Ryanair DAC v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
Date18 May 2022
CourtGeneral Court (European Union)
62020TJ0577

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

18 mai 2022 ( *1 )

« Aides d’État – Marché allemand du transport aérien – Prêt accordé par l’Allemagne à Condor Flugdienst – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté – Difficultés spécifiques et ne résultant pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe – Difficultés trop graves pour être résolues par le groupe lui-même – Risque d’interruption d’un service important »

Dans l’affaire T‑577/20,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande), représentée par Mes E. Vahida, F.-C. Laprévote, V. Blanc, S. Rating et I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et V. Bottka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Condor Flugdienst GmbH, établie à Neu-Isenburg (Allemagne), représentée par Mes A. Birnstiel et S. Blazek, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, E. Buttigieg, Mme K. Kowalik‑Bańczyk, MM. G. Hesse et D. Petrlík, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1

Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ryanair DAC, demande l’annulation de la décision C(2019) 7429 final de la Commission, du 14 octobre 2019, relative à l’aide d’État SA.55394 (2019/N) – Allemagne – Aide au sauvetage de Condor (JO 2020, C 294, p. 3, ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige

2

L’intervenante, Condor Flugdienst GmbH, est une compagnie aérienne qui assure des vols charter et dont le siège se trouve à Neu-Isenburg (Allemagne). Elle fournit des services de transport aérien principalement à des voyagistes à partir des aéroports de Francfort, de Düsseldorf, de Munich et de Hambourg (Allemagne), en se concentrant sur le marché des voyages d’agrément. À l’époque des faits à l’origine du présent litige, l’intervenante était détenue à 100 % par Thomas Cook Group plc (ci-après le « groupe Thomas Cook »).

3

Le 23 septembre 2019, le groupe Thomas Cook a été mis en liquidation judiciaire et a cessé ses activités.

4

En conséquence, le 25 septembre 2019, l’intervenante a dû demander à son tour l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

5

Le même jour, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission européenne une mesure d’aide au sauvetage en faveur de l’intervenante sous la forme d’un prêt de 380 millions d’euros octroyé par Kreditanstalt für Wiederaufbau (Banque publique de développement), assorti d’une garantie consentie à 50 % par le Land de Hesse (Allemagne) et à 100 % par l’État fédéral allemand (ci-après la « mesure en cause »).

6

La mesure en cause est limitée à une durée de six mois et vise à maintenir un transport aérien ordonné et à limiter les conséquences négatives pour l’intervenante, ses passagers et son personnel causées par la liquidation de sa société mère, en lui permettant de poursuivre ses activités jusqu’à ce qu’elle parvienne à un accord avec ses créanciers et que la vente de la société soit effectuée.

7

Le 14 octobre 2019, la Commission, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a conclu que la mesure en cause était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et qu’elle était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1, ci-après les « lignes directrices »).

II. Conclusions des parties

8

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

9

La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

10

À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation du point 22 des lignes directrices, le deuxième, d’une violation du point 44, sous b), de celles-ci, le troisième, d’une violation du point 74 desdites lignes directrices, le quatrième, d’une violation de ses droits procéduraux, et, le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation.

A. Sur la recevabilité

11

La requérante fait valoir qu’elle a qualité pour agir en tant qu’« intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), ce qui lui permet d’introduire un recours en annulation visant à la sauvegarde de ses droits procéduraux à l’encontre de la décision attaquée, prise sans ouverture de la procédure formelle d’examen.

12

La Commission et l’intervenante ne contestent pas la recevabilité du recours.

13

À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, comme en l’espèce, elle déclare non seulement les mesures en cause compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 42 et jurisprudence citée). Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

14

Lorsque la procédure formelle d’examen n’est pas ouverte, comme en l’espèce, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette seconde phase, sont dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union européenne, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, un recours visant à l’annulation d’une décision fondée sur l’article 108, paragraphe 3, TFUE introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est recevable lorsque l’auteur de ce recours tend à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 56 et jurisprudence citée).

15

De plus, au regard de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, une entreprise concurrente du bénéficiaire d’une mesure d’aide figure incontestablement parmi les « parties intéressées », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 50 et jurisprudence citée).

16

En l’espèce, il est incontestable qu’il existe un rapport de concurrence, quoique limité, entre la requérante et l’intervenante. En effet, la requérante a fait valoir, sans être contredite, qu’elle assurait la desserte aérienne de l’Allemagne depuis plus de 20 ans, qu’elle avait, en 2019, transporté plus de 19 millions de passagers au départ ou à destination de l’Allemagne et qu’elle détenait environ 9 % du marché allemand du transport aérien de passagers, ce qui en faisait la deuxième plus grande compagnie aérienne en Allemagne. La requérante a également mis en exergue que son programme de vols pour l’été 2020, établi avant la propagation de la pandémie de COVID-19, comprenait 265 lignes au départ de 14 aéroports allemands. En outre, au paragraphe 7 de la décision attaquée, la Commission a constaté que certaines destinations desservies par l’intervenante l’étaient également par la requérante et que ces compagnies aériennes étaient concurrentes en ce qui concernait la vente de sièges directement aux clients finaux. Partant, bien que la vente de ces sièges ne représente qu’une part minoritaire des ventes de l’intervenante, le rapport de concurrence entre elle et la requérante n’est pas contesté s’agissant desdites ventes.

17

La requérante est, dès lors, une partie intéressée ayant un intérêt à assurer la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

18

Il y a donc lieu d’admettre la recevabilité du recours en tant que la requérante invoque la violation de ses droits procéduraux.

19

Dès lors, le quatrième moyen, qui vise explicitement à obtenir le...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT