European Commission v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
Date28 June 2022
CourtCourt of Justice (European Union)
62020CJ0278

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

28 juin 2022 ( *1 )

« Manquement d’État – Responsabilité des États membres pour les dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union – Violation du droit de l’Union imputable au législateur national – Violation de la Constitution d’un État membre imputable au législateur national – Principes d’équivalence et d’effectivité »

Dans l’affaire C‑278/20,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 24 juin 2020,

Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz, Mme I. Martínez del Peral et M. P. Van Nuffel, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par M. L. Aguilera Ruiz, Mmes S. Centeno Huerta et A. Gavela Llopis ainsi que par M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Arabadjiev, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, E. Regan, S. Rodin, I. Jarukaitis (rapporteur) et J. Passer, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J.‑C. Bonichot, M. Safjan, F. Biltgen, P. G. Xuereb, N. Piçarra et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 septembre 2021,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 32, paragraphes 3 à 6, et l’article 34, paragraphe 1, second alinéa, de la Ley 40/2015 de Régimen Jurídico del Sector Público (loi 40/2015 relative au régime juridique du secteur public), du 1er octobre 2015 (BOE no 236, du 2 octobre 2015, p. 89411, ci-après la « loi 40/2015 »), ainsi que l’article 67, paragraphe 1, troisième alinéa, de la Ley 39/2015 del Procedimiento Administrativo Común de las Administraciones Públicas (loi 39/2015 relative à la procédure administrative commune des administrations publiques), du 1er octobre 2015 (BOE no 236, du 2 octobre 2015, p. 89343, ci-après la « loi 39/2015 »), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des principes d’effectivité et d’équivalence.

I. Le droit espagnol

A. La Constitution

2

La Constitution espagnole (ci-après la « Constitution ») prévoit, à son article 106, paragraphe 2, que « [l]es particuliers ont, dans les conditions fixées par la loi, le droit d’être indemnisés pour toute atteinte à leurs biens et à leurs droits, sauf en cas de force majeure, lorsque cette atteinte est la conséquence du fonctionnement des services publics ».

B. La loi organique 6/1985

3

La Ley orgánica 6/1985 del Poder Judicial (loi organique 6/1985 relative au pouvoir judiciaire), du 1er juillet 1985 (BOE no 157, du 2 juillet 1985, p. 20632), telle que modifiée par la loi organique 7/2015, du 21 juillet 2015 (BOE no 174, du 22 juillet 2015, p. 61593) (ci-après la « loi organique 6/1985 »), prévoit, à son article 4 bis, paragraphe 1, que « [l]es juges et juridictions appliquent le droit de l’Union [...] conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ».

C. La loi 29/1998

4

La Ley 29/1998 reguladora de la Jurisdicción Contencioso-Administrativa (loi 29/1998 portant organisation de la juridiction du contentieux administratif), du 13 juillet 1998 (BOE no 167, du 14 juillet 1998, p. 23516), telle que modifiée par la Ley 20/2013 de garantía de la unidad de mercado (loi 20/2013 portant garantie de l’unité du marché), du 9 décembre 2013 (BOE no 295, du 10 décembre 2013, p. 97953) (ci-après la « loi 29/1998 »), énonce, à son article 31 :

« 1. Le requérant peut demander que soient déclarés illégaux et, le cas échéant, annulés les actes et dispositions susceptibles d’être attaqués en vertu du chapitre précédent[, intitulé “Activité administrative attaquable”].

2. Il peut également demander la reconnaissance d’une situation juridique individualisée et l’adoption de mesures appropriées pour le plein rétablissement de cette situation, y compris la réparation des dommages, le cas échéant. »

5

L’article 32, paragraphe 2, de cette loi prévoit :

« Lorsque le recours a pour objet un acte matériel constitutif d’une voie de fait, le requérant peut demander qu’elle soit déclarée illégale, que soit ordonnée la cessation de cet acte et que soient adoptées, le cas échéant, les autres mesures prévues à l’article 31, paragraphe 2. »

6

L’article 37, paragraphes 2 et 3, de ladite loi est libellé comme suit :

« 2. Lorsqu’une pluralité de recours ayant un objet identique sont pendants devant un juge ou un tribunal, celui-ci, si ces recours n’ont pas été joints, est tenu, après avoir entendu les parties dans un délai commun de cinq jours, de traiter un ou plusieurs de ceux-ci en priorité et de suspendre le traitement des autres recours jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les premiers d’entre eux.

3. Une fois le jugement [de l’affaire traitée en priorité] devenu définitif, le greffier [...] le communique aux requérants concernés par la suspension afin qu’ils puissent, dans un délai de cinq jours, demander l’extension de ses effets dans les conditions prévues à l’article 111 ou la poursuite de la procédure, ou se désister du recours. »

7

L’article 71, paragraphe 1, sous d), de la même loi dispose :

« Lorsque le jugement ou l’arrêt fait droit au recours contentieux administratif :

[...]

d)

Si une demande tendant à obtenir réparation de dommages est accueillie, le droit à réparation est déclaré dans tous les cas, et il est également précisé qui est tenu d’indemniser. [...] »

8

Aux termes de l’article 110, paragraphe 1, de la loi 29/1998 :

« En matière fiscale, de personnel au service de l’administration publique et d’unité du marché, les effets d’un jugement définitif ayant reconnu une situation juridique individualisée en faveur d’une ou de plusieurs personnes peuvent être étendus à d’autres, en exécution de ce jugement, lorsque les circonstances suivantes sont réunies :

a)

Les parties intéressées se trouvent dans la même situation juridique que les personnes qui bénéficient du jugement favorable.

b)

Le juge ou le tribunal ayant rendu la décision est également compétent, en raison du territoire, pour connaître de leurs demandes de reconnaissance de cette situation individualisée.

c)

Les personnes intéressées demandent l’extension des effets du jugement dans un délai d’un an à compter de la dernière notification de ce jugement aux personnes qui étaient parties à la procédure. En cas d’introduction d’un pourvoi dans l’intérêt de la loi ou d’un recours en révision, ce délai court à compter de la dernière notification de la décision qui tranche définitivement celui-ci. »

9

L’article 111 de cette loi précise :

« Lorsqu’il a été décidé de surseoir à statuer sur un ou plusieurs recours conformément aux dispositions de l’article 37, paragraphe 2, et une fois déclaré définitif le jugement rendu dans le litige traité en priorité, le greffier demande aux requérants concernés par la suspension d’indiquer, dans un délai de cinq jours, s’ils souhaitent l’extension des effets du jugement ou la poursuite de la procédure suspendue, ou s’ils se désistent du recours.

Si l’extension des effets de ce jugement est demandée, le juge ou le tribunal l’accorde, sauf si la circonstance prévue à l’article 110, paragraphe 5, sous b), ou l’un des motifs d’irrecevabilité du recours prévus à l’article 69 de la présente loi est satisfait. »

D. Le code général des impôts

10

L’article 221 de la Ley 58/2003, General Tributaria (loi 58/2003 portant code général des impôts), du 17 décembre 2003 (BOE no 302, du 18 décembre 2003, p. 44987), dans sa version applicable aux faits de l’espèce (ci-après le « code général des impôts »), dispose :

« 1. La procédure de reconnaissance du droit à répétition de l’indu est engagée d’office ou à la demande de l’intéressé, dans les cas suivants :

a)

Lorsqu’il y a eu paiement en double de dettes fiscales ou de pénalités.

b)

Lorsque le montant payé a été supérieur au montant à payer à la suite d’un acte administratif ou d’une autoévaluation.

[...] »

E. La loi 39/2015

11

La loi 39/2015 dispose, à son article 67, intitulé « Demandes d’ouverture des procédures en responsabilité » :

« 1. Les personnes intéressées ne peuvent demander l’ouverture d’une procédure en responsabilité que lorsque leur droit de demander réparation n’est pas frappé de prescription. Le droit de demander réparation est prescrit un an après que le fait ou l’acte motivant la réparation s’est produit ou que son effet préjudiciable s’est manifesté. En cas de dommage physique ou psychologique occasionné aux personnes, le délai commence à courir à partir de la guérison ou de la détermination de la portée des séquelles.

[...]

Dans les cas de responsabilité auxquels fait référence l’article 32, paragraphes 4 et 5, de la loi [40/2015], le droit de demander réparation est prescrit un an après la publication, au “Boletín Oficial del Estado” ou au “Journal officiel de l’Union européenne”, selon le cas, de la décision prononçant l’inconstitutionnalité de la norme ou la déclarant contraire au droit de l’Union [...].

[...] »

12

L’article 106, paragraphe 4, de la loi 39/2015 prévoit :

« Les administrations publiques, lorsqu’elles déclarent la nullité d’une disposition ou d’un acte, peuvent établir, dans la même décision, l’indemnisation devant être reconnue aux personnes intéressées, si les conditions visées à [l’article] 32...

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