconde requérante, qui est...

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