M.B. and Others v X S.A.

JurisdictionEuropean Union
Date16 March 2023
CourtCourt of Justice (European Union)
62022CJ0006

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

16 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Articles 6 et 7 – Effets de la constatation du caractère abusif d’une clause – Contrat de prêt hypothécaire indexé sur une devise étrangère – Subsistance du contrat sans clauses abusives – Volonté du consommateur de voir le contrat invalidé – Application de la directive après l’invalidation du contrat – Pouvoirs et obligations du juge national »

Dans l’affaire C‑6/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Woli w Warszawie I Wydział Cywilny (tribunal d’arrondissement de Varsovie – Wola, 1re division civile, siégeant à Varsovie, Pologne), par décision du 19 mai 2021, parvenue à la Cour le 4 janvier 2022, dans la procédure

M.B.,

U.B.,

M.B.

contre :

X S.A.,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. T. von Danwitz et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour M.B., U.B. et M.B., par Me J. Tomaszewska, radca prawny,

pour X S.A., par Mes Ł. Hejmej, M. Przygodzka et A. Szczęśniak, adwokaci,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Brauhoff et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M.B., U.B. et M.B. à X S.A. au sujet des conséquences de l’invalidation d’un contrat de prêt hypothécaire conclu entre ces parties.

Le cadre juridique

3

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

4

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

5

Le 4 juin 2007, M.B., U.B. et M.B. ont conclu, en tant que consommateurs, avec le prédécesseur en droit de X, une banque, un contrat de prêt hypothécaire d’une durée de 360 mois et d’un montant de 339881,92 zlotys polonais (PLN), indexé sur une devise étrangère, à savoir le franc suisse (CHF).

6

En vertu des stipulations de ce contrat, les mensualités ainsi que la somme restant due au titre de ce prêt étaient calculées en francs suisses et payées en zlotys polonais, selon le cours de vente CHF-PLN applicable à chacune de ces mensualités.

7

Devant la juridiction de renvoi, les emprunteurs font valoir que les clauses dudit contrat relatives à ce mécanisme d’indexation sont abusives, dès lors que, en l’absence de règles spécifiques stipulées dans ce même contrat, le taux de change utilisé pour le calcul des mensualités du prêt était fixé discrétionnairement par la banque.

8

M.B., U.B. et M.B. ont demandé la suppression de ces clauses du contrat et ont fait valoir que les mensualités devaient être alculées en zlotys polonais et assorties d’un taux d’intérêt fondé sur le LIBOR. À cet égard, elles ont précisé qu’elles acceptaient l’invalidation du contrat par la juridiction de renvoi.

9

Celle-ci considère, d’une part, que les clauses relatives au mécanisme d’indexation en cause devraient être annulées en raison de leur caractère abusif. D’autre part, dès lors que le contrat de prêt en cause ne peut subsister sans ces clauses, il lui appartiendrait de faire droit à la demande des consommateurs tendant à l’invalidation du contrat de prêt.

10

Ainsi, premièrement, l’invalidation de ce contrat, malgré les effets préjudiciables qui en résultent pour les consommateurs, serait inévitable.

11

La juridiction de renvoi relève que, selon l’arrêt du 7 novembre 2019, Kanyeba e.a. (C‑349/18 à C‑351/18, EU:C:2019:936), les effets de la nullité d’un contrat sont déterminés par le seul droit national. En l’occurrence, ce sont les dispositions générales du droit des contrats qui trouveraient à s’appliquer. Cependant, elle souligne que les considérations relatives à la protection des consommateurs et à la dissuasion des professionnels quant à l’usage de clauses abusives, propres à la directive 93/13, sont étrangères aux dispositions nationales applicables qui prévoient que les parties au contrat supportent à parts égales les pertes résultant de son invalidation. Les requérants au principal perdraient alors la protection dont ils bénéficient en vertu de cette directive.

12

Deuxièmement, rappelant que, dans l’arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH (C‑19/20, EU:C:2021:341), la Cour a jugé que l’invalidation d’un contrat en raison de la présence de clauses abusives ne dépend pas d’une demande expresse du consommateur en ce sens, mais relève d’une application objective par le juge national des critères établis en vertu du droit national, la juridiction de renvoi se demande s’il lui appartient d’établir elle-même les conséquences de l’invalidation du contrat sur la situation du consommateur ou si elle doit se limiter, à cet égard, aux éléments que les requérants au principal lui ont soumis, comme le lui prescrit le droit procédural polonais.

13

Troisièmement, la juridiction de renvoi considère que le litige dont elle est saisie se caractérise par le fait qu’il n’existe pas de dispositions supplétives pertinentes en droit national, ce qui conduirait nécessairement à l’invalidation du contrat et créerait des effets défavorables pour le consommateur. Ainsi, quelle que soit sa décision, cette juridiction estime qu’un des objectifs de la directive 93/13 ne serait pas atteint. En effet, soit elle pallie les lacunes du contrat résultant de la nullité des clauses abusives, au détriment de l’objectif d’assurer un effet dissuasif à l’égard du professionnel, soit elle déclare l’ensemble du contrat invalide et expose le consommateur à des conséquences préjudiciables à son égard.

14

Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Woli w Warszawie I Wydział Cywilny (tribunal d’arrondissement de Varsovie – Wola, 1èe division civile, siégeant à Varsovie, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Eu égard à la finalité de la directive [93/13] qui vise à protéger les consommateurs contre les clauses abusives dans les contrats conclus avec les professionnels, convient-il de retenir une interprétation selon laquelle, lorsqu’un contrat est annulé par un juge en application des dispositions de la directive, cette dernière cesse de s’appliquer, et avec elle la protection qu’elle confère aux consommateurs, de telle sorte que les dispositions relatives au règlement des créances contractuelles entre le consommateur et le professionnel sont à rechercher dans les règles du droit national des contrats applicables à la liquidation du contrat nul ?

2)

Au regard des articles 6 et 7 de la directive [93/13], lorsque le juge constate qu’une clause contractuelle est illicite et que le contrat ne peut pas subsister après la suppression de cette clause, en l’absence d’accord entre les parties pour remédier à la lacune ainsi créée au moyen de dispositions conformes à leur volonté et à défaut de dispositions supplétives [directement applicables au contrat lorsque les parties n’ont rien convenu à cet égard], le juge doit-il prononcer la nullité du contrat en s’en tenant à la volonté du consommateur ayant sollicité son annulation ou doit-il examiner d’office, en allant au-delà des conclusions des parties, la situation patrimoniale du consommateur afin de déterminer si l’annulation du contrat exposera ce dernier à des conséquences particulièrement préjudiciables ?

3)

L’article 6 de la directive [93/13] doit-il être interprété en ce sens que, si le juge aboutit à la conclusion que l’annulation du contrat serait particulièrement préjudiciable au consommateur et si les parties, bien qu’y ayant été encouragées, ne parviennent pas à s’entendre sur la manière de remédier aux lacunes du contrat, il peut, en ayant à l’esprit l’intérêt objectif du consommateur, remédier à la lacune apparue dans le contrat après la suppression des clauses abusives par des dispositions du droit national qui ne sont pas supplétives au sens de l’arrêt [du 3 octobre 2019, Dziubak (C‑260/18, EU:C:2019:819)] – c’est-à-dire directement applicables à la lacune du contrat –, qui sont des dispositions particulières du droit national ne pouvant être appliquées au contrat en question que mutatis mutandis ou par analogie et qui reflètent une règle...

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